CENTRAFRIQUE : LE CHASSÉ-CROISÉ DE DÉPÔT DE CANDIDATURES ET L’INTRANSIGEANCE ATTENDUE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DANS L’INTERPRÉTATION ET L’APPLICATION DE LA CONSTITUTION.

Publié le 6 novembre 2020 , 11:46
Mis à jour le: 6 novembre 2020 11:46 pm
Monsieur Bernard Selembi Doudou, l'auteur de l'article. Photo de courtoisie.
Monsieur Bernard Selembi Doudou, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.

 

Bangui, République centrafricaine, samedi, 7 novembre 2020, 05:32:12 ( Corbeaunews-Centrafrique ). A la lecture du chronogramme électoral modifié de l’Autorité Nationale des Élections (ANE), le dépôt de candidature aux présidentielles et législatives est ouvert du 1er au 10 novembre 2020 inclus. À ce jour, plus d’une dizaine de candidatures sans la présence de la junte féminine est enregistrée auprès de l’ANE et acheminée au fur et à mesure à la Cour constitutionnelle pour examen. La lecture du tableau synoptique des candidatures déjà déposées à l’ANE présente des profils divers et variés allant des anciens chef d’état à d’anciens premiers ministres. Au delà des ténors et sans compter les aventuriers, certains indépendants et outsiders peuvent troubler le sommeil des prétendants.

 

Il faut noter que la principale mission de la Cour constitutionnelle dans ce processus consiste à contrôler la conformité des dossiers déposés à la constitution du 30 mars 2016 ainsi qu’au nouveau code électoral récemment promulgué. Dans cette logique, il urge de souligner que l’interprétation et l’application des textes fondamentaux du droit ne concerne pas exclusivement les termes de référence mais il s’agit prioritairement d’analyser minutieusement et méthodiquement la pensée du législateur ainsi que l’objectif recherché par le constituant. Ainsi, l’article 36 de la constitution énumère succinctement les huit (8) conditions cumulatives pour prétendre être candidat à la magistrature suprême de l’état.

En effet, l’article 36 de la constitution dispose que « ne peuvent être candidat à l’élection présidentielle que les hommes et les femmes remplissant les conditions suivantes :

Être de nationalité centrafricaine;

Être âgé de trente cinq (35) ans au moins le jour du dépôt de candidature;

Avoir une propriété bâtie sur le territoire national;

Avoir résidé sur le territoire national depuis au moins un an;

N’avoir pas fait l’objet d’une condamnation à une peine afflictive ou infamante;

Jouir de leurs droits civiques;

Jouir d’une bonne santé mentale et physique;

Enfin, être de bonne moralité ».

À la lecture en filigrane de ces huit (8) conditions, on enregistre d’abord la notion de nationalité qui est un lien d’appartenance juridique à une nation et qui s’acquiert par la naissance ou par naturalisation. Outre le critère d’âge minimum de 35 ans qui ne pose particulièrement pas de problème, la constitution parle de la propriété bâtie sans préciser la nature et la consistance de la constitution. Ce qui laisse supposer qu’une simple case en banco même dans une zone non urbanisée suffit…l’essentiel est que le pied de la construction soit fixé au sol. Il sera par contre difficile de fournir un certificat de résidence d’au moins un an à la date du dépôt de candidature car certains candidats pour des raisons quelconques font des innombrables aller-retours rendant incertain le début de résidence effective. L’autre point saillant consiste à avoir un casier judiciaire barrée c’est à dire vierge. Enfin, le candidat doit conserver le bénéfice de ses droits civiques, jouir d’une bonne santé mentale, physique et surtout être d’une bonne moralité qui suppose le respect des lois et des institutions de la république. Face à ces différents défis, le citoyen lambda s’interroge :

La Cour constitutionnelle est-elle consciente de la portée de sa décision qui déterminera l’avenir de notre jeune démocratie ?

Où sont passées les femmes dans cette course effrénée à la magistrature suprême de l’état ?

Selon la constitution, c’est quoi être en bonne santé mentale et physique ?

En d’autres termes, comment savoir si on jouit d’une bonne santé mentale et physique ?

Dans la suite logique d’idée, un certificat médical délivré en l’absence des examens préventifs approfondis peut-il justifier de la bonne santé mentale et physique du candidat ?

Pour finir et en faisant référence aux archives, la Cour constitutionnelle violera t-elle sa propre jurisprudence en validant la candidature de certains candidats précédemment rejetés en 2015 ? Sachant que la production de faux documents à une juridiction justifiant de l’ensemble des critères définis par l’article 36 de la constitution est un délit passible d’une peine pénale, il est difficile de répondre à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la santé mentale et physique.

D’après cette institution, la santé mentale ne consiste pas seulement en l’absence de troubles mentaux. Il s’agit d’un état de bien être dans lequel la personne peut réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif, fructueux et contribuer à la vie de sa communauté. Tandis que la santé physique est un état complet de bien être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

Au delà de multiples pressions subies par la Cour constitutionnelle, cette noble institution doit se concentrer sur sa mission qui est celle de dire le droit et de publier à l’issue des examens une liste provisoire de candidats éligibles à la course présidentielle. Après un délai de quinze (15) jours pour traiter les contentieux, la Cour publiera la liste définitive des candidats sous réserve de versements des cautions prévues par la loi électorale.

Pour finir, nous espérons que la Cour constitutionnelle restituera à notre loi fondamentale sa lettre de noblesse car cette dernière a été tant piétinée au cours de cette mandature. Quant aux candidatures qui seront invalidées, nous les consolerons en leur opposant la célèbre maxime juridique tirée de l’adage du droit romain que « la loi est dure mais c’est la loi ».

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 6 novembre 2020.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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