Quelles leçons tirer de l’échec du projet de révision constitutionnelle ou de changement DE constitution et du troisième mandat en Centrafrique?

Publié le 2 octobre 2022 , 8:11
Mis à jour le: 2 octobre 2022 4:34 am
Dominique Désiré ERENON
Dr. Dominique Désiré ERENON

 

 

DECLARATION DE DR DOMINIQUE DESIRE ERENON,

 

UNIVERSITAIRE-CONSTITUTIONNALISTE,

PRESIDENT DU PARTI MARCHE POUR LA DEMOCRATIE ET LE SALUT DU PEUPLE (MDSP).

 

Mes chers compatriotes,

 

Courant aout dernier, comme d’autres compatriotes, j’avais pris la parole pour démontrer techniquement d’un point de vue constitutionnel et prévenir le Président Faustin Archange TOUADERA que le projet de troisième mandat présidentiel déguisé en projet de révision constitutionnelle ou de changement de constitution que portaient certains membres de son entourage et certains dignitaires du régime MCU n’allait pas aboutir.

 

Sur ce sujet, Il y a eu des débats menés par des intellectuels, des juristes et des politiques, des débats intenses, parfois vifs et violents.

 

Le vendredi 23 septembre 2022, la Cour Constitutionnelle a jugé qu’il était impossible de procéder, dans le contexte politique actuel, à une révision de la Constitution du 30 mars 2016 ou à un changement de constitution.

 

Une nouvelle fois, observons qu’il s’agisse de la proposition de l’Honorable Brice Kakpayen ou des trois décrets, le premier relatif à la création d’une constituante, le deuxième relatif à la désignation des membres et le troisième relatif à la composition du bureau de cette constituante, on doit dire que le travail a été confié à des mains non expertes qui ont produit, comme il fallait s’y attendre, un travail mal ficelé et de qualité médiocre ; ils ont avancé sur un terrain non maitrisé.

 

Alors que bien de voix autorisées les avaient alerté de ce qu’ils allaient train  droit dans le mur et leur avaient demandé d’abandonner leur funeste, ils ont refusé d’entendre raison et ont foncé têtes baissées pour passer en force, sans doute blessées par des contradictions intellectuelles, techniques et politiques qui leur étaient portées par des résistants de la démocratie, des intellectuels, les forces vives de la nation réunies dans le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) et le G16.


Le résultat, on le connait, les porteurs et meneurs du projet viennent d’échouer devant la Cour Constitutionnelle, gardienne de la loi fondamentale de notre pays et de nos libertés face à l’autorité.

 

Je tiens à saluer, une fois encore, cette Décision N° 009/CC/22 du 22 SEPTEMBRE 2022 qui évite à notre pays toute possibilité de 3ème mandat et de présidence à vie, qui rappelle et conforte la démocratie comme forme de gouvernement à laquelle notre nation centrafricaine est attachée, comme elle l’avait déjà prouvé, en résistant jusqu’à l’effondrement de la dictature impériale en 1979.

Cette décision est historique pour notre pays et constitue un bel exemple pour bien de pays du continent confrontés à la tentation du 3ème mandat présidentiel ou de la présidence à vie. Nos juges constitutionnels, Mme la Présidente Danièle Darlan, Jean-Pierre Waboe, Georges Mathurin Ouagalet, Sylvie Naissem, Trinité Bango-Sangafio, Sylvia Pauline Yawet-kengueleoua et Martin Kongbeto Gbogoro sont entrés dans l’Histoire de notre pays.

 

Ce qui s’est passé, au sommet de l’Etat, sur le plan institutionnel et politique, depuis mai 2022, est grave et ne peut rester sans conséquences institutionnelles et politiques.


 

C’est pourquoi, il nous faut, en tant que peuple, en tant que nation, en tirer toutes les leçons pour que cela ne se reproduise plus jamais dans notre pays, plus jamais sur la belle terre de nos ancêtres, ni demain, ni plus tard quand nous ne serons plus de ce monde.

 

1ère leçon : QUAND ON GERE L’ETAT, ON DOIT S’ENTOURER DES CADRES COMPETENTS ET EXPERIMENTES.

 

Un Président de la République n’est pas omniscient. C’est pourquoi il travaille toujours avec un gouvernement et est toujours entouré d’une équipe de conseillers aux profils variés pour l’assister, le conseiller et l’aider à prendre les meilleures décisions pour le bien de la nation.

 

 

 

 

Regardez comment trois décrets signés par notre Président de la République ont été annulés le même jour ; évidemment, le Chef de l’Etat est politiquement responsable mais ses Conseillers sont tout autant fautifs de n’avoir pas su comprendre techniquement qu’il ne fallait pas laisser le Président de la République signer de tels actes réglementaires susceptibles d’annulation devant la Cour Constitutionnelle.

 

De même, observez comment le Chef de l’Etat a remplacé l’expression « souveraineté nationale » consacrée par la Constitution par « souveraineté populaire », dans le discours prononcé à l’occasion de l’installation des membres de la constituante finalement jugée inconstitutionnelle par la Cour.

 

En principe, les grands dossiers comme celui qui vient de connaître un naufrage devant la Cour Constitutionnelle ne se gèrent pas dans la rue à travers des marches fantoches. Ils doivent être préparés et traités par des conseillers, des experts, lesquels ne manquent d’ailleurs pas dans notre pays. Ce système de manipulation ou d’agitation populaire doit cesser.

 

Centrafricaines, centrafricains, ne vous laissez pas manipuler par le pouvoir et ses thuriféraires. Au contraire, si nous sortons dans la rue, défendons plutôt notre démocratie, rappelons à nos autorités que nos libertés sont inaliénables, exigeons de notre gouvernement des résultats tangibles comme le développement des infrastructures, l’amélioration des conditions de nos vies telles qu’un approvisionnement régulier en carburant, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, la santé et à la justice sociale.

 

Il appartient donc au Président TOUADERA de tirer les leçons pour constater ce déficit de compétences au sein du pouvoir et de procéder à un vrai ménage autour de lui, s’il veut produire quelques résultats pour le bien du peuple centrafricain, d’ici la fin de son dernier mandat qui s’achève le 30 mars 2026.

 

 

2ème leçon : IL FAUT RESPECTER LA DEMOCRATIE ET LES INSTITUTIONS

 

Durant les évènements provoqués par le pouvoir au sujet du projet du 3ème mandat, on a constaté trois faits majeurs :

 

Premièrement, on a vu de prétendus responsables politiques organiser et participer au siège d’une grande institution de la République, la Cour Constitutionnelle, pour tenter d’influencer la décision attendue  en proférant insultes, menaces, chantages, intimidations diverses à l’égard des juges constitutionnels. C’est un fait d’une extrême gravité et les auteurs doivent en répondre devant la justice.

 

On a aussi vu et entendu le Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale, Député de la nation, déclarer publiquement tant à la radio qu’à la télévision que le pouvoir ne respecterait pas la décision attendue de la Cour Constitutionnelle. Et paradoxalement, ce même Député et tous ceux de la majorité actuelle avaient accepté la validation de leurs élections législatives par cette même Cour Constitutionnelle.

 

 

Enfin, on a vu des soutiens du régime et des personnalités politiques de la majorité investir les réseaux sociaux, créer des avatars pour identifier et traquer les opposants politiques. Ils ont utilisé la diffamation, la haine de l’autre, le chantage, les insultes pour discréditer et jeter en pâture à la foule ceux qui ne partageaient pas leurs idées et opinions.

 

Force est donc de constater que, depuis plusieurs décennies, la politique, les fonctions politiques, même la haute fonction publique, dans notre pays, sont tenus, la plupart du temps, par des compatriotes inféodés au régime du moment, sans qu’ils disposent de profils adéquats et des compétences nécessaires. Ils sont le plus souvent nommés en raison d’appartenance clanique et partisane. La conséquence de ces nominations, c’est un personnel politique et administratif majoritairement sans culture politique, sans culture démocratique, sans conviction, sans aucun sens de la République, sans aucun sens de l’Etat.

 

On comprend mieux l’état actuel de notre pays, la déliquescence de l’Etat, l’incapacité du pouvoir, la faiblesse de l’économie, et tous les maux connus qui gangrènent notre cher beau pays.

 

3ème leçon : GOUVERNER LE PAYS, C’EST SATISFAIRE LES ATTENTES ET LES BESOINS DU PEUPLE AU LIEU DE RECHERCHER UNE PERENNITE AU POUVOIR

 

Depuis le début de son second mandat, trop occupé par la recherche d’un 3ème mandat ou d’une présidence à vie, le Président TOUADERA a oublié les engagements et les promesses de son programme politique, économique et social.

Avec ses soutiens, il n’a eu de cesse de créer des situations anxiogènes, des tensions politiques et sociales. Quel gâchis ! Que de temps perdu !

 

Maintenant, il appartient au Président de la République, Chef de l’Etat, de tourner cette page, de chercher l’apaisement et le compromis pour terminer son dernier mandat, dans le respect de son programme visant au relèvement du pays, et comme il l’avait promis, à « la transformation de la RCA pour jeter ainsi les bases d’une prospérité partagée et inclusive ».

 

Aujourd’hui, les centrafricains se posent la question de savoir : « qu’est devenu le candidat des pauvres de 2016 ? ». Aujourd’hui, le peuple centrafricain attend du Président Touadera une politique résolument ancrée dans les perspectives du développement et la réalisation des objectifs essentiels : les infrastructures, la relance de l’agriculture et des cultures de rente, la transformation des productions et des matières premières, les NTIC et les métiers du numérique, le retour à l’emploi, la réhabilitation de l’université et la construction d’une deuxième université.

 

4ème leçon : RESPECTER L’AUTORITE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET RENOUER LE DIALOGUE POLITIQUE

 

Les débats qui ont eu lieu sur le projet du 3ème mandat jugé impossible par la Cour Constitutionnelle n’ont pas manqué de créer dans le pays beaucoup de tensions sociales et politiques. Malgré la décision de la Cour, on n’a pas eu la déclaration du Président mais celle du Porte –parole du gouvernement qui fait savoir que le gouvernement avait pris acte de la décision de la Cour.

On voit par ailleurs que les soutiens du Président ont signé le lundi 26 septembre une pétition adressée au Chef de l’Etat pour qu’il engage une procédure référendaire par la collecte de signatures dans les provinces afin de légitimer le référendum. Il apparait donc clairement que la décision de la Cour n’est pas acceptée par le régime.

 

Plutôt de poursuivre une « GUERILLA CONSTITUTIONNELLE », je demande au Président Faustin Archange TOUADERA :

  1. De s’adresser à la nation  et de prendre acte de la Décision de la Cour Constitutionnelle du 23 septembre 2022, de dire qu’il renonce au projet de 3ème mandat présidentiel, d’instruire ses partisans et soutiens à cesser leurs vils agissements tels que menaces, intimidations et violences, instrumentalisation de la rue ;
  2. De renouer le dialogue avec les forces vives de la nation pour décrisper le climat sociopolitique ;
  3. De se concentrer sur la mise en œuvre du programme politique de son dernier mandat ;

 

Centrafricaines, centrafricains, je compte sur vous pour porter la voix de la raison et pour contribuer au maintien de la démocratie et de la concorde nationale.

 

Vive notre cher et beau pays, la RCA, terre que nos ancêtres nous ont léguée et que nous devons léguer à nos enfants en bon état.

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