CENTRAFRIQUE : UNE JUSTICE AUX ORDRES DU POUVOIR PEUT-ELLE RÉGULER LA VIE POLITIQUE DE FAÇON ÉQUITABLE ?

Publié le 6 février 2022 , 7:00
Mis à jour le: 5 février 2022 12:22 pm

 

Bangui, 5  février 2022 (Corbeaunews – Centrafrique ) – Dans une société organisée et hiérarchisée, la justice comme institution républicaine dotée d’une indépendance non négociable est chargée de manière basique de faire respecter la réglementation en vigueur afin de rendre harmonieuse la vie en société.

les magistrats de la cour pénale spéciale à Bangui
Les magistrats de la Cour Pénale spéciale. (CPS).

 

C’est ainsi que dans le cadre des poursuites judiciaires engagées contre l’ancien président de la république, président de la Coalition Patriotique pour le Changement (CPC) et ses acolytes pour atteinte à la sûreté intérieure de l’état, complot etc…le procureur de la république près le tribunal de grande instance de Bangui avait par le passé demandé au président de l’assemblée nationale la levée d’immunité de trois (3) parlementaires de l’opposition démocratique afin que le juge d’instruction puisse les auditionner à charge ou décharge. Ainsi, il apparaît important à ce niveau de rappeler que le procureur avait adressé cette demande de levée de l’immunité à l’assemblée nationale sur la base d’une ordonnance du juge d’instruction qui a jugé utile leur audition pour la manifestation de la vérité. Révoltés par cet acte judiciaire qualifié d’acharnements politiques, ajouté précédemment à l’interdiction de sortie du territoire national où le tribunal administratif a émis un avis contraire, les leaders de l’opposition démocratique ont boycotté les travaux préparatoires du dialogue politique en retirant leurs représentants respectifs. Étouffé ou asphyxié par la décélération des partenaires au développement qui conditionnent tous les financements à la tenue du dialogue politique, le pouvoir de Bangui instruit insidieusement le parquet général via sa hiérarchie qui, par une lettre d’information au président de l’assemblée nationale confirme « qu’aucune charge n’a été retenue contre les parlementaires susvisés et par voie de conséquence la précédente demande de levée de l’immunité est sans objet ».

Force est de constater qu’en dehors des causes légales d’extinction de l’action publique (décès du présumé coupable, retrait de la plainte, le délai de prescription, l’abrogation de la loi pénale, l’amnistie, l’autorité de la chose jugée etc…aucun principe juridique n’a été évoqué pour justifier l’abandon de la procédure. Devant cet imbroglio politico-judiciaire où le politique tient la justice en état, le citoyen lambda un peu bouleversé s’interroge :

La décision d’abandon de la procédure est-elle politique ou judiciaire ?

Quels sont les griefs juridiques et légitimes qui justifient l’abandon de cette procédure ?

Le parquet qui représente les « juges debout »peut-il annuler les effets d’une ordonnance délivrée par un juge d’instruction qui représente les « juge de siège » ?

Ce volte-face ou rétropédalage du pouvoir ne jette t-il pas un trouble ou un doute sur l’indépendance réelle de la justice corollaire de la notion de séparation de pouvoir ?

Au delà du fait qu’on ne doute pas du professionnalisme des magistrats, la justice est-elle à la botte du pouvoir ?

En d’autres termes, la justice est-elle manipulée pour régler des comptes, combattre, brimer ou affaiblir les opposants au pouvoir ?

Fort de ce constat, la justice sentinelle de la démocratie n’est-elle pas en danger ?

En tout état de cause, loin d’être une décision de justice, l’acte signé par le premier substitut du  procureur de la république est une victoire politique de l’opposition démocratique couronnée par l’affaiblissement graduel d’un pouvoir mal élu qui fera jurisprudence (cas d’école). En vérité et après lecture synoptique de la manœuvre, la procédure de levée de l’immunité des parlementaires n’était qu’une procédure biaisée de destitution des députés.

Dorénavant et pour les besoins de la cause, la justice centrafricaine doit être imperméable aux influences politiques et/ou extérieures afin de garantir une justice équitable à tous les citoyens…ainsi, quand le pouvoir tousse ou éternue, la justice ne doit pas s’enrhumer.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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