La mal gouvernance gagne du terrain en RCA : la société civile doit se réveiller

Publié le 17 septembre 2014 , 10:05
Mis à jour le: 17 septembre 2014 10:05 pm

Corbeau News Centrafrique.

Sanba-Panza et Jean Jacques Demafouth
Malgré les progrès réalisés en matière de la démocratie depuis l’avènement du concept politique universel en 1990 suite à la conférence de Baule, la république centrafricaine est classée aujourd’hui parmi les pays les plus effondrés d’Afrique par les coups d’Etat et la rébellion dont la mal gouvernance en est la cause. Plus de deux décennies, les crises militaro-politiques ont remis en cause le bon fonctionnement des institutions républicaines et causé une situation humanitaire et sécuritaire gravement dégradante qui attire une attention particulière de la communauté internationale et des ONG humanitaires et des droits de l’homme dans le monde.
Les crises récurrentes ont occasionné l’expansion de la corruption depuis l’an 2000 et le détournement des deniers publics par certains dignitaires véreux des régimes successifs et fonctionnaires sans scrupule. Les contrôles répétitifs au niveau de la fonction publique et l’annonce de la déclaration des biens des ministres avant la prise de leur fonction n’étaient toujours que de la tromperie populaire.
Un programme gouvernemental voué d’office à l’échec puisque les membres du gouvernement pour la plupart sont nommés par appartenance partisane ou clanique et chacun se dit couvert par l’immunité gouvernementale. Une fois assise ou assis sur son fauteuil ministériel et/ou présidentiel au palais de la Renaissance et à la primature, on se voit propriétaire attitré des biens de l’Etat. On se permet de faire tout à sa tête, de gérer les fonds de l’Etat comme on gère sa propre poche. Pour qu’il y ait une visibilité et la parfaite santé de la relance macro-économique après la crise, il nous faut une juridiction spéciale mixte pour des crimes économiques.
De cette mal gouvernance tant décriée par les médias centrafricains et les institutions internationales de Bretton Woods qui imposent à chaque mission d’évaluation aux autorités du pays des mesures rigoureuses dans le but d’assainir les régies financières et des conditionnalités avant de pouvoir bénéficier d’une bouffée d’oxygène, il en découle un bras de fer entre les caciques du pouvoir en place qui veulent mener le bateau comme bon leur semble et les envoyés spéciaux.
Cette contre-mesure, le plus souvent ne se manifeste qu’à l’absence de la délégation. En fin de séjour à Bangui, dès que les experts du FMI et BM prennent le vol, c’est le retour au système de gestion à la libanaise.On en a vu les démonstrations de rapport de force sous le régime BOZIZE où certains ministres ont pillé l’Etat à outrance sans être punis. D’autres très zélés, se permettent de contrecarrer le processus d’assainissement des institutions financières internationales. A priori, le système anarchique s’est trop développé, de manière sauvage et criminel sous le règne de Michel DJOTODIA où les diamants centrafricains sont déclarés de guerre au processus de Kimberley qui suspend la RCA de l’ITIE. Les détournements des deniers publics, les pillages systématiques et vols des paisibles citoyens, je crois, étaient souvent les sujets à l’ordre du jour du conseil des ministres de Michel DJOTODIA qui a mis le pays dans le chaos total. Puisque les bavures ont parlé et pleuré le peuple centrafricain.
Les ministres de BOZIZE et de DJOTODIA, par leur boulimie à la tête de plusieurs départements ministériels, se sont illicitement enrichis comme des sauterelles qui détruisent les champs de maïs. Des sommes faramineuses sont placées dans des paradis fiscaux et des villas rachetées en Europe et en Afrique du sud sans que ces derniers puissent être poursuivis par la justice centrafricaine ou internationale. Pour le moins qu’on puisse dire, les crimes économiques commis par cette bande de commis de l’Etat non armés pour l’autre camp par rapport aux zoros de DJOTODIA, sont énormes et méritent une poursuite judiciaire et gèle des comptes à restituer à l’Etat centrafricain qui est appauvri par les multiples crises politico-militaires dont les deux leaders en sont les principaux responsables. La RCA a besoin nécessairement de ces fonds volés pour sa relance économique.  
 
Une anecdote qui va certes intéresser les compatriotes à la recherche de l’excellence et de la bonne gouvernance dans la gestion transparente de la chose publique. Je l’évoque tout simplement parce que j’ai été témoin. Cela fait partie de l’histoire de notre pays et vous verrez comment l’Etat a été toujours très mal géré par nos gouvernants, comment les médias centrafricains, particulièrement la presse privée indépendante joue son rôle de chien de garde et baromètre de la démocratie. En effet, il était aux environs de 11 heures quand le protocole de la présidence de la République nous a fait entrer dans la salle où se tiennent les conseils des ministres. On était sept (7) directeurs de publication, le directeur de la télévision et celui de la radio centrafricaine, avec, comme chef de la délégation média, Macka GBOSSOKOTTO, président de l’Union des Journalistes Centrafricains, directeur de la publication du quotidien le citoyen. Convoqués par le président François BOZIZE pour prendre part également à ce conseil inédit des ministres ou du moins en être observateurs, le Conseil National de Transition présidé par Me Nicolas TIANGAYE, les membres du bureau de la Cour des Comptes et membres de quelques institutions républicaines de l’Etat. Il y avait crise et bras de fer entre le président de la République et son Chef du gouvernement de l’époque, le Pr Abel GOUMBA, paix à son âme. Donc, après le bradage de la SOGESCA et d’autres sociétés d’Etat par le gouvernement, l’exécutif se trouvait face à l’éternel problème qui est celui de payer les fonctionnaires et agents de l’Etat à terme échu. Les caisses du Trésor public étaient vides. Le régime était bel et bien aux abois à telle enseigne qu’on était au bord de l’explosion. La première transition évoluait péniblement. Tantôt le bras de fer se produisait entre BOZIZE et TIANGAYE qui était à la tête du parlement de transition.
En ouvrant ce débat ministériel, le président BOZIZE, visage tendu et nerveux ce jour, a refusé de donner la parole au Premier ministre. Il avait plutôt ordonné au ministre des Finances de l’époque, M. LIBOUDER si je ne me trompe pas, d’en faire le point, suivi des interventions d’autres ministres qui avaient pris la parole et les présidents des institutions. Dans leurs interventions, les présidents des institutions présentes ont déclaré chacun qu’ils sont là en observateurs et non pour trancher.
Après avoir fait le tour de la luxueuse table de discussion, le président BOZIZE s’est tourné vers la délégation de la presse et nous regardait avec un œil interrogatoire. Le ministre chargé de la Communication de l’époque était M. Parfait MBAY qui nous fixait. François BOZIZE posait sa question en ces termes, je cite : Et la presse qui tirait à boulet rouge contre nous, vous ne parlez pas ? L’homme à la barbe…Il s’adressa au président GBOSSOKOTTO qui hésitait. J’étais à sa droite et je lui touchais au pied pour qu’il parle en sa qualité de président de l’Union. En prenant la parole, le président de l’Union des Journalistes Centrafricains n’a pas mâché les mots comme dans ses habitudes devant les premières personnalités du pays. Avait-il déclaré ouvertement que « monsieur le président, ce qu’on vous reproche aujourd’hui et à votre gouvernement, c’est ce qu’on a reproché hier au président Patassé et son gouvernement ; c’est-à-dire, la gabegie, les détournements des deniers publics, la gestion opaque de la chose publique, la prédation instaurée en système d’Etat ». Après la conclusion du président des journalistes qui remercie BOZIZE et les membres du gouvernement, le président BOZIZE, toujours furieux, a repris la parole pour déclarer: la séance est levée. La tension a monté d’un cran ce jour.
Les témoins de l’histoire, vous vous souviendriez avec moi qu’après tout ce mal entendu au niveau de la sommité de l’Etat il n’y a jamais eu une bonne solidarité gouvernementale jusqu’au limogeage du Pr Abel GOUMBA et la descente musclée des éléments de la garde présidentielle au domicile de l’ex Premier ministre pour récupérer de force tout ce qui appartient à l’Etat et qu’il en a fait usage durant le temps passé à la primature en sa qualité de Chef du gouvernement. Avant de perdre le pouvoir, François BOZIZE avait instauré le système de l’unicité des caisses de l’Etat et il en est le président du comité de gestion, avec un programme de réunion hebdomadaire chaque jeudi. Toutes les recettes journalières des sociétés d’Etat et paraétatiques sont versées sur un seul compte et il en détient la clé de la caisse. La suite, vous le savez. Ces sociétés ont eu trop de mal pour fonctionner même pour payer les fonctionnaires et agents de l’Etat, les pensionnaires à la retraite. Au finish, François BOZIZE est parti avec tous les milliards de l’Etat qu’il a encaissé. Conséquence du monolithisme et la gestion au sens unique des fonds de l’Etat.
En effet, suite aux changements de pouvoir à la tête de l’Etat centrafricain, le régime SAMBA-PANZA en fait une bonne illustration de la mal gouvernance. En huit mois seulement de régime de transition à la tête du pays, les affaires de détournements des pierres précieuses et fonds de l’Etat ou dettes allouées par les pays amis à la République centrafricaine ont fait des choux gras. Catherine SAMBA-PANZA et son gouvernement épinglés pour ce barbarisme économique et financier ont des comptes à rendre à la population centrafricaine sacrifiée par les hommes politiques si la société civile prend sa responsabilité pour engager une procédure judiciaire pour détournement des biens et fonds publics.
La cessation des activités du Fonds Monétaire International (FMI) dans un pays comme la République centrafricaine qui traverse un moment très difficile de son histoire pour doute de probité et efficacité du gouvernement SAMBA-PANZA est un problème extrêmement grave puisqu’il n’y aura plus de contrôle des régies financières telles que la douane, les impôts et le Trésor public. Outre les dénonciations dans la presse et médias sociaux, la société civile centrafricaine doit réagir vite pour stopper l’hémorragie.
Apparemment, Catherine SAMBA-PANZA veut montrer à la communauté internationale qu’elle gère bien la transition mais elle a l’esprit ailleurs. La nouvelle locatrice du palais de Renaissance en cette période de transition pense plutôt à sa retraite en fin de mission de la transition. Raison pour laquelle, je crois, la présidente a préféré un premier ministre de son choix que celui de la communauté internationale, principal bailleur de fonds de ce  régime de transition. Nul observateur de la vie politique nationale ne peut ignorer non plus que Mahamat KAMOUN faisait partie de ceux qui ont géré le guichet unique installé à Douala sur le territoire camerounais et qui a fait l’objet des critiques sévères des leaders de l’opposition et surtout la presse sous le régime BOZIZE, après son passage au Trésor public. La suite, c’était le chaos. De surcroît, la présidente SAMBA-PANZA effectue trop de voyages à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays où les populations sont terrorisées par les éléments de Séléka et d’Antibalaka. En politique, si l’on est excellent voleur de deniers publics, on ne peut que conjuguer avec des excellents prédateurs. Et c’est ce qui s’était passé sous les régimes BOZIZE et DJOTODIA, et qui continue de faire les vagues sous le régime SAMBA-PANZA qui, selon les informations n’a fait que deux voyages dans l’arrière-pays depuis qu’elle occupe le fauteuil présidentiel, alors que la crise humanitaire et sécuritaire est aigue.  
Comment peut-on alors contrôler une régie financière qu’est la douane centrafricaine, dont la direction générale est assurée par la compagne du premier ministre Mahamat KAMOUN, Mme Rachel NGAKOLA, amie à Catherine SAMBA-PANZA la présidente de la transition? L’opacité est bel et bien de mise et nul ne peut démontrer le contraire pour convaincre l’opinion nationale et internationale. Pour preuve, l’affaire de disparition des diamants de 900 carats à la présidence de la République qui a débouché à une décision présidentielle de limogeage de l’ancien ministre des mines, Olivier MALIBANGA, n’est pas élucidée jusqu’aujourd’hui au peuple centrafricain qui meurt de la famine, manque des soins dans les hôpitaux et qui de surcroît, la majorité a fui les exactions des séléka et antibalaka, vivant en brousse à la merci des bêtes sauvages, et une bonne partie en exil.

A peine arrivé à la tête du gouvernement, le premier ministre Mahamat KAMOUN, spécialiste de ces opérations frauduleuses a fait la transaction du don angolais d’un montant de 10 millions de dollar avec un taux exorbitant de 400 millions de fcfa, équivalent de 810 mille dollars. Le restant des 3 milliards déposés au Trésor public serait évaporé dans la nature. Cependant, les fonctionnaires et agents de l’Etat ne sont pas payés. C’est ainsi le système atypique de mode de gestion du pays de zo kwè zo de Barthelémy BOGANGA le fondateur de la république, où chaque arriviste parachuté à la sommité de l’Etat, gère le pays comme le champ de manioc de son papa.

journaliste politique et culturel
             Journaliste politique et culturel.                     Directeur du Journal Globe le Visionnaire

 

Pierre INZA

Aucun article à afficher