la convocation d’un référendum en RCA est illégale et antidémocratique  : entretien exclusif CNC avec Martin Ziguélé

Publié le 1 juin 2023 , 7:55
Mis à jour le: 1 juin 2023 3:38 pm

la convocation d’un référendum en RCA est illégale et antidémocratique  : entretien exclusif CNC avec Martin Ziguélé

 

Martin Ziguelé, Président du parti MLPC
Martin Ziguelé, Président du parti MLPC

 

 

Bangui, 02 juin 2023 (CNC) — Martin Ziguélé, ancien Premier ministre, Président du parti MLPC, également député à l’Assemblée nationale, dénonce la décision illégale du président Touadéra de convoquer un référendum constitutionnel en RCA. Selon l’honorable Ziguélé, il s’agit d’un coup d’État constitutionnel visant à permettre à Touadéra de se représenter en 2025, malgré les limitations actuelles des mandats à deux, imposées par la Constitution. L’opposition démocratique refuse de participer à cette manœuvre et souligne l’importance de réformer les institutions électorales et la Cour constitutionnelle. Ziguélé et son parti, le MLPC, défendent la Constitution de du 30 mars 2016, résultat d’un consensus populaire, et s’opposent au changement constitutionnel visant un troisième mandat présidentiel.

 

 

Corbeaunews Centrafrique (CNC) : Honorable Martin Ziguelé, bonjour.

 

Martin Ziguelé  (MZ) : Bonjour.

 

CNC : Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Monsieur Martin Ziguelé, hier le pouvoir parlait des élections locales. Aujourd’hui, c’est le référendum constitutionnel. En tant qu’ancien Premier ministre de ce pays, Monsieur Martin Ziguelé, qu’est-ce qui justifie une telle décision politique ? Est-ce que ce n’est pas parce que la communauté internationale ne veut pas d’élections locales couplées avec le référendum, et que vous au sein de l’opposition démocratique, vous ne vouliez pas prendre part à ces élections locales que le président Touadéra vous a pris au cou ?

 

Martin Ziguelé : Il faut d’abord souligner que la décision du Président TOUADERA de convoquer un referendum constitutionnel est illégale dans la forme et dans le fond. C’est un coup d’Etat constitutionnel, un coup d’Etat contre le peuple centrafricain, et il ne tient qu’à la seule volonté du Président TOUADERA de vouloir à tout prix se représenter aux élections présidentielles en 2025, alors que la Constitution actuelle de notre pays ne le lui permet pas. Il a commencé cette manœuvre depuis 2019, en tentant de prolonger son mandat sous prétexte de COVID-19, et la Cour Constitutionnelle avait opposé son veto à cette velléité qui, à l’analyse, s’avérait être un ballon d’essai. C’était un test grandeur nature pour identifier les résistances à tout changement constitutionnel afin de dérouler son rouleau compresseur qui a été lancé sans succès à l’occasion du Dialogue Républicain. L’opposition démocratique qui avait subodoré la supercherie avait refusé in extremis de participer à cette grande mise en scène parce que nous savions déjà à l’époque que c’était son unique objectif.

Si aujourd’hui le Président TOUADERA a décidé d’organiser le referendum en lieu et place des élections locales, c’est tout simplement parce que les élections locales n’ont aucune importance pour lui. Son problème, c’est de rester à vie au pouvoir et pour y parvenir il faut coûte que coute changer la Constitution. Personne ne doit être dupe de cela. Tout le reste est fait pour dorer la pilule à faire avaler à notre peuple.

D’ailleurs, à quelque chose malheur est bon : les rôles assignés à l’Autorité Nationale des Élections et à la Cour Constitutionnelle dans ce processus permettent de comprendre les exigences de l’opposition démocratique sur les réformes indispensables de ces deux institutions. Cela crève les yeux aujourd’hui. Même ceux qui ne veulent pas entendre ce que l’opposition dit ni voir ce que nous montrons, sont obligés de constater avec nous qu’il n’y aura pas de consultations électorales libres et démocratiques dans notre pays tant que ces deux institutions resteront en l’état.

 

CNC : Votre parti le MLPC, avec d’autres partis politiques, vous aviez fondé le  Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution du 30 mars 2016, que le pouvoir en place qualifie de caduque car elle a été rédigée sous un régime de transition. Pour quelle raison aviez-vous créé ce bloc afin de défendre une Constitution décaduque aux yeux du président Touadéra, des députés, des membres du gouvernement ?

 

MZ : La Constitution de 2016 n’a pas été élaborée en catimini par des copains et des amis, appartenant tous à une même coterie politique, dans un lieu tenu secret. Elle a été élaborée au terme du Forum de Bangui, organisé après des consultations à la base menées dans tout notre pays. C’était un première dans l’histoire de la RCA et cette Constitution est donc le résultat d’un consensus populaire. D’ailleurs ceux qui veulent nous imposer une nouvelle Constitution ne nous disent pas qui l’a élaborée et dans quelles conditions, dès lors que la Cour constitutionnelle avait déjà déclaré illégal le Comité de rédaction de la Constitution mise en place par le Président TOUADERA. Les décisions de la Cour Constitutionnelle n’étant pas susceptibles de recours, qui a rédigé la nouvelle constitution ? Le même Comité ou un autre ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, tout Comité mis en place illégalement ne peut produire que des résultats nuls.

Pour revenir maintenant à votre question, la réponse se trouve dans le préambule de cette même Constitution, qui invite chaque centrafricain à défendre la Constitution au péril de sa vie s’il le faut.  Notre objectif en créant ce Bloc républicain est de répondre à l’appel de notre peuple dont la Constitution constitue l’incarnation de la volonté. Le fait qu’elle ait été rédigée pendant une période de transition ne la rend pas automatiquement caduque puisque le processus de son élaboration a été très populaire. Il est essentiel de préserver les fondements démocratiques et institutionnels de la République centrafricaine.

 

CNC : Pour vous, aujourd’hui, le président Touadera viole allègrement la Constitution qu’il a lui-même juré de respecter scrupuleusement. Qu’allez-vous faire maintenant ? Allez-vous faire campagne pour le NON ? Cela reviendrait finalement à participer activement à ce référendum.

 

MZ : Notre lutte politique et démocratique puise ses moyens dans cette même Constitution. Nous la mènerons dans le respect de la Constitution, et nous mobiliserons le peuple centrafricain pour qu’il soit conscient des enjeux et du danger du retour à la dictature d’un homme et d’un clan. Nous sommes contre le changement constitutionnel et nous ferons en sorte que cette vision soit partagée par la majorité de notre peuple qui a déjà connu la « Présidence à vie » et n’en veut plus.

 

CNC : Donc pour vous, Martin Ziguélé, au sein de l’opposition démocratique, il n’est pas question de parler de référendum constitutionnel en Centrafrique ? Mais la révision de cette Constitution n’est pas exclue non plus, Martin Ziguelé.

 

MZ : On ne gère pas un pays comme on gère sa boutique, et une Constitution n’est pas une chemise qu’on change tous les jours. Au BRDC, nous posons la question au pouvoir, comme la majorité des centrafricains : Quelles ont les dispositions de la Constitution du 30 mars 2016 qui empêchent au Président TOUADERA de construire les routes et les ponts dans tout le pays comme il l’a promis pendant ses deux campagnes électorales ? Quelles sont les dispositions de l’actuelle Constitution qui lui empêchent de construire des écoles, des hôpitaux, des universités, de relance les filières coton, café et cacao ? Quelles sont les dispositions de l’actuelle Constitution qui lui empêchent de faire sortir la RCA du dernier rang de l’Indice du Développement Humain du PNUD ? Quelles sont les dispositions de l’actuelle Constitution qui lui empêchent de lutter efficacement contre la corruption endémique qui siphonne les maigres ressources de l’Etat ?

La Constitution est la loi fondamentale qui définit les principes et les règles du fonctionnement de notre pays. Si une révision est envisagée, elle doit être réalisée dans le respect des procédures légales et démocratiques, en impliquant toutes les parties prenantes et en garantissant la transparence. Ce n’est pas le cas aujourd’hui car nous savons que l’objectif recherché par le Président TOUADERA est uniquement un troisième mandat. D’ailleurs ses collaborateurs le proclament publiquement sur les médias du monde entier. Nous disons non au troisième mandat, et nul ne peut tromper tout un peuple tout le temps.

CNC : Martin Ziguélé, nous vous remercions.

MZ Je vous remercie également.

 

Propos recueillis par Gisèle MOLOMA

 

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