Centrafrique : l’avocat de Maxime Mokome, Philippe Larochelle, dénonce la CPI et les accords controversés avec le gouvernement centrafricain

Publié le 28 novembre 2023 , 6:30
Mis à jour le: 28 novembre 2023 3:48 pm

Centrafrique : l’avocat de Maxime Mokome, Philippe Larochelle, dénonce la CPI et les accords controversés avec le gouvernement centrafricain

 

Maître Larochelle Philippe, avocat à la cour pénale internationale
Maître Larochelle Philippe, avocat de monsieur Maxime Mokome devant la cour pénale internationale (CPI). Photo courtoisie.

 

Bangui, 29 novembre 2023 (CNC) – Dans une interview exclusive accordée à notre directeur de publications, Alain Nzilo, l’avocat de Monsieur Maxime Mokome, Me Rochelle, lève le voile sur les récents développements entourant le cas de son client et la situation en République centrafricaine. Alors que le Procureur adjoint de la Cour pénale internationale (CPI) évoque la possibilité d’extrader Mokome vers la RCA et annonce des accords de coopération, Me Rochelle ne mâche pas ses mots et expose des inquiétudes sérieuses quant à l’intégrité de la CPI et à l’avenir de son client.

Dans cette interview, Me Rochelle dénonce le manque de preuves solides, les alliances controversées de la CPI, et les implications dramatiques pour la justice et la sécurité de Maxime Mokome. Une conversation percutante qui remet en question le rôle de la CPI dans cette affaire délicate et la situation actuelle en République centrafricaine. Ci-après, l’intégralité de l’interview de l’avocat de Maxime Mokome

 

Corbeaunews-Centrafrique (CNC) : Maître Philippe Larochelle, Bonjour. Je vous remercie d’avoir accepté cette interview. Je suis Alain Nzilo, Directeur de publications du journal en ligne Corbeaunews-Centrafrique (CNC). Nous souhaitons discuter avec vous de la récente visite de Monsieur Mame Mandiaye Niang, Procureur Adjoint de la Cour Pénale Internationale (CPI), en République centrafricaine, ainsi que des développements liés au cas de Monsieur Maxime Mokome.

Lors du point de presse du Procureur adjoint de la CPI à Bangui, il a évoqué la possibilité technique de l’extradition de Monsieur Maxime Mokome vers la République centrafricaine. Pourriez-vous nous expliquer la signification de cette réponse et comment cela pourrait affecter la situation de votre client ?

 

Philippe Rochelle : On peut sérieusement se questionner sur les motivations et le timing de l’abandon des charges par le Procureur, quelques jours à peine après que les tribunaux de la RCA aient rendu un jugement contre Mokom en son absence. Quel est le rôle exact du Procureur dans ce vaudeville judiciaire ?

Pourquoi le Procureur de la CPI a eu besoin de 19 mois avant de se rendre compte que le dossier de Mokome était vide et ne permettait pas de le poursuivre devant la CPI ?

Quant à la possibilité d’une extradition, la RCA veut effectivement obtenir l’extradition de Mokome, pour qu’il purge sa sentence au terme d’un procès inéquitable.

Par contre, il reste a voir si compte tenu des risques courus par Mokome, de procès inéquitable, voire, pire, de mauvais traitement ou de torture, si la CPI acceptera de le livrer, pieds et poings liés, à ces ennemis pour qu’on lui fasse un procès qui a tout de politique et rien de judiciaire.

 

CNC :  Depuis 2021, la République centrafricaine a été le théâtre de violences massives et impitoyables, commises par les mercenaires du groupe Wagner et les milices armées du pouvoir. Cependant, le Vice-procureur a fait référence à la clôture des dossiers de la CPI en République centrafricaine.

Ces violences, perpétrées par les mercenaires du groupe Wagner en République centrafricaine, ont été dénoncées, mais ils ne peuvent pas être poursuivis devant les juridictions du pays, en raison de leur emprise sur le pouvoir actuel. Comment une telle déclaration pourrait influencer la position de la CPI vis-à-vis de ces crimes ?

 

Philippe Rochelle :  Il est inacceptable que le Procureur de la CPI baisse les bras devant les crimes qui continuent d’être commis en RCA. Qu’il s’agisse non seulement de Wagner, mais également du gouvernement rwandais ou des Requins, les exactions, les meurtres, la violence et les pillages de toute sorte continuent, avec la bénédiction et le patronage des autorités centrafricaines. Plutôt que de laisser entendre qu’il ne laisserait pas de tels crimes impunis, le Procureur de la CPI choisit de s’allier avec les autorités centrafricaines, dont la responsabilité dans ces crimes mériterait d’être enquêtée. La position de la CPI devient donc intenable, elle devient par de tels accords de coopération un complice passif de la commission de ces crimes.

 

CNC :  Le Vice-procureur a annoncé la signature d’un mémorandum d’entente visant à renforcer la coopération entre la CPI et les autorités centrafricaines. Comme tout le monde le sait, le pays est sous l’emprise du groupe Wagner. Comment pensez-vous qu’un tel accord puisse fonctionner sans abuser de la CPI ? Pouvez-vous nous donner votre avis sur ces accords ?

 

Philippe Rochelle :  Je pense que ces accords sont honteux pour la CPI. La CPI est supposée de se battre pour que les responsables de crimes internationaux puissent être poursuivis, et ici elle s’agenouille lâchement devant les autorités centrafricaines alors que nous savons que ces autorités sont complices et facilitent la commission de ces crimes par des organisations criminelles tel que le groupe Wagner et le gouvernement du Rwanda. E

n signant de tels accords, le Procureur de la CPI aggrave la situation des victimes en RCA et rend plus éloignée la possibilité que les auteurs des crimes qui ont été commis dans ce pays soient traduits en justice. En réalité, par cet accord avec lequel la CPI s’allie avec le gouvernement de la RCA et les groupes criminels qui œuvrent avec sa bénédiction dans le pays, la CPI facilite la commission de ces crimes et augmente l’impunité déjà très grande dont bénéficie leurs auteurs.

 

CNC : Monsieur Niang, le Procureur adjoint de la CPI, a évoqué la nouvelle vision de la complémentarité de la CPI, qui va au-delà de la simple poursuite des accusés. Que pensez-vous de cela ?

 

Philippe Rochelle :  Je pense que l’on doit s’inquiéter de cette nouvelle vision de la complémentarité de la CPI. Complémentaire de quoi exactement? Des tribunaux corrompus de la RCA ? Comment la CPI peut-elle se vanter d’agir en complément d’un régime aussi corrompu? Comment la CPI peut-elle être aveugle à ce point ? Où est son compas moral ?

 

CNC : Le Vice-procureur a mentionné le retrait de l’accusation contre Jeffrey Maxime Mokome en évoquant les exigences strictes en matière de preuve devant la CPI. Pourriez-vous nous expliquer en détail les raisons de ce retrait et les défis rencontrés lors de la présentation de la preuve dans le cas de votre client ?

 

Philippe Rochelle :  Le Procureur de la CPI est gêné d’admettre que la preuve contre Mokome était fabriquée de A à Z, ce qui est la réalité. Et que sur la base de cette preuve fabriquée, Mokome a été emprisonné injustement pendant 19 mois. Alors que le Procureur avait ces preuves en sa possession depuis des années, quelques mois de travail de la défense ont suffi à démontrer à quel point ces preuves ne tenaient pas la route, elles étaient le fruit de mensonges et de compromissions de témoins que tout le monde connaît. Plutôt que de s’excuser à Mokome et de le compenser pour l’avoir injustement détenu pendant 19 mois, le Procureur se livre à des messes basses avec la RCA et signe des accords de coopération avec ce pays.

 

CNC : Comment envisagez-vous l’avenir judiciaire de votre client Maxime Mokome à la lumière des développements récents et des accords signés avec les autorités centrafricaines ?

 

Philippe Rochelle :  L’avenir de Maxime Mokome est évidemment incertain. Il compte évidemment s’opposer fermement à toute tentative de le retourner à ses bourreaux, à l’exposer à un procès où les preuves seront, à nouveau, fabriquées de toute pièce et résulter des épisodes de torture auxquels nous assistons récemment par les forces de Wagner. Il est indéniable que la sécurité physique de Mokome serait gravement compromise s’il était renvoyé en RCA, et nous allons faire valoir, preuves à l’appui, pourquoi il serait contraire au droit international que Mokome soit renvoyé dans ce pays.

 

CNC : Nous vous remercions, Monsieur Rochelle, d’avoir partagé votre perspective sur ces questions importantes. Avant de conclure, y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ou un message que vous souhaitez faire passer concernant le cas de Monsieur Maxime ou la situation en République centrafricaine ?

 

Philippe Rochelle :  Après avoir travaillé dans le dossier de Mokome, et suivi les développements récents de l’Actualité en RCA, j’ai été atterré de voir le double jeu de la CPI dans ce pays. Alors que la population se tourne naturellement vers la CPI, pleine d’espoir, pour que cesse l’impunité et que les auteurs des crimes tombant sous la juridiction de la Cour soient poursuivis, on assiste plutôt à la compromission inacceptable de cette organisation, qui s’allie avec les groupes criminels plutôt que d’enquêter sur ces derniers, qui favorise l’impunité des criminels plutôt que de les appréhender et de les poursuivre.

 

Propos recueillis par Alain Nzilo

Directeur de publications

 

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