Mafia de Piri : L’exclusivité des importations de carburant en RCA, Quelles répercussions pour la CEMAC ?

Mafia de Piri : L’exclusivité des importations de carburant en RCA,  Quelles répercussions pour la CEMAC ?

 

Le ministre en charge du développement de l’énergie et des ressources hydrauliques, Arthur Bertrand Piri ngaba
Le ministre en charge du développement de l’énergie et des ressources hydrauliques, Arthur Bertrand Piri. CopyrightDR

 

 

Bangui, 01 février 2024 (CNC) – La République Centrafricaine est plongée dans une crise d’approvisionnement en carburant, alimentée par des pratiques obscures au sein du ministère de l’Énergie et du Développement Énergétique. Au cœur de cette controverse se trouve un accord secret entre le ministre en question, Arthur Piri et la société Neptune Oil, une entreprise camerounaise qu’il lui octroie un monopole sur l’importation de carburant dans le pays. Face à cette situation, les marketeurs tels que le Groupe Tradex, le Groupe Total, le Groupe Green Oil, le Groupe BOCOM, le Groupe Sharp Oil, le Groupe National Gaz Oil, le Groupe Alpha Oil, et le Groupe Solaris Oil, se retrouvent confrontés à des défis et blocage sans précédent dans l’exercice de leurs activités commerciales. Dans cette investigation, nous examinerons de près les dessous de cette affaire et ses implications sur l’avenir énergétique et économique de la RCA, en mettant en lumière le rôle crucial des entreprises concernées. 

  

Les accords secrets avec Neptune Oil. 

  

Au sein du ministère centrafricain de l’Énergie et de l’hydraulique que dirige le sieur Arthur Piri, une ombre plane sur les pratiques opaques qui ont mené à une crise profonde dans l’approvisionnement en carburant. Au cœur de cette crise se trouve un accord secret conclu entre le ministre Arthur Piri et la société Neptune Oil, une entreprise basée au Cameroun. Cet accord, opaque et non divulgué au public, a accordé à Neptune Oil un monopole sur l’importation de carburant dans le pays, contournant tout processus d’appel d’offres et toute transparence dans les transactions gouvernementales. 

Un véhicule humanitaire à la pompe du PAM
Un véhicule humanitaire à la pompe du PAM

  

 

Les implications de cet accord sont vastes et profondes. Les marketeurs, tels que le Groupe Tradex, le Groupe Total, le Groupe Green Oil, le Groupe BOCOM, le Groupe Sharp Oil, le Groupe National Gaz Oil, le Groupe Alpha Oil, et le Groupe Solaris Oil, se retrouvent désormais confrontés à des défis majeurs dans l’exercice de leurs activités. Sans accès équitable au marché du carburant et confrontés à des restrictions imposées par Neptune Oil, ces entreprises sont contraintes de lutter pour maintenir leurs opérations et répondre aux besoins énergétiques du pays. 

  

L’absence de transparence entourant cet accord soulève des questions profondes sur l’intégrité du processus décisionnel gouvernemental. Les citoyens centrafricains ont été laissés dans l’obscurité, privés de toute information sur les termes et les conditions de cet accord qui a un impact direct sur leur quotidien. La confiance dans le gouvernement et dans les institutions est ébranlée, et la nécessité d’une réforme radicale pour restaurer la transparence et la responsabilité devient plus pressante que jamais. 

  

Le contrôle de l’approvisionnement en carburant dans la CEMAC. 

  

L’accord exclusif octroyé à Neptune Oil par le ministre Arthur Piri de l’Énergie de la République centrafricaine soulève des questions fondamentales quant à la gouvernance énergétique au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Alors que des pays membres tels que le Tchad, la Guinée Équatoriale, le Congo et le Gabon sont des producteurs de pétrole au sein de la CEMAC, la décision de limiter l’approvisionnement en carburant de la Centrafrique à une seule entreprise privée camerounaise suscite des interrogations sur les principes de libre commerce, concurrence et de coopération régionale au sein de la CEMAC. Cette décision, selon nos investigations, cache une clause d’enrichissement illicite et sans cause. 

Le station service du Tradex de
Le station service du Tradex de

  

 

Dans ce contexte, il est crucial de souligner que la Centrafrique, en tant que membre de la CEMAC, bénéficie également de la libre circulation des biens et des services au sein de la communauté économique. Les pays producteurs de pétrole de la CEMAC, tels que le Tchad, le Congo et le Gabon, ont la capacité et le droit de fournir également du carburant à la République Centrafricaine, si les marketeurs veulent se rapprocher d’eux, conformément aux principes de coopération régionale et de libre commerce équitable.  

 

Pour un cadre du ministère contacté par la Rédaction : “Si l’on voit les pannes récurrentes sur nos véhicules en Centrafrique, nous avons l’impression ici au ministère que la société Neptune Oil pratique ce que l’on appelle du blending. Une pratique qui consiste à mélanger des carburants afin d’en modifier la qualité. Mais pourquoi ne pas laisser libre choix aux marketeurs d’aller acheter eux-mêmes leurs carburants dans d’autres pays de la sous-région ? ”, avance ce cadre sous couvert de l’anonymat. 

  

L’accord secret de Piri avec Neptune Oil a introduit un déséquilibre dans le marché du carburant en imposant une exclusivité injustifiée à une entreprise privée camerounaise, au détriment des sociétés étatiques et privées des pays membres de la CEMAC. Même des entités telles que Tradex, une société d’État camerounaise, sont contraintes de s’approvisionner auprès de Neptune Oil, une société privée des contrebandiers qui n’a pas démontré une capacité adéquate à répondre à la demande nationale en carburant de qualité. 

station service de TOTAL Énergie à Bangui, centre-
station service de TOTAL Énergie à Bangui, centre-

  

 

Cette préférence accordée à une entreprise privée camerounaise soulève des préoccupations quant à l’équité, à la transparence et à la conformité aux principes régissant le commerce international au sein de la CEMAC. La Centrafrique risque de compromettre sa relation de coopération avec les autres pays membres de la CEMAC en favorisant un monopole étranger au détriment de ses partenaires régionaux. 

  

Les impasses de l’accord mafieux : Non-livraison de carburant et obstacles locaux. 

  

Selon nos investigations, tous les problèmes en carburant que le pays a traversé et traverse encore, sont dues à l’incapacité de l’entreprise camerounaise Neptune Oil à fournir à temps réel ces carburants aux marketeurs de Centrafrique. Selon plusieurs sources de la Rédaction au ministère de l’Energie, malgré les paiements effectués par plusieurs entreprises locales, dont Solaris, Tradex et Sharp Oil, à Neptune Oil pour l’achat de carburant, aucune livraison n’a été réalisée jusqu’à présent. Cette non-livraison soulève des inquiétudes sérieuses quant à la légitimité et à la transparence de l’accord passé avec Neptune Oil. 

  

De plus, certaines entreprises locales ont tenté de livrer du carburant dans le pays, mais se sont heurtées à des obstacles majeurs de la part des agents du ministère de l’Énergie et de l’hydraulique. Un exemple frappant est celui d’un groupe d’entreprises dont la livraison de carburant a été bloquée à Yaloké par les agents du ministère de l’Énergie, malgré leurs efforts légitimes pour répondre aux besoins du marché local. 

  

Cette série de contretemps souligne l’opacité entourant l’accord avec Neptune Oil et met en lumière les préoccupations croissantes concernant la légitimité et la viabilité de l’approvisionnement en carburant en République centrafricaine. Ces obstacles entravent non seulement les opérations des entreprises locales, mais impactent également la population centrafricaine qui dépend de manière critique du carburant pour ses besoins quotidiens. 

  

Dans cette atmosphère d’incertitude et de méfiance, il devient impératif pour les autorités nationales, en commençant par Touadera, laissent tomber leur mafia afin de prendre des mesures claires et décisives pour rétablir la confiance, garantir la transparence et assurer un approvisionnement en carburant sûr et fiable pour tous les citoyens de la République Centrafricaine. 

  

Implications économiques, politiques et diplomatiques. 

  

La Centrafrique, pays non producteur de pétrole, dépend entièrement de ces importations. Cette dernière doit être diversifiée et non exclusivement confiée à une seule entreprise d’un pays qui doit gérer un pays plus vaste que son pays. L’accord exclusif avec Neptune Oil a des répercussions profondes sur plusieurs aspects économiques, politiques et diplomatiques en République Centrafricaine et au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). 

  

D’un point de vue économique, la concentration du contrôle de l’approvisionnement en carburant entre les mains d’une seule entreprise prive les marketeurs centrafricains de la diversité des sources d’approvisionnement et limite la compétition sur le marché. Cela peut entraîner une augmentation des prix pour les consommateurs finaux et une instabilité dans l’approvisionnement en carburant à travers le pays, ce qui pourrait compromettre les activités économiques et le bien-être des citoyens. 

 

Pour un économiste centrafricain contacté par la Rédaction, le monopole du marché pétrolier ainsi confié à l’entreprise Neptune Oil abouti, en l’absence de régulation et de tout contrôle, à une situation oligopolistique, où seule Neptune Oil gagne pour elle-seule, les 100 % du marché de fourniture en produit pétrolier dans le pays et réalise de ce fait à elle seule également, des bénéfices aussi colossaux et illégitimes qu’elle partagera ensuite avec quelques oligarques centrafricains qui lui ont donné le marché. 

 

Sur le plan politique, l’opacité entourant l’accord avec Neptune Oil soulève des questions quant à la gouvernance et à la transparence du gouvernement centrafricain. Les citoyens ont le droit de savoir comment leurs ressources énergétiques nationales sont gérées et comment les décisions sont prises en leur nom. L’absence de consultation publique et de débat démocratique sur cet accord souligne les lacunes dans le processus décisionnel du gouvernement. 

 

Pour un ancien ministre centrafricain des Finances qui a accepté d’apporter un éclaircissement sur ce dossier à la demande de la Rédaction : “ les distributeurs d’hydrocarbures dans le pays réalisaient, avant le désengagement de l’Etat, des milliards de bénéfice. Mais avec ce désengagement, qui a entrainé une augmentation des prix à la pompe, combien des milliards encore ils vont gagner si l’Etat intervient pour arrêter un prix à la pompe d’une part et d’autre part, imposer une société ou tous ces distributeurs doivent aller acheter chez elle ? Ce n’est pas claire cette affaire. Il faut qu’une commission de contrôle parlementaire soit créée pour y pencher “. Affirme-t-il.   

 

Sur le plan diplomatique, l’accord exclusif avec une entreprise privée camerounaise peut avoir des implications sur les relations bilatérales entre la République Centrafricaine et les autres pays membres de la CEMAC. En favorisant un monopole étranger, la Centrafrique risque de compromettre sa relation de coopération et d’échange avec ses partenaires régionaux, en particulier les pays producteurs de pétrole de la CEMAC. 

  

En résumé, l’accord avec Neptune Oil va au-delà des questions économiques pour toucher les fondements de la gouvernance, de la démocratie et des relations régionales en République Centrafricaine. Il est impératif que le gouvernement reconsidère sa politique d’approvisionnement en carburant et s’engage dans un dialogue ouvert et transparent avec tous les acteurs concernés, afin de garantir des pratiques équitables et conformes aux normes internationales et régionales. 

  

Appel à l’action et perspectives d’avenir. 

  

Face aux défis posés par l’accord exclusif avec Neptune Oil et à la concentration du contrôle de l’approvisionnement en carburant en République Centrafricaine, il est impératif d’envisager des mesures concrètes pour garantir la transparence, la justice et la stabilité dans le secteur énergétique du pays. 

  

Tout d’abord, il est essentiel que le gouvernement de la République Centrafricaine revoie sa politique d’approvisionnement en carburant et engage un processus de consultation publique et de dialogue avec tous les acteurs concernés, y compris les marketeurs, les citoyens et les représentants de la société civile. Cette démarche permettra de reconstruire la confiance et de promouvoir la transparence dans la gestion des ressources énergétiques nationales. 

  

En outre, il est nécessaire de renforcer les mécanismes de supervision et de régulation du secteur énergétique pour prévenir les abus de pouvoir et les pratiques monopolistiques. Cela pourrait inclure la mise en place d’une commission indépendante chargée de surveiller les contrats et les accords conclus dans le domaine de l’approvisionnement en carburant, ainsi que la publication régulière de rapports et de données sur les transactions énergétiques nationales. 

  

Sur le plan régional, la République Centrafricaine doit réaffirmer son engagement envers les principes de libre concurrence et de coopération régionale au sein de la CEMAC. Cela implique de promouvoir la diversification des sources d’approvisionnement en carburant et de favoriser les échanges commerciaux équitables avec les autres pays membres de la communauté économique. 

  

Enfin, il est crucial que les partenaires internationaux et les organisations régionales, telles que la CEMAC et l’Union Africaine, apportent leur soutien et leur expertise à la République Centrafricaine dans ses efforts visant à promouvoir une gouvernance énergétique transparente et responsable. 

  

En adoptant une approche collaborative et inclusive, la République Centrafricaine peut surmonter les défis actuels et jeter les bases d’un avenir énergétique plus durable et équitable pour tous ses citoyens. 

  

Vers une réforme cruciale dans le secteur énergétique. 

  

La situation actuelle au sein du ministère de l’Énergie et du Développement Énergétique de la République Centrafricaine révèle un tableau troublant de dysfonctionnements, d’opacité et de pratiques mafieuses qui compromettent gravement l’approvisionnement en carburant dans le pays. 

  

L’accord exclusif signé avec Neptune Oil, une société camerounaise, sans appel d’offres ni transparence, a conduit à des impasses et à une méfiance généralisée. Les paiements effectués par les entreprises locales pour l’achat de carburant restent sans réponse, tandis que les obstacles administratifs entravent les efforts visant à répondre aux besoins énergétiques du pays. 

  

Cette situation soulève des questions essentielles sur la gouvernance, la transparence et la responsabilité au sein du gouvernement centrafricain. Les pratiques opaques et les accords douteux ne font que renforcer les inquiétudes concernant la capacité du gouvernement à garantir un approvisionnement en carburant stable et équitable pour tous les citoyens. 

  

Il est impératif que les autorités nationales prennent des mesures immédiates pour rétablir la confiance et garantir la transparence dans le secteur énergétique. Une réforme radicale est nécessaire pour mettre fin aux pratiques mafieuses, instaurer des mécanismes de gouvernance solides et assurer un approvisionnement en carburant sûr, fiable et équitable pour tous les Centrafricains. 

  

Il est temps d’agir avec détermination pour restaurer l’intégrité et la crédibilité du secteur énergétique de la République Centrafricaine, afin de répondre efficacement aux besoins énergétiques du pays et de garantir un avenir meilleur pour ses citoyens. 

 

Par Alain Nzilo

Directeur de publications

 

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