À cause d’impuissance sexuelle, une voyante a failli déclenché un conflit intercommunautaire à Boganangone
Bangui, CNC. La crédulité envers les pratiques occultes continue de semer le chaos en République centrafricaine, menaçant la fragile cohésion sociale du pays. Deux incidents récents, l’un à Boganangone dans la Lobaye, l’autre à Ouanda-Djallé, dans la Haute-Kotto, illustrent les dangers de cette tendance alarmante.
Tensions intercommunautaires à Boganangone.
À Boguéré, sous-préfecture de Boganangone (Lobaye), une prétendue voyante sexagénaire a failli déclencher un conflit intercommunautaire aux conséquences potentiellement désastreuses. L’incident trouve son origine dans le désarroi d’un homme natif de Boguéré, en proie à des problèmes d’impuissance sexuelle depuis plusieurs mois.
Désespéré par sa situation, l’homme a choisi de consulter une soi-disant “tradipraticienne” du village, une femme d’une soixantaine d’années réputée pour ses dons de voyance. Lors de la consultation, cette prétendue guérisseuse a livré une “révélation” explosive : elle a accusé sans preuves des musulmans récemment revenus à Boganangone , notamment dans le village d’avoir “volé” mystiquement la puissance sexuelle de l’homme pour en faire leurs activités rituelles maléfiques dans l’extraction du diamant et or.
« La voyante a affirmé au monsieur que son problème était dû aux pratiques malsaines des musulmans retournés à Boguéré. Elle a dit qu’ils avaient échangé sa puissance sexuelle contre de l’or et des diamants », témoigne une source locale jointe par la rédaction du CNC.
Suite à cette révélation, l’homme au sexe prétendument ensorcelé s’est mis à la recherche du musulman accusé, dans l’intention de le tuer. Cette chasse à l’homme a provoqué une vague de panique au sein de la communauté, ravivant des tensions latentes entre chrétiens et musulmans à Boganangone.
« Ces accusations sans fondement sont extrêmement dangereuses. Elles peuvent facilement dégénérer en violences intercommunautaires », déclare Jean Mopoko, chercheur spécialisé dans les conflits en Centrafrique.
Face à la montée des tensions, les autorités ont placé la fausse voyante en garde à vue à la brigade de gendarmerie de Boganangone. Cependant, cette mesure n’a pas apaisé la situation. Des proches de la détenue rôdent désormais autour de la mosquée centrale, menaçant de l’incendier si leur mère n’est pas libérée immédiatement.
« La situation reste très tendue. Nous craignons que le moindre incident ne déclenche des violences généralisées », confie un notable musulman de la ville sous couvert d’anonymat.
Avant celui de Boganangone , un Meurtre d’un innocent à Ouanda-Djallé toujours à cause de marabout.
Un incident encore plus grave s’est produit quelques jours plus tôt dans la préfecture de la Haute-Kotto. Le chef du détachement militaire à Ouanda-Djallé a abattu un jeune homme avec son arme de service, sur la base des accusations d’un marabout.
Le militaire, souffrant d’incontinence (pipi, caca dans le pantalon à chaque fois) et de vomissements, avait consulté un charlatan qui a désigné un jeune de Ouanda-Djallé comme responsable de ses maux par sorcellerie. Sans autre forme de procès, le FACA a exécuté l’innocent.
« C’était un acte criminel d’une extrême gravité. Un militaire censé protéger la population a tué un civil innocent sur la base de superstitions », s’indigne Crépin Balézou,.
L’ignorance, terreau fertile du charlatanisme.
Ces incidents dévoile la persistance alarmante des croyances irrationnelles en Centrafrique. Selon l’ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupandé, « 80% des Centrafricains sont illettrés ». Ce manque d’éducation les rend particulièrement vulnérables aux manipulations des charlatans.
« Beaucoup de Centrafricains croient naïvement aux pouvoirs des marabouts et des guérisseurs. Cette crédulité est exploitée par des escrocs qui s’enrichissent en semant la discorde », explique Marie Bertin, sociologue centrafricaineBangui.
Un pays au bord de chute libre.
L’impact de ces croyances irrationnelles va bien au-delà des conflits locaux. Elles paralysent le développement du pays tout entier.
« Pendant que certains se perdent dans des prières farfelues ou consultent des marabouts, la Centrafrique s’écroule. Il n’y a plus personne pour réfléchir sérieusement à l’avenir du pays », s’alarme Cyrille Jaïrus, analyste politique.
Sans un sursaut d’intelligence collective et un renforcement urgent du système éducatif, la Centrafrique risque de rester prisonnière de ces croyances archaïques qui la maintiennent dans le sous-développement. Le temps presse pour mettre fin à ce fléau qui gangrène la société centrafricaine depuis trop longtemps, avant que d’autres vies innocentes ne soient sacrifiées sur l’autel de l’ignorance.
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