RDC : Félix Tshisekedi, “un président fragile et fragilisé”

Publié le 27 août 2019 , 7:21
Mis à jour le: 27 août 2019 7:21 pm
Joseph Kabila et Félix Tshisekedi lors de la passation de pouvoir
Joseph Kabila et Félix Tshisekedi lors de la passation de pouvoir

 

Joseph Kabila a-t-il réellement quitté le pouvoir ?

Sept mois après la première transition politique pacifique du pays, la plateforme de l’ex-président est largement majoritaire au sein du premier gouvernement de son successeur, Félix Tshisekedi.

De plus, le Front commun pour le Congo occupe 70% des sièges de l’Assemblée et une majorité écrasante des sièges de l’Assemblée provinciale.

Joseph Kabila n’a pas du tout laissé le champ politique, économique ou sécuritaire, selon Jean-Claude Félix Tchicaya, chercheur pour l’Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE).

Domination du FCC

Le nouveau gouvernement de la République démocratique du Congo reflète-t-il l’influence continue de l’ancien dirigeant Joseph Kabila? Le premier gouvernement de l’ère Tshisekedi compte quarante-deux membres du Front commun pour le Congo (FCC), la plateforme de l’ex-président congolais Joseph Kabila, sur 65 portefeuilles.

Selon notre correspondant Poly Muzalia, deux “kabilistes” se détachent du gouvernement du premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba : Azarias Ruberwa, ex-rebelle du groupe Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo de Laurent-Désiré Kabila, le père du président sortant. Il est également l’un des fondateurs du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), un mouvement armé réputé proche de Kigali, devenu parti politique.

Il a été vice-président de la République de 2003 à 2006 lors du régime dit 1+3 (Président + 3 vice-présidents). Azarias Ruberwa a aussi plusieurs fois été ministre et s’est rapproché du noyau dur de l’ex-président Kabila au fil des années. Il conserve son portefeuille au ministère de la “Décentralisation et affaires coutumières”.

L’autre personnalité qui revient est Thomas Luhaka. Lui aussi est passé par la case rébellion. C’était un des lieutenants de Jean-Pierre Bemba au Mouvement de libération du Congo (MLC), un mouvement rebelle soutenu par Kampala au début des années 2000. Depuis que Bemba est sorti du jeu politique, suite à sa détention par la CPI, Thomas Luhaka s’est rapproché des sphères proches de Jospeh Kabila. Il était ministre des infrastructures dans le gouvernement précédent. Cette fois-ci, il va piloter le ministère de l’enseignement supérieur, a ajouté notre correspondant.

 

Azarias Ruberwa, chef du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), ancien mouvement rebelle devenu parti politique.

D’autres anciens ministres de Kabila seront également dans le premier gouvernement Tshisekedi comme Jean-Lucien Bussa, lui aussi autrefois proche de Jean-Pierre Bemba. Ancien ministre du commerce extérieur dans le précédent gouvernement, ce notable de l’Equateur (Nord) conserve son portefeuille.

Steve Mbikayi Mabuluki, qui était ministre honoraire de l’Enseignement Supérieur et Universitaire dans le gouvernement sortant, hérite des Affaires humanitaires.

D’autres personnalités du cercle proche de l’ex-président Kabila occupent des portefeuilles régaliens.

Aimé Ngoy Mukena, un proche allié de M. Kabila, hérite de la Défense. José Sele Yalaghuli, également un pilier de M.Kabila, et un ancien directeur général des impôts, gèrera les finances du pays.

Willy Samsoni, membre de la coalition de l’ex-président et ancien ministre provincial des Mines du Haut Katanga, est nommé aux Mines au niveau national, un autre poumon économique du pays.

Célestin Tunda Ya Kasende sera chargé du ministère régalien de la Justice.

L’unique femme vice-premier ministre, Elysée Munembwe Tamukumwe, est également une membre du FCC. Elle s’est rapprochée du président Kabila après un passage par la case rébellion, au début des années 2000, au sein du RCD. Elle était questeur de l’Assemblée nationale durant la précédente législature.

L’ombre de Kabila plane toujours sur la RDC

Pour Jean-Claude Félix Tchicaya, chercheur pour l’Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), “la question que les gens se posent à Kinshasa est de savoir s’il s’agit d’un gouvernement de rupture ou d’un trompe l’œil”.

Pour l’analyste, Félix Tshisekedi n’est pas affranchi de la mainmise de l’ancien président.

“Joseph Kabila n’a pas du tout laissé le champ politique. Il a aussi les leviers au sein économique et l’influence dans le champ de l’armée”, déclare-t-il.

“Tshisekedi s’est lié pieds et poings quand il a accepté l’accord de coalition, ce qui qui met en difficulté une partie du gouvernement. C’est un président fragile et fragilisé”, ajoute l’universitaire.

“C’est une cohabitation qui profite au président sortant. Il gagne à tous les coups. Si ce gouvernement réussit cela va marquer une véritable rupture mais comme la majorité sont des ministres de Kabila, il pourra réclamer les fruits de la victoire. Et si ça ne marche pas, il pourra alors blâmer Tshisekedi”, analyse Jean-Claude Félix Tchicaya.

“Je pense que Kabila prépare un retour. Il n’a que 47 ans. Il n’a pas dit qu’il quitte la chose politique. Il reste en embuscade de manière stratégique”, conclue le chercheur.

 

Le nouveau gouvernement de la République démocratique du Congo reflète l’influence continue de l’ancien dirigeant Joseph Kabila.

Sur les réseaux sociaux les avis divergent.

Pour Lionel Bimoung, “il n’y a jamais eu de changement de pouvoir en RDC. M. Kabila est et reste le maître du jeux. Il contrôle la présidence, il a la majorité dans toutes les institutions du pays, il conserve la défense, la justice, les mines et les autres secteurs clés du pays. M. Félix a été nommé par M. Kabila pour s’occuper des Affaires étrangères”.

Kiza Alfani renchérit “Joseph Kabila Kabange est toujours le président de la RDC. Félix c’est un simple figurant qui joue le rôle de ministre des Affaires étrangères”.

Selon Junior Tshiyoyi, “notre constitution donne pouvoir à ceux qui sont majoritaires de composer le gouvernement. Cela ne veut pas dire que Kabila dirige le pays. C’est Fatshi béton qui dirige le pays”.

Alpha Mbuy estime que la cohabitation est “un fait normal quand un président n’a pas la majorité parlementaire dans notre pays”.

Pour d’autres internautes, peu importe la réalité du pouvoir dès lors que le pays se porte bien.

Kymyca Massala affirme “on peut toujours travailler avec les mêmes personnes mais en adoptant une méthodologie différente et voir ce que cela produira comme résultat”.

Pour Amidou Zongo, “pourvu que le pays soit bien géré. Je pense (que) le cas Congo doit inspirer les politiques africains; quelque soit le parti qui gagne; l’organisation pour une meilleure gestion doit être prioritaire”.

 

©BBC Afrique

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