La chefferie et la diplomatie coutumière africaines comme alternative de sortie de crise en Centrafrique

Mme Hyacinthe Wodobodé,  Mme Alice Koiho, Coordonnatrice et M. Urbain Amoa et Lazare Etien Kouassi,
Mme Hyacinthe Wodobodé (milieu), Mme Alice Koiho (droite) et M. Urbain Amoa (Gauche)

La chefferie et la diplomatie coutumière africaines comme alternative de sortie de crise en Centrafrique

Bangui – Corbeau News Centrafrique (CNC): 10-12-2014.  L’Ong Afrique secours assistance (ASA) a organisé, mercredi 10 décembre 2014 à l’hôtel Ledger à Bangui, avec l’appui du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) une table ronde sur l’activation des valeurs traditionnelles africaines en faveur de la résolution de la crise de cohésion sociale en République centrafricaine. Mme Hyacinthe Wodobodé, Présidente de la délégation spéciale de la ville de Bangui a lancé les travaux, alors qu’elle a été entourée de Mme Alice Koiho, Coordonnatrice générale de l’Ong ASA et de MM. Urbain Amoa et Lazare Etien Kouassi, respectivement Modérateur de la table ronde et Représentant-pays de l’UNHCR.

C’est autour du thème central de « La crise centrafricaine : Chefferie traditionnelle, diplomation coutumière africaine et cohésion sociale » que la centaine de participants venue de Bangui d’une part, et des préfectures de Lobaye, notamment à Mbaïki et Boda – deux zones d’expérimentation de l’Ong ASA, ont échangé durant cette table ronde.

Déjà à l’ouverture, le Représentant-pays du UNCHR, Lazare Kouassi Etien a souligné que cette stratégie d’œuvrer pour la cohésion sociale à travers l’usage des moyens traditionnels africains a « consisté à puiser dans les racines ancestrales africaines tout en s’appuyant sur les acquis de la société traditionnelle comme la clé de sortie de cette crise. » Il a ajouté que « Dans un passé récent, ceux qui nous ont précédés avaient fait de l’arbre à palabre un réservoir insoupçonné de solutions pacifiques et concertées comme socle de solidarité et de cohésion sociale dans les villages. »

ASAAu menu de cette table-ronde, des grandes thématiques développées par des imminentes personnalités et Professeurs d’université, Anthropologues et Linguistes qui ont mis en exergue les valeurs de la tradition africaine en matière de résolution pacifique de conflits intercommunautaires. Ainsi, Urbain Amoa, Fondateur et Recteur de l’Université Charles-Louis de Montesquieu d’Abidjan a été le premier à ouvrir la rencontre avec la conférence inaugurale au cours de laquelle, il a insisté entre autres sur la création des centres d’incubation afin de permettre la viabilisation des localités rendues sinistres par la crise en RCA. Pr Marcel Dikikidiri du Cercle des intellectuels centrafricains a entretenu l’assistance sur « La politique linguistique et régionalisation : leurres et lueurs d’une géopolitique pour une cohabitation pacifique en RCA » ; le Chef de Département d’Anthropologie à l’université de Bangui, Dimanche Gossala quant à lui a abordé « De la communication et mobilisation sociale à un développement communautaire, endogène cohérent : une clef de sortie de crise en Centrafrique » ; le thème sur « Les crises en République centrafricaine : Historicité, tendance, manifestation (ou spécificité) et recommandations pour une sortie de crise constructive » a été animé par Georges Andjipakoto Enseignant à l’Université de Bangui ; et enfin, M. Emmanuel Kouroussou Ngaoukane, Ancien Proviseur de CURDHACA a donné la communication sur les « Mouvements migratoires, naissance de la Nation, culture de paix : logique d’une ébauche de solutions de sortie de crise en Centrafrique. »

A travers tous ces thèmes, l’Ong ASA entend exhumer le maximum possible des acquis traditionnels centrafricains et africains ayant attrait à la crise en cours, afin de permettre de dégager des pistes crédibles et efficaces de sortie de crise. D’ores et déjà, il convient de préciser que l’Ong ASA est une initiative ivoirienne portée par Mme Alice Koihio, créée le 23 décembre 1998 qui s’est donnée comme mission d’assister, mais aussi de protéger les personnes vulnérables. De manière précise, ASA a pour missions : « Premièrement, lutter contre le travail des enfants et des femmes, à travers la promotion de l’éducation et de la formation de ces derniers ; deuxièmement, apporter une assistance aux populations en situation d’urgence ou de catastrophes humanitaires ; troisièmement, concevoir et mettre en œuvre des programmes et projets de développement économique et sociale en Côte d’Ivoire ; quatrièmement, lutter contre la traite et le travail des enfants ; enfin cinquièmement, lutter contre les IST et VIH/Sida aussi bien en Côte d’Ivoire que dans le reste de l’Afrique. »

Cette Ong a déjà fait ses preuves ailleurs, en Côte d’Ivoire et au-delà des frontières de ce pays. Entre autres réalisations aujourd’hui citées à l’actif de ASA, l’on retient le gigantesque chantier de lutte contre le travail des enfants dans la cacaoculture dans les régions ivoiriennes de Doloa et Soubré ponctué par la construction d’une Ecole primaire, afin d’attirer ces enfants sur le chemin de l’école ; des centres de formations professionnelles pour les femmes et enfants. Bien au-delà des frontières ivoiriennes, ASA est intervenue dans le domaine de l’assistance humanitaire au Mali où elle a été au chevet des personnes en difficulté, alors que leur pays a été frappé par la guerre.

Aujourd’hui, et ce depuis octobre 2014, ASA est en République centrafricaine où elle travaille sur les questions de cohésion sociale. C’est la préfecture de la Lobaye, précisément dans la ville de Bodé où musulmans et chrétiens s’entredéchirent que cette Ong s’est efforcée à battre le fer pour favoriser le retour à un vivre ensemble. « En République centrafricaine, nous travaillons sur le cohésion sociale. La méthode du travail qu’on a adoptée, c’est une approche d’immersion dans les communautés dans le Département de la Lobaye que nous avons identifiées. Pour le moment, les actions que nous menons se passent très bien. Nous avons mené des actions de concertation avec deux séances de regards croisés d’abord à Boda, puis à Mbaïki. Aussi, des focus groupes ont été organisés avec les communautés de Bokoma, Bogoa et Boganangone. Et aujourd’hui, nous avons l’honneur de siéger dans cette salle de table-ronde avec des communautés qui, depuis des mois n’arrivent pas à se voir en face. »

De cette rencontre, les invités des Mbaïki et Boda, avec qui ASA a déjà expérimenté son projet en Centrafrique trouvent bien leur compte. Selon Nicaise Wilikondji, alias Kpademona, Président du comité des sages de Boda, « Pendant ces événements malheureux survenus dans notre pays, nous les autochtones de Boda, musulmans comme non-musulmans, avons connu cette crise de plein fouet. Malheureusement, toutes nos stratégies de sortie de crise ne nous ont pas amenés vers une cohésion véritable, car on raisonnait encore en termes d’‘’enclave’’ et ‘’non enclave’’. C’est grâce à l’Ong ASA que nous avons compris qu’il faut qu’on prenne une journée pour s’asseoir et de casser ce mur qui sépare musulman et chrétien de Boda et qu’ensemble on rebâtisse l’avenir de notre localité. C’est pourquoi cette table ronde est l’endroit idéal. »

Etant donné que la crise centrafricaine est très profonde sur le plan de la cohésion sociale, toutes les initiatives vivant à la sortie de crise sont les bienvenues.

Bangui / Fred Krock / Corbeau News Centrafrique.