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Promotion en grade : Grogne au sein de l’armée nationale centrafricaine qui se transforme en une coalition, modèle Seleka.

Promotion en grade : Grogne au sein de l’armée nationale centrafricaine qui se transforme en une coalition, modèle Seleka.

 

Le chef d'état-major, le général Zéphirin Mamadou habillé en tenue confectionnée pour la fête, cravatte papillon, chemise blanche devant une assiette, couvert et un verre d'eau servi sur la table, sa femme à sa gauche. Et au milieu est à sa droite le ministre de la Défense Biro.
Le chef d’état-major, le général Zéphirin Mamadou habillé en tenue confectionnée pour la fête et au milieu est à sa droite le ministre de la Défense Biro.

 

 

Bangui, 23 février 2024 (CNC).

Depuis son indépendance, la République Centrafricaine est le seul pays d’Afrique à connaitre autant des bouleversements politiques, sociaux et sécuritaires. En cause, plusieurs facteurs dont le tribalisme, le népotisme, le clanisme, tous, chapeautés par l’incompétence et la mal gouvernance. L’armée nationale est devenue pour ses dirigeants, un outil pour des pratiques claniques à répétition et qui font grogner les morales des troupes. L’évolution de son armée nationale, censée être le garant de la sécurité et de l’intégrité territoriale, reflète ces tumultes. Ces dernières années, une tendance préoccupante s’est manifestée : l’armée nationale semble suivre les traces laissées par le régime de la coalition rebelle Séléka, devenant ainsi sa propre version officielle sous le régime de Touadera. 

  

La Séléka, une coalition rebelle à majorité musulmane, a brièvement pris le pouvoir en 2013 et 2014, avant de céder le pouvoir à une transition politique civile. Sa composition, principalement issue du nord-est de la République Centrafricaine, était marquée par une dominance de grades de généraux obtenus dans la brousse et une hiérarchie laxiste. Et depuis lors, les empreintes et les salives de la Seleka sont restées dans cette armée nationale. L’on assiste miraculeusement à la montée en une vitesse de fusée, en grade de certains soldats au détriment des autres et à la nomination de membres basées sur des affiliations politiques et familiales, déformant ainsi la hiérarchie et la discipline de cette armée nationale dite FACA, la transformant au passage en une version officielle de la Séléka. 

  

Dans cet éditorial, nous examinerons de près cette transformation troublante de l’armée nationale centrafricaine. Nous explorerons les pratiques de nomination et de promotion qui ont conduit à cette dérive, les conséquences sur la cohésion et l’efficacité opérationnelle de l’armée, ainsi que les implications pour la sécurité et la stabilité de la République Centrafricaine. 

  

La montée en grade accélérée au sein de l’armée Nationale. 

  

Depuis plus de 40 ans, l’armée nationale centrafricaine (FACA) vivait avec des nominations en grade farfelues, bien que sporadiques, respectant néanmoins les règles établies de cette armée nationale. Mais depuis 2014 avec la prise de pouvoir par les rebelles de la Séléka et surtout et plus grave encore, depuis 2016, avec l’accession au pouvoir de Faustin Archange Touadera, cette pratique a pris une ampleur alarmante, et automatisée dans l’attribution des grades. Cette situation a engendré une course effrénée vers les promotions, où chaque individu aspire à monter en grade en une vitesse vertigineuse. 

  

L’augmentation exponentielle des promotions a conduit à une dégradation de la qualité des officiers au sein de cette armée. Les critères traditionnels de mérite et de compétence sont souvent relégués au troisième, dernier plan, au profit de considérations familiales au premier, ethniques ou relationnelles au deuxième plan. Ainsi, la montée en grade ne dépend plus de la capacité à diriger ou de l’expérience sur le terrain, mais plutôt des affiliations personnelles. 

  

Cette situation a eu un impact significatif sur la composition de l’armée centrafricaine. Les grades de général et de colonel sont sur le marché comme à l’époque de la Séléka et sont devenus monnaie courante, tandis que les autres rangs sont devenus rares. Le cas Zéphirin Mamadou lui-même est illustrant. En 5 années, il passe de commandant au général de corps d’armée, 4 étoiles, sans aucune formation de recyclage. La dépréciation des grades a sapé les morales des éléments engagés sur les terrains, la cohésion et l’efficacité opérationnelle de l’armée, conduisant à une situation précaire où la compétence est souvent sacrifiée au profit de la loyauté personnelle. 

  

La montée en grade accélérée soulève également des préoccupations quant à la capacité des officiers promus à assumer leurs responsabilités. De nombreux officiers sont propulsés à des postes de haute responsabilité sans avoir acquis l’expérience nécessaire pour les remplir efficacement. Cette situation fragilise la structure de commandement et compromet la capacité opérationnelle de l’armée à répondre aux défis sécuritaires du pays. A cela s’ajoute la politique de diviser pour régner. 

  

Un officier retenu à la fête et habillé en tenue confectionnée et dédiée à cet effet. Il est avec sa femme habillée en robe festive de couleur rose, montre en or massif, collier africain autour de son cou.
Un officier retenu à la fête et habillé en tenue confectionnée et dédiée à cet effet. Il est avec sa femme.

 

La division au sein de l’armée nationale.  

  

La montée en grade effrénée au sein de l’armée nationale en République centrafricaine a exacerbé les divisions au sein de l’institution militaire. La quête désespérée des membres de l’armée pour obtenir des promotions a engendré la formation de factions rivales, alimentant ainsi un climat de rivalité et de méfiance au sein des rangs militaires. 

  

Au modèle de la guerre froide, trois principaux camps se sont établis au sein de cette armée et se distinguent : le clan du chef d’état-major des armées, le général Zéphirin Mamadou, le clan du président putschiste Faustin-Archange Touadéra, et le camp des neutres, ceux qui ne savent pas comment faire pour obtenir un galon. Chaque camp s’engage dans une lutte acharnée pour obtenir des promotions et consolider son pouvoir au sein de l’institution militaire. 

  

Dans le camp du chef d’état-major des armées, les promotions sont souvent attribuées de manière arbitraire, favorisant les membres de sa famille, ses enfants, ses neveux, ses cousins, et les habitants de son village. Des individus jeunes et inexpérimentés se voient conférer des grades élevés, contournant ainsi les critères traditionnels de mérite et d’expérience. 

  

De même, le président putschiste Faustin-Archange Touadéra, dans son camp, n’est pas en reste dans la course aux promotions. Les membres de sa famille, ses neveux, ses cousins, ainsi que les habitants du village de sa mère, Damara, bénéficient eux-aussi de promotions plus rapides que le vent au sein de l’armée. La compétence et l’expérience sont souvent reléguées au second plan, au profit des liens familiaux et des affiliations politiques. 

  

En revanche, le camp des neutres est relégué au troisième plan, souffrant d’un manque d’opportunités de promotion et de reconnaissance au sein de l’armée. Les membres de ce camp respectent, dans une longue attente disciplinaire, les délais établis par l’armée pour les promotions, tandis que dans les factions Mamadou et Touadéra, y’a pas délai.  

  

Les pratiques de nomination et de promotion au sein de l’armée nationale ont engendré une cacophonie et un désordre généralisés. Les critères de mérite et d’expérience sont relégués au second plan, tandis que les affiliations politiques et familiales prévalent. Cette situation compromet gravement l’intégrité et l’efficacité opérationnelle de l’armée, sapant ainsi sa capacité à assurer la sécurité et la stabilité du pays. Cette pratique ne fait qu’affaiblir cette armée qui ne peut plus assurer la sécurité sans les appuis de l’extérieur. 

 

Outre les pratiques nominatives et promotionnelles dans cette armée, viennent de s’ajouter, les têtes des officiers qui doivent diner avec le président putschiste chaque année. Cette pratique oblige la hiérarchie militaire à choisir que les mêmes officiers, généraux ou supérieurs, à prendre part à des fêtes que Touadera et ses femmes veulent organiser. Afin d’éviter l’entrée des récalcitrants et de celle par complaisance, leur effectif est arrêté en avance, une soixantaine, pas plus, d’après nos sources et est identifié à travers les tenues spéciales qu’ils porteront le jour J. Cette pratique répétée cette année a exaspéré les grognes au sein de l’armée depuis novembre 2023.   

  

Des couples des officiers retenus à la fête et habillés eux-aussi en tenue confectionnée et dédiée à cet effet. Ils sont avec leurs femmes.
Des couples des officiers retenus à la fête et habillés eux-aussi en tenue confectionnée et dédiée à cet effet. Ils sont avec leurs femmes.

 

L’affaiblissement de l’armée nationale : Conséquences de la course aux grades. 

  

Les pratiques de nomination et de promotion au sein de l’armée nationale en République centrafricaine depuis 2016 ont conduit à un affaiblissement, pour ne pas dire, effondrement significatif de l’institution militaire, compromettant ainsi sa capacité à assurer la sécurité et la stabilité du pays. L’accent mis sur les affiliations familiales et politiques au détriment du mérite et de l’expérience a engendré des conséquences dévastatrices des hommes sur le terrain. 

  

De nombreux officiers promus rapidement manquent cruellement de l’expérience et des compétences nécessaires pour diriger efficacement leurs troupes sur le terrain. Des unités entières sont commandées par des individus inexpérimentés envoyés à la va-vite dans des écoles et qui rentrent sans qualification et sans expérience au finish, tandis que des officiers plus qualifiés sont affaiblis, négligés et contrôlés sous prétexte qu’ils peuvent faire un coup d’état. Cette situation crée un déséquilibre dans la hiérarchie de commandement et compromet la capacité opérationnelle de l’armée à répondre aux défis sécuritaires. 

  

Les défaites répétées de l’armée nationale sur le terrain témoignent de l’incapacité des officiers promus rapidement à assumer leurs responsabilités de manière efficace. Les conséquences désastreuses directes de telles pratiques se voient désormais institutionaliser par la création de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR), dirigée par un capitaine sans expérience significative sur le terrain, mais favorisé en raison de ses liens familiaux avec le président et qui ne sait et ne doit faire que son sale boulot dans la capitale Bangui. 

 

Ce capitaine, parti en France en 2022 pour une formation de recyclage des officiers, revient à Bangui et est gradé capitaine en 2024 malgré son échec à la formation. “Un truc de fou”. 

 

Son adjoint, un lieutenant, lui aussi, vient de sortir de formation des officiers, sans passer à la case de l’application. Il est nommé déjà chef adjoint de la BIR. Quelle catastrophe ? Mais comme c’est une Unité de sale boulot ? Les officiers supérieurs formés et compétents sont laissés, pour ne pas que leurs oreilles sifflent, auriculairement loin de cette BIR et que seuls les membres de la famille présidentielle sont autorisés à faire leur entrée, compromettant ainsi la capacité opérationnelle de l’armée à remplir ses missions essentielles. 

  

En conséquence, l’armée nationale est confrontée à une crise de légitimité et d’efficacité, laissant de plus en plus de responsabilités aux forces étrangères telles que les Wagner, les Rwandais, pour assurer la sécurité du pays et bientôt, Bancroft. Cette situation fragilise davantage la stabilité de la République centrafricaine, mettant en péril la sécurité de ses citoyens et le fonctionnement des institutions démocratiques. 

  

En somme, l’évolution de l’armée nationale centrafricaine reflète les défis persistants de la nation, nécessitant une réflexion profonde sur son avenir et sa stabilité. 

 

Par Alain Nzilo

Directeur de publication.

 

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