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VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE ET FEMINICIDE EN RCA

 

LA TRIBUNE DU ROSCA-GD

Bangui, 10 décembre 2021 (Corbeaunews – Centrafrique ) – Depuis 2013, la République Centrafricaine est plongée dans une crise sécuritaire sans précédent. Dans ce contexte, plusieurs cas de violences se sont inscrits sur la liste des fléaux qui minent la paix dont les violences basées sur le genre (VBG), définies comme l’ensemble d’actes nuisibles dirigés contre une personne ou un groupe d’individus en raison de leur sexe. Mais quelles sont les causes des VBG ? Quelles sont leurs conséquences ? Qui sont les auteurs et qui sont les victimes ? Comment se fait la prise en charge des victimes ? Quels sont les instruments de lutte contre les VBG en RCA ? Telles sont les questions qui seront abordées dans cette tribune.

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Photo courtoisie

 

Les types de violences basées sur le genre

Il existe six types de violences basées sur le genre : le viol, l’agression sexuelle, l’agression physique, le mariage forcé, le déni de ressources, d’opportunité et de service, la violence psychologique. Dans le cadre de cette tribune, nous nous intéresserons uniquement aux violences basées sur le sexe, autrement appelées violences sexistes ou violences sexo-spécifiques à l’égard des femmes.

Les causes des violences basées sur le genre

 

En République Centrafricaine, les femmes vivent dans la précarité et sont sujettes à toutes formes de violence. Ces femmes, pour question de survie, subissent sans réagir des violences provenant de leur partenaires ou bien des tiers. De nombreuses études ont prouvé que le fait de vivre dans un environnement violent, entraine des comportements individuels violents : les enfants témoins de scènes ou victimes eux-mêmes sont susceptibles dans le futur de reproduire des violences subies dans l’enfance. On estime que 40 à 60 % d’hommes en Afrique qui sont violents avec leurs partenaires ont été témoins de violences conjugales dans l’enfance.

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Photo courtoisie. Photo CNC

 

D’autres causes peuvent être relevées comme les addictions (alcool et drogue) ou encore les images de violence véhiculées par les médias et les nouvelles technologies qui représentent les femmes et les jeunes filles comme des objets sexuels à la disposition des hommes. Enfin, des causes inhérentes à la société entrent également en jeu comme la tradition et les pressions sociales qui entrainent des comportements discriminatoires et qui perpétuent le statut inférieur de la femme. Cette situation « favorise les violences basées sur le genre dans la mesure où l’homme, détenteur de pouvoir et d’autorité, peut commettre des violences face à une femme qui considère l’acte comme normal.

 

De plus, le manque d’éducation lié à l’analphabétisme entretient l’infériorité du statut social de la femme face à l’homme car elle a moins de chance d’aller à l’école que ce dernier, qui en profite pour asseoir son pouvoir, d’autant plus qu’elle n’a généralement pas connaissance de ses droits.

 

Enfin, les causes les plus citées par les femmes elles-mêmes sont l’indiscipline et le non-respect des enfants.  L’étude des causes de la violence est très importante car elle peut rendre possible la prévision des risques afin de les prévenir et de les éviter.

 

 

Les conséquences des violences basées sur le genre

Les conséquences sont multiples et peuvent avoir un impact immédiat ou sur le long terme, touchant la victime mais également l’entourage. De manière immédiate, les violences entrainent des conséquences physiques et psychologiques. En effet, la violence physique peut  laisser des traces visibles indélébiles (blessures voire la mort).

 

Quant aux violences psychologiques, si les conséquences sont parfois plus difficiles à cerner, elles peuvent être à l’origine d’un psycho-traumatisme important (confusion, angoisses, troubles dépressifs, hypervigilance, insomnies, troubles de l’alimentation, etc.). Les violences psychologiques sont très destructrices, car entrainant de très graves atteintes à l’intégrité psychiques ou pouvant pousser ses victimes au suicide tout en étant difficile à prouver.

 

De plus, les jeues filles mariées ont plus de risque de subir des violences domestiques, d’être infectées par le VIH/SIDA ou de mourir de complication pendant la grossesse ou l’accouchement. La violence conjugale a des conséquences très lourdes sur la santé physique et morale des victimes et constitue un problème majeur de santé publique.

 

Cependant, la plupart des victimes ont peur et ont honte de recourir aux personnels de santé en vue d’un certificat médical, document nécessaire pour engager des poursuites judiciaires contre le conjoint-agresseur. Demander ou accepter un certificat médical signifie pour les femmes entamer la procédure judiciaire contre leur conjoint.

 

Auteurs et victimes des violences basées sur le genre

Les auteurs de VBG sont principalement des porteurs de ténues, conducteurs de moto taxis, pasteurs, groupes armés, membres de famille. 58 % des responsables des exactions sont des militaires et anciens membres des groupes armés, et 42 % sont des civils. L’on signale également des cas vraisemblablement perpétrés par des éléments des forces de maintien de la paix onusienne (casques bleus) et les forces de sécurité et de défense nationales.

La plupart des victimes des VBG sont des femmes et des filles. Dans les ménages, les femmes dont l’âge varie entre 16 et 40 ans disent subir régulièrement des violences de tout genre. Le service psycho-social de l’UMIRR (Unité mixte d’intervention rapide pour la répression des violences faites aux femmes et aux enfants) a enregistré au mois de septembre 2021, 47 cas de violences faites aux femmes dont 40 violences sexuelles faites sur mineures (moins de 18 ans).

Un autre cas qui a défrayé la chronique le 17 octobre 2021 est celui d’un colonel de la Douane, âgé de 66 ans sous ARV, habitant le 4è arrondissement de la ville de Bangui, qui a violé une dizaine de jeunes filles dont l’âge varie entre 12 et 16 ans. Le dossier suit son cours au niveau du procureur de la République.

La prise en charge des victimes 

Plusieurs organisations de la Société civile (OSC) s’intéressent aux VBG en RCA, dont l’AFJC créée le 19 juin 1992. Elle favorise l’accès à la justice de la population à travers l’assistance juridique et judiciaire. Depuis 2010, l’AFJC s’est focalisée dans la prise en charge des cas de violences sexuelles et basées sur le genre. Les consultations, l’accompagnement psychosocial, l’assistance juridiques et référencement sont assurés quotidiennement et à titre gratuit à la population (hommes, femmes et enfants) à travers les centres d’écoute et les cliniques juridiques. Mais l’expérience montre que les OSC n’ont pas les moyens écessaires pour agir efficacement.

 

Les instruments aux services des acteurs de la lutte contre les VBG

La RCA a mis en place une Stratégie Nationale de Lutte contre les Violences Sexuelles et Basées sur le Genre. Cependant, dans la pratique, ces politiques qui protègent la femme, se retrouvent fortement limitées dans leur portée, à cause de la « cohabitation » entre les règles coutumières et le droit positif qui reste méconnu et ignoré de la grande majorité de la population. Malgré la ratification de certains textes, les différentes crises et conflits dans le pays ont largement entrainé la dégradation des conditions de vie et de sécurité des femmes déjà précaire, tant en milieu urbain que rural, avec pour conséquence d’entretenir un profil genre inégalitaire en défaveur des femmes et des filles. Et pourtant, il existe plusieurs instruments juridiques nationaux et internationaux dont voici les principaux :

  • Convention pour l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard de la femme (CEDEF), 1991 ;
  • Convention pour élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme, 1979 ;
  • Protocole additionnel à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits de la femme, 2012 ;
  • Loi n°06.032 du 15 décembre 2006 relative à la protection de la femme contre les violences en RCA ;
  • Loi n°15-003 du 03 juin 2015 portant création, fonctionnement et organisation de la Cour pénale Spéciale (CPS) en RCA.

 

Il existe donc en RCA un dispositif de prise en charge qui comprend l’assistance médicale, psychosociale, socio-économique, juridique et judiciaire.

Quant à la prise en charge juridique et judiciaire, elle est dans bien des cas insuffisante et inadaptée aux victimes des VBG.

La CPS est chargée d’enquêter, d’instruire et de juger les violations graves des droits humains et les violations graves du droit international humanitaire, y compris les violences sexuelles, commis sur le territoire centrafricain depuis le 1er janvier 2003. Mais le premier inculpé, Bouba Hassan,  membre de l’UPC, qui devrait être jugé par cette instance, s’est retrouvé en liberté au grand dam des victimes qui ne savent plus à quel saint se vouer.

La réponse juridique et pénale demeure balbutiante, ainsi en sus de l’impunité dont jouissent les auteurs de violences et qui favorise la réitération de leurs exactions, les victimes/survivants ne peuvent entamer et/ou achever leur processus de rémission. Seule une réponse juridique efficace représente une étape incontournable de leur rémittence.

L’intérêt de cette tribune est d’attirer l’attention de l’opinion nationale sur la recrudescence des VBG, et d’attirer le regard du pouvoir public et des partenaires au développement sur les sérieux problèmes que rencontrent les acteurs luttant contre les VBG en RCA et voir sur quel levier agir pour améliorer la situation des acteurs pour une prise en charge holistique des victimes.

 

Dr Jean-Claude REDJEME

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