POURQUOI LA NOTION D’URGENCE N’EXISTE JAMAIS EN CENTRAFRIQUE?

Publié le 10 décembre 2016 , 10:30
Mis à jour le: 10 décembre 2016 10:31 am

POURQUOI LA NOTION D’URGENCE N’EXISTE JAMAIS EN CENTRAFRIQUE?

 

Bernard Selembi-Doudou. Photo personnelle.
Bernard Selembi-Doudou. Photo personnelle.

Bangui, le 10 décembre 2016. 15:33′.
Par: Bernard Selemby Doudou.

Après les vagues d’indépendance en Afrique, l’administration locale s’est substituée progressivement à l’administration coloniale. Certains États africains et même de la sous-région ont bien emboîté le pas, d’autres piétinent et s’enlisent d’avantage. C’est le cas de notre chère patrie qui avance en reculant avec des successions de coups d’Etat, de mutineries, d’insurrections armées assortis de destructions systématiques de biens publics ou privés. A cela, s’ajoute la nonchalance chronique qui le caractérise. Ce constat nous amène à nous appesantir sur les problématiques suivantes : pourquoi tout doit toujours attendre en Centrafrique ? Pourquoi n’ya t-il jamais d’urgence en Centrafrique ? L’urgence par définition est une situation qui ne doit pas souffrir de retard sous peine d’entraîner un préjudice grave et irréparable. C’est une situation qui nécessite un diagnostic et une solution d’urgence. Par analogie au jargon médical, l’urgence est un état physique qui nécessite de soins immédiats avec abréviation de toute procédure. La politique de rupture prônée par le President de la République n’a t-elle pas encore atteint sa vitesse de croisière ? La notion étymologique de la rupture a été utilisée abusivement par le nouveau pouvoir. La notion du temps et celle du choix du moment manquent cruellement à nos autorités alors que ces deux notions ont fait leur preuve sous d’autres cieux où le temps est précieux. Nous tenons à rappeler qu’en politique, chaque jour qui passe est utile à la construction d’une nation. Pourquoi la notion d’urgence est bannie du vocabulaire centrafricain ? La culture de la corruption et de tripatouillage de dossiers est-elle un début d’explication à cette problématique ? L’espoir des centrafricains au lendemain des présidentielles commence à s’amenuiser et cet espoir se métamorphose en doute ou inquiétude sur la capacité et l’aptitude à gérer un État post crise. Loin de faire le procès de nos autorités, voici le parcours de la nonchalance qui s’est érigé en mode de travail. Après la proclamation des élections, on a pas pensé au choix d’un premier ministre mais de mettre en place un comité de gestion des cent premiers jours. Au passage où est passé ce comité ? À l’arrivée, le chef du gouvernement a été désigné deux jours après son investiture donnant l’impression que c’était le dernier recours suite aux échecs des consultations à la hâte. La mise en place du gouvernement a aussi traîné avant d’être effective. Il était notoire que les nouvelles autorités ont hérité d’un pays agonisant et sous perfusion. C’est une situation d’urgence qui nécessite de mesures urgentes et des priorités chronologiques. Ainsi, qu’est-ce qui a changé dans le dossier des déplacés de l’aéroport Bangui M’poko appelés ironiquement Ledger ? Combien de fois le President de la République a décollé et a atterri au dessus de leur tête ? Quelles seront les premières impressions des expatriés ou investisseurs en tourisme en Centrafrique ? L’aéroport étant la vitrine et le point de contact avec l’étranger, la priorité était de délocaliser les déplacés sur un site transitoire en attendant de statuer sur le fond du dossier. L’indifférence du pouvoir central face aux déplacés a transformé ce site en une forteresse, un ghetto, une zone de trafic tous azimuts où la délinquance infanto-juvénile galope car pas de structures scolaires pour les accueillir. N’oublions pas que ces déplacés ont droit à des logements dignes, le droit à l’éducation et le droit à la santé. Les organisations non gouvernementales nationales et internationales ont pris le dessus là où l’Etat a démissionné. Outre le problème des déplacés, qu’est-ce qui a changé dans le dossier des réfugiés ? Qu’est-ce qui a changé dans la restauration de l’autorité de l’Etat ? Qu’est-ce qui a changé sur le plan sécuritaire ? Quant au programme DDRR, nous sommes convaincus qu’il accompagnera le régime jusqu’à la fin du mandat. Logiquement, un pouvoir issu des urnes et qui n’a souffert d’aucune contestation doit marquer son territoire de ses empreintes, prouver aux voisins qu’il y’a un nouveau locataire. La nomination d’un nouveau premier ministre, La mise en place du gouvernement, les mouvements du personnel dans les ministères pour placer ses hommes de confiance, une nouvelle méthode et stratégie de travail etc…Le changement doit être visible, palpable avec un effet immédiat. Visiblement et en dehors des cabinets, le gouvernement travaille avec les mêmes personnalités désignées par le gouvernement de transition. Ainsi, comment rêver un développement socio-économique pour se mettre au même diapason des États de la sous-région ? A titre d’illustration, lorsque le premier ministre de la France a démissionné pour se présenter aux primaires de la gauche, un nouveau premier ministre a été désigné dans la même journée, un nouveau gouvernement mis en place, le tout couronné par un premier conseil des ministres dans la soirée. Certains nous diront qu’il faut comparer des choses comparables mais nous voulons seulement à travers cet exemple prouver la valeur algébrique du temps. S’inscrivant dans la logique du temps, le pouvoir central doit anticiper sur les éventuels financements suite à la table ronde de Bruxelles pour se poser les bonnes questions : comment la population centrafricaine va bénéficier de cette manne financière ? Quelles sont les garanties de gestion et de transparence ? Comment renforcer la lutte anti-corruption ? Comment lutter efficacement contre les détournements ? Pour finir, nous exhortons les nouvelles autorités de ne pas être fataliste, d’éviter l’attentisme et surtout d’anticiper sur toute chose car à situation urgente, une solution urgente…mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

Paris le 10 décembre 2016.

Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections. Tel : 0666830062

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