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Guerre informationnelle : face à Moscou, Paris contre-attaque

 

La France s’apprête à officialiser la mise en place d’un dispositif de lutte informationnelle en Afrique afin d’y contrer l’influence de Moscou. Outre la création d’une task force au Quai d’Orsay et d’une cellule dédiée au ministère des armées, Paris entend recourir à des prestataires privés.

Le Président français Emmanuel Macron à droite, et Vladimi Poutine à gauche
Le Président français Emmanuel Macron à droite, et Vladimi Poutine à gauche

 

Rédigé par Afrique Intelligence

Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le vendredi 2 septembre 2022

 

Guerre informationnelle

 

Sa nomination devrait être proposée ce mercredi 31 août en conseil des ministres.

Ambassadrice de France au Ghana depuis 2018, Anne-Sophie Ave doit être désignée “envoyée spéciale pour la diplomatie publique en Afrique“. Elle succédera au diplomate Sylvain Itté qui, arrivé au terme de sa mission de deux ans, prendra la tête de l’ambassade de France au Niger fin septembre.

Le poste d’ambassadeur pour la diplomatique publique en Afrique a été créé en 2019, en plein essor des opérations d’influence russes sur le continent africain.

Alors que les contours de sa fonction étaient initialement flous, l’ambassadeur est désormais chargé de superviser la communication dite “stratégique” de Paris en Afrique. Contre-attaque informationnelle

À lire aussi : « La Russie n’est pas là pour une bonne coopération avec  les pays africains », dixit Harouna Douamba

 

Madame Diplomatie publique

 

Anne-Sophie Avé disposera d’une lettre de mission signée par Emmanuel Macron, dont la dernière mouture vient d’être validée par la présidence de la République.

Les grands axes de cette feuille de route avaient été discutés lors d’un conseil de défense qui s’est tenu en mai à l’Elysée. Avé bénéficiera de prérogatives élargies : l’équipe devrait être composée d’une dizaine de personnes, contre moins de cinq aujourd’hui. Un préfet – ancien militaire – doit être détaché du ministère de

l’intérieur pour rejoindre cette task force et lui donner une touche “interministérielle”. Outre le ministère de l’intérieur, celui des armées sera associé au dispositif. Le profil d’Anne-Sophie Avé, qui n’est pas issue du Quai d’Orsay, est, à ce titre, évocateur : administratrice civile, elle a officié au ministère des armées lorsque Jean-Yves Le Drian occupait le portefeuille de la défense. De 2012 à 2015, elle a été “conseillère sociale” au cabinet de l’élu breton avant d’être nommée directrice des ressources humaines du ministère de la défense. Un poste qu’elle a occupé de 2016 à 2018.

Sa familiarité avec le monde “kaki” doit constituer un atout dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Très active sur les réseaux sociaux, elle a par ailleurs, tout au long de ses quatre années à Accra, tissé de solides relations tant avec les médias locaux qu’avec la société civile ghanéenne.

 

Création d’une sous-direction de veille

 

Si l’ambassadrice est placée sous la tutelle de la Direction Afrique et océan Indien (DAOI) du Quai d’Orsay, elle devrait aussi travailler en étroite collaboration avec la Direction de la communication et de la presse (DCP), dirigée par Anne-Claire Legendre. Cette dernière a obtenu une refonte de la DCP, définie par un arrêté du 9 août qui entre en vigueur ce 1 septembre. En soutien aux deux sous-directions du porte-parolat et de la communication, la DCP en dispose désormais d’une troisième, dédiée à la veille et à la stratégie. Celle-ci sera chargée de “piloter la veille sur les questions de politique internationale sur l’ensemble des médias (presse écrite, médias audiovisuels, internet, réseaux sociaux) et d’animer le réseau des postes diplomatiques et consulaires à cet égard, y compris s’agissant des manipulations de l’information”. Er.contre-attaque.

Avec la création de cette sous-direction, la DCP entend, elle aussi, jouer un rôle central dans le développement de “contre-narratifs”, sur fond de guerre en Ukraine et d’influence croissante de Moscou en Afrique. Début juin, la diplomatie ukrainienne avait discrètement sollicité l’appui de Paris pour mener la bataille médiatique sur le continent africain face à l’activisme russe.

Plusieurs réunions doivent se tenir dans les prochaines semaines au sein de la DCP pour préciser la composition et les principales missions de cette sous­direction de la veille et de la stratégie. Son articulation avec la mission de l’envoyée spéciale pour la diplomatie publique en Afrique reste, elle aussi, à définir. Guerre informationnelle.

 

Prestataire privé

 

Ces derniers mois déjà, sous l’impulsion d’Anne-Claire Legendre, la DCP s’est lancée dans la bataille de l’influence sur le continent africain. Pour mener ces opérations de com’, le Quai d’Orsay a recours depuis 2022 à une poignée de prestataires privés. La DCP s’est ainsi engagée en mars 2022 avec Concerto, une agence de communication et de lobbying spécialiste de l’Afrique.

Dirigé par François Hurstel, le cabinet accompagne plusieurs groupes privés sur le continent. Il a également assuré la communication internationale de l’opposant congolais Moise Katumbi de l’ancien premier ministre guinéen Cellou Dalein Diallo ou encore du président malgache Andry Rajoelina.

Concerto a été sélectionné au terme d’un appel d’offres passé par la DCP, et a été retenu face à deux autres concurrents parmi lesquels figurait le cabinet Public Affairs Africa. Depuis, l’agence parisienne s’attache à promouvoir les actions de la diplomatie française en Afrique. Concerto a notamment appuyé le Quai d’Orsay lors du Africa Day, en mai dernier, et durant la COP15, à Abidjan, ou encore pour promouvoir des “actions de coopération” au Mali.

L’action de Concerto se limite théoriquement à un travail de com’ digitale et de conseil éditorial et n’a pas vocation à s’étendre à des opérations de “contre­narratifs”. Le recours à des cabinets privés pour assurer certaines missions pouvant être jugées sensibles suscite néanmoins des crispations en interne.

D’autant que le contrat avec Concerto a fait des émules au sein des cabinets, contre-attaque, parisiens, désormais désireux de se positionner sur ce créneau. Plusieurs d’entre eux scrutent déjà avec intérêt les premiers pas de la sous-direction de la veille et de la stratégie. Guerre informationnelle.

 

Sahel et Afrique centrale en haut de la liste

 

Le dispositif du ministère des affaires étrangères vient s’ajouter à celui que met actuellement en place le ministère des armées. Composé de plusieurs dizaines de personnes, l’état-major des armées (EMA) est en passe d’officialiser la création d’une cellule dédiée à la “guerre informationnelle”. Sa direction doit être confiée au général Pascal Ianni, ancien porte-parole de l’EMA de 2021 à 2022, très actif sur les sujets d’influence.

Priorité du chef d’état-major des armées (CEMA) Thierry Burkhard – lui-même ancien conseiller communication lorsqu’il était encore colonel du CEMA -, la création de cet organe était en réflexion depuis cet hiver sur le site de Balard. Si la guerre en Ukraine sera au centre des préoccupations de cette task force, l’Afrique y occupera aussi une place de choix. Le Sahel et l’Afrique centrale sont ainsi en haut de la liste alors que les opérations d’influence de Moscou s’intensifient partout en Afrique francophone. Là encore, l’éventuel recours à des prestataires privés par l’hôtel de Brienne aiguise les appétits et une poignée de cabinets tricolores se sont d’ores et déjà rapprochés du ministère des armées.

Jusque-là, l’action des forces françaises en matière de lutte contre la désinformation était en partie pilotée par le Centre interarmées des actions sur l’environnement (CIAE), basé à Lyon. Connu pour dépêcher des spécialistes de la “contre-propagande” sur le terrain, notamment en Centrafrique, le CIAE a obtenu des résultats pour le moins mitigés.

À lire aussi : Pour le Président Touadera,  la désinformation c’est  un défi à notre indépendance 

 

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