Centrafrique – exclusivité : “il n’y a jamais eu une crise entre le parlement et l’exécutif” dixit le PAN Karim Meckassoua.

Publié le 10 janvier 2018 , 7:14
Mis à jour le: 10 janvier 2018 7:14 pm

Centrafrique-exclusivité: « il n’y a jamais eu une crise entre le parlement et l’exécutif » dixit Karim Meckassoua

 

 

Le Président de l’Assemblée nationale l’honorable Abdoul Karim Meckassoua. Photo : Éric Ngaba, copyright2018CNC.

 

 

Bangui 11 janvier 2018, CNC.

Par Eric NGABA

 

Dans l’interview accordée à notre rédaction en termes de bilan 2017, le Président de l’Assemblée Nationale Abdou Karim Meckassoua a déclaré, qu’il n’y a pas de conflit au sommet de l’Etat centrafricain comme disent les médias. Dans cette interview, les questions du supposé conflit entre l’exécutif et le législatif, sur l’appui militaire de la Russie aux FACA, sur la déclaration de Nourredine de marcher sur Bangui, les accusations portées sur sa personne, sur le Forum Parlementaire des Pays de Grands Lacs tenu à Bangui, sur les questions relatives au budget 2018, et sur l’initiative parlementaire sont abordées avec le Président du Parlement.

Corbeau News Centrafrique (CNC) : L’année 2017 riche en évènement est passée. Durant cette année écoulée, il y a eu le passage des hautes personnalités internationales, entre autres Christine La Garde du FMI, et le Secrétaire Générale de l’ONU, Antonio Guterres. Alors, laquelle de ces visites vous a marqué ?

Karim Meckassoua (KM): Toutes les visites sont importantes. Je ne voudrais pas établir une hiérarchie parce que l’agenda de chacune des personnalités que nous avons reçues correspondait à des thèmes que l’Assemblée Nationale a eus à défendre. Vous avez cité deux personnalités dont Mme Christine La Garde. Vous savez qu’au niveau de l’Assemblée, l’une de nos activités consiste à contrôler l’action du gouvernement. Et contrôler l’action gouvernement nous pousse assez régulièrement à aborder la problématique de redevabilité et de la réédition des comptes, parce que si l’Assemblée joue régulièrement son rôle le FMI n’aura pas beaucoup de travail. Ce qui est important, c’est que nous devons respecter les principes de la bonne gouvernance.

La deuxième personnalité que vous avez citée c’est Antonio Guterres. C’est la principale personnalité car c’est la première fois que nous recevons le Secrétaire Général des Nations Unies. Au cours de sa mission en Centrafrique, plusieurs points ont été abordés. Il y a les soldats de l’ONU qui sont ici en République Centrafricaine et il faut qu’on se pose la question sur leur efficacité, sur leur mandat, sur leurs résultats obtenus. C’est tout à fait normal. Deuxièmement, c’est la demande essentielle de la population centrafricaine sur la question de l’embargo.

Vous voyez, chaque personnalité a son agenda et a son importance. Je peux citer la Secrétaire Générale de l’OIF, le Vice-président de la Banque Mondiale, le Ministre Français de la Défense Jean Yves le Drian, entre autres.

CNC : Il a eu une crise de confiance entre l’Exécutif et le Législatif, laquelle crise a connu un dénouement au sommet de l’Etat. Comment avez-vous parvenu à gérer cette crise ?

C’est vous qui parlez de crise. Entre nous, il n’y a jamais eu une crise. Jamais ! Nous sommes la seconde Institution de la République. Notre mission est de voter les lois, de veiller à travers le contrôle de l’action gouvernementale à l’application de ces lois. Lorsque nous constatons que ces lois ne sont pas appliquées, lorsque nous constatons que le gouvernement ne prend pas à bras le corps la mission que le peuple lui a confiée par l’élection du Président de la République, nous attirons l’attention du gouvernement sur la non application du programme de Chef de l’Etat pour lequel il a été élu. Vous devez respecter votre mission. Servir d’aiguillon, c’est jouer notre rôle. Si certains Ministres de la République ne comprennent pas cela, ce n’est pas de notre faute.

Alors, toute la presse, je dis bien toute la presse, à un moment donné avait pensé qu’il y avait un problème entre le Président de la République et le Président de l’Assemblée Nationale. Tout en respectant la presse, je crois savoir qu’elle a été l’objet d’une vaste manipulation. Pourquoi je dis cela. Parce qu’il y a des gens qui ne veulent pas rendre des comptes et qui ne veulent pas respecter les principes de la bonne gouvernance. Et à partir du moment où l’Assemblée Nationale joue son rôle, on pense qu’on conteste l’autorité du Chef de l’Etat. Ce n’est pas le cas. Il y a toujours ceux qui sont prêts à dire à certains « attention, il y a telle personne qui vous en garde grief, telle personne prépare quelque chose ».

Nous inscrivons toutes nos missions et nos activités dans le cadre du respect de la Constitution du 30 mars 2016. Il y a des gens qui inventent des faux complots, inventent des histoires non vérifiées pour dire voilà c’est Meckassoua qui veut ça et aussi dire que Meckassoua a des problèmes avec le Président de la République.

CNC : Vous avez effectué durant 2017 de nombreuses missions à l’extérieur du pays et notamment au Tchad. Quelles ont été les retombées de ces missions pour la République Centrafricaine?

Nous avons pris une initiative, l’initiative parlementaire pour ramener la paix en Centrafrique. Il nous fallait expliquer cela. Et dans ce cadre, nous avons besoin d’être appuyé. Nous avons été au Luxembourg pour faire comprendre à l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie que la République Centrafricaine a besoin d’un soutien. Là, nous avons pris clairement une position. Et cela a abouti à une résolution en faveur de la République Centrafricaine.

Nous avons été le tout premier parmi les trois premiers, à savoir le Président de l’Assemblée Nationale Allemande, celui de l’Assemblée Nationale Ivoirienne et de l’Assemblée Nationale la République Centrafricaine, avoir été reçus à Paris par le nouveau Président de l’Assemblée Nationale Française. Et nous étions le seul à signer un communiqué conjoint, justement pour soutenir l’Assemblée Nationale Centrafricaine et les nouvelles autorités politiques. En plus de cela, nous avons rendu visite au Président en exercice de l’Union Africaine pour lui expliquer le cadre dans lequel notre initiative a été votée à l’unanimité.

Au Tchad, nous sommes allés rencontrer le Président en exercice de la CEMAC pour lui faire part de nos critiques concernant le respect de la légalité constitutionnelle. Le Président Touadera est élu, et il est à la tête de l’Exécutif. Il lui appartient de déterminer les grandes orientations de la politique nationale et internationale, mais pas ailleurs.

Nous avons discuté et fait entendre notre position au Président de la CEMAC que, la principale préoccupation de l’Assemblée Nationale de la République centrafricaine c’est la prise en charge des victimes de guerre. Elles sont nombreuses dans toutes les communautés et sur toute l’étendue du territoire. Nous avons appuyé notre démarche pour ne pas que les criminels bénéficient de l’impunité.

Il nous fallait appuyer sur nos trois piliers à savoir : la lutte contre l’impunité, la centralité des victimes et le respect de la légalité Constitutionnelle pour démontrer que la République Centrafricaine retrouve sa robe de noblesse. C’est vrai, nous avons des difficultés. A partir de là, nous avons été totalement soutenus par nos collèges de l’Assemblée Nationale du Tchad et nous avons signé un communiqué conjoint présentant la nécessité qu’il y ait accord de coopération et d’échange entre les deux parlements à travers les groupes d’amitié Centrafrique-Tchad.

CNC : En parlant de l’initiative parlementaire pour la paix en Centrafrique, monsieur le président de l’Assemblée Nationale, dites-nous ce qui est devenu cette initiative parlementaire ?

Mais elle est en marche. Nous sommes les premiers avoir été dans la région de l’Ouham-Pendé à rencontrer tout le monde : tous les belligérants Antibalaka comme Seleka, les victimes comme les bourreaux, et les autorités locales. Nous avons discuté avec eux, nous avons rédigé des recommandations à l’intention du gouvernement. Nous sommes encore les premiers à aller à Bria rencontrer tout le monde.

Nous avons rencontré les Seleka et les Antibalaka pour leur demander de laisser la population vaquer librement à ses activités. Cela ne s’est jamais fait dans le passé. Nous avons formulé des recommandations. Et nous sommes en train d’élaborer les principes d’une mission dans la Ouaka. Et ça, ce sera tous les députés confondus qui vont se déplacer. Et sur ce socle, en principe, certaines institutions devraient s’employer à faire au tant y compris l’Exécutif. Nous faisons notre travail. Au quotidien, chaque député essaie de faire en sorte que la criminalité recule et la paix avance. Et ce travail n’est pas souvent bien vu.

CNC : Vous avez évoqué le Forum des parlementaires des pays de Grands Lacs qui s’est tenu à Bangui à l’issu duquel vous avez été élu Président de cette institution. Par ailleurs, on n’a pas pu départager la République Centrafricaine et l’Ouganda pour le poste du Secrétaire Général faute de consensus. Peut-on parler d’un échec?

Non, on ne peut pas parler d’un échec pour la simple raison que les textes disent que le Secrétaire Général est élu par consensus. Et quand il n’y a pas consensus, on va au vote. Nous étions cinq (5) pays : Centrafrique, Soudan, Kenya, Burundi et l’Ouganda. Par élimination, nous nous sommes retrouvés à deux : la Centrafrique et l’Ouganda. Le consensus n’a pas pu avoir lieu. Qu’est-ce que demandaient les Ougandais ? Ils disent, vous avez déjà la Présidence du Forum. Mais nous en Centrafrique, nous pensons que le poste du Secrétariat Général est stratégique car le poste de Président est un poste tournant. Et d’abord, c’était un grand succès de tenir ce forum à Bangui, alors partout on pensait que ce n’était pas possible. Il y a 10 pays sur 12.

Quand il n’y a pas de consensus, on devait aller au vote mais l’article qui est visé ne précise pas cela, alors que nous devons aller au vote. Or, si on allait au vote, nous avons 60%, et cela devait être notre victoire éclatante. Or, un deuxième article stipule qu’il faut les deux (2) tiers. Il y a un pays qui s’est abstenu. Et ce pays était le président en exercice qui ne voulait pas trancher réellement. Et nous, nous voulons les 2 tiers, et c’est nous qui avons fait la proposition en disant, maintenant, révisons nos textes pour qu’on puisse dire très clairement que si on n’as pas de consensus qu’on aille au vote. C’est cet article que nous nous sommes donnés le temps et au 31 mars 2018 à Kinshassa au siège, nous allons voter et vous verrez que la République Centrafricaine va triompher.

Je ne vous cache pas, avec les problèmes que notre pays a connus, ont fait en sorte que nous sommes en retard de cotisations mais nous nous battons. Et c’est quelque chose qui peut être pénalisant pour nous, mais nous nous battons pour être comme tout le monde pour payer nos cotisations afin d’être à jour. Nous avons des ambitions importantes et sérieuses pour la République Centrafricaine en ce qui concerne les pays des Grands Lacs. C’est pour cela que nous voulons avoir le poste de Secrétaire Général.

CNC : Le Budget 2018 qui a été récemment voté au parlement est différemment apprécié. Comment jugez-vous ce budget que certains qualifient d’un budget très faible ?

Le budget est faible mais il est réaliste. Nous étions à Bruxelles. Et vous savez, ce qui a donné une caution importante à la Conférence de Bruxelles, c’est la présence des députés de la nation. Il ne faut jamais l’oublier. Nous étions nombreux. Nous les députés avons été compétiteurs du Président de la République qui a gagné les élections. Et nous avons voulu démontrer par-là, l’unité de la nation autour de cette demande. Cela ne s’est jamais produit chez les autres pays.

Deuxièmement, notre délégation parlementaire était la plus complète, la plus expérimentée en ce sens que nous avons des anciens Premiers Ministres, des anciens Ministres des finances et des Ministres d’Etat. Donc, nous pouvons défendre à tout moment ce projet.

Troisièmement en termes de communication, nous sommes intervenus pour dire que nous formons un bloc et le Président de la République est le capitaine de l’équipe et nous sommes venus le soutenir. C’est quelque chose qui ne peut pas être démenti.

Maintenant, il y a eu des promesses. Les promesses ne valent pas réellement engagements, et les engagements ne valent pas réellement décaissements.

Dès notre retour de Bruxelles, nous députés, avons voulu qu’il y ait une rencontre, le passage du Premier Ministre à l’Assemblée pour restituer et expliquer comment le gouvernement compte faire pour passer de la promesse à l’engagement et de l’engagement au décaissement. Et surtout, en termes de redevabilité, comment faire pour que 1 FCFA destiné à la population puisse lui parvenir. Nous n’avons pas été compris. On a perdu 1 an inutilement pour revenir sur cet aspect et évidement pour mettre en place un secrétariat du RCPCA (Plan de relèvement et de la consolidation de la paix en Centrafrique). Vous savez, l’argent, il faut le chercher et s’il le faut en courant.

Alors, le budget actuel tient compte de ce qui est donné mais pas ce qui est promis, parce que cela s’étale sur plusieurs années. Et là, il y a un programme prioritaire pour 3 ans et il y a un autre pour 5 ans. Voilà pourquoi, je dis que le budget est réaliste. Vous avez dit qu’il y a eu de l’augmentation sur le budget de la Présidence et de la Primature, effectivement nous en avons parlé. Nous avons constaté qu’il y a une augmentation très importante sur le budget de la Présidence et de la Primature. Des explications nous ont été données par le gouvernement. Nous avons dit que nous sommes très vigilants pour regarder l’exécution de ce budget. Nous reviendrons l’année prochaine sur l’aspect Loi de règlement.

CNC : Vous êtes accusé d’atteinte à la sureté de l’Etat. Vous avez saisi la justice qui malheureusement traine les pas. Certaines personnes disent que l’affaire est classée.

Vous dites certaines personnes parlent d’affaire classée. J’ai saisi la justice. Parce que je dis qu’il y a une vaste manipulation et cette manipulation visait tout simplement à empêcher l’Assemblée Nationale de faire son travail correctement. Dès lors que j’ai senti qu’il y avait un complot derrière, j’ai considéré que ce sont mes avocats qui doivent ester en justice à ma place et ils ont saisi la justice. Laissez le temps au temps. La justice suit son cours. Je ne sais pas mais le dossier ne sera pas classé.

CNC : Quels sont vos ressentiments par rapport à l’appui militaire de la Russie aux Forces Armées Centrafricaines?

C’est vraiment une excellence chose. Je me suis battu lors de mes toutes premières interventions pour parler du rééquipement des Forces armées centrafricaines. Je me suis battu que ce soit en privé ou en publique pour que les résolutions des Nations Unies puissent permettre à nous Centrafricains d’organiser la violence légitime qui revient à l’Etat. Je me battrai toujours pour dire que les forces multinationales qui sont en Centrafrique avec toutes leurs dimensions ne sont que provisoires. En tant que Président de l’Assemblée Nationale, dans mes déclarations à la France à travers son ancien Ministre de la défense, je ne partagerais pas le retrait des forces Sangaris. Parce que nous n’étions pas prêts et il fallait renforcer nos capacités opérationnelles pour lutter contre les politico-militaires qui n’ont rien d’autre que d’apporter la mort. Aujourd’hui, la Russie qui a accepté d’équiper les FACA, c’est une très bonne chose.

CNC : En abordant la question de la sécurité, Nourredine Adam, leader du groupe rebelle FPRC a menacé de marcher sur Bangui, alors que le gouvernement prône le dialogue avec les groupes armés. Alors, quel est votre point de vue?

Vous posez une question importante qui montre les limites de l’Assemblée Nationale. Parce que ce n’est pas l’Assemblée Nationale qui est aux commandes de l’Exécutif. Nous ne pouvons que formuler des recommandations et faire des propositions. La première question qui avait été posée au Premier Ministre, l’a été faite par moi-même et la position de l’Assemblée est sans ambigüité. Pour nous, la force doit revenir à la légalité. Et la légalité, ce sont les institutions.

Deuxièmement, nous sommes en train de travailler pour l’adoption d’une loi de la décentralisation. Et pour cela, il faut que toute l’étendue du territoire soit couverte par l’administration qui relève du gouvernement, qui relève de l’Etat. Les menaces, nous en avons connues à un moment donné. Et je vous prie, vous de la presse, de ne pas relayer n’importe quelle rumeur et n’importe quelle menace. Marcher sur Bangui cela relève, écoutez-moi bien, du fantasme. Ça relève du fantasme !

CNC : La 6ème législature va bientôt avoir deux (2) ans. Quels sont les temps forts marquant l’Assemblée Nationale dont vous avez la charge?

L’Assemblée Nationale a fait un travail de titan. En très peu de temps, nous avons voté une loi sur notre propre gouvernance. C’est depuis près de 20 ans que cela n’a pas été fait. Nous avons voté notre loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée Nationale. Et nous avons soumis cette loi à la Cour Constitutionnelle. C’est nous qui nommons nos responsables à de diverses fonctions, or avant, cela relevait de l’Exécutif. Et vous n’avez pas relevé cela.

Deuxièmement, c’est la première fois que l’Assemblée Nationale élabore un plan de développement stratégique avec un programme prioritaire sur dix (10) ans pour montrer la voie à suivre. Même si demain, on n’arrivera pas à être reconduit, le train est en marche, il est lancé dans tout le cas. C’est la première fois également que chaque année, l’Assemblée Nationale présente un bilan qui est écrit et que vous pouvez analyser. Cela ne s’était jamais fait.

CNC : Pour finir, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, avez-vous un message particulier à lancer à l’endroit de la population pour cette nouvelle année ?

Le message le plus important c’est le message de l’espérance. Ne jamais désespérer ! Au bout de ce tunnel, il y a de l’espérance. Et l’Assemblée Nationale se bat toujours pour que la population centrafricaine sorte de ce trou noir. Et nous serons infatigables, parce que ce qui donne raison à l’Assemblée Nationale, c’est la nation. Nous représentons le peuple. Si nous ne sommes pas sur ce chemin de l’espérance, ça veut dire que nous n’exerçons pas notre mission.

CNC : Monsieur Karim Meckassoua, nous vous remercions !

 Interview réalisée par Eric NGABA

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