Centrafrique: Sénégal : Jambaars et opération « Restaurer l’Espoir » Les véritables raisons d’un déploiement !

Publié le 11 mai 2015 , 11:10
Mis à jour le: 11 mai 2015 11:10 am

(Corbeau News Centrafrique)

senegal 1

 

Sénégal : Jambaars et opération « Restaurer l’Espoir »

Les véritables raisons d’un déploiement !

 

Bangui, (N.P), 11-05-2015

Quand nous avions révélé en exclusivité l’envoi de 2.000 « jambaars » en Arabie Saoudite, certains observateurs s’étaient embourbés dans le scepticisme. Ils ne doutaient pas de l’information, encore moins du principe d’un envoi programmé, mais plutôt de l’importance de l’effectif qui devait être déployé, presque l’équivalent d’un régiment. Donc si, aujourd’hui, nous revenons à la charge pour dire les véritables raisons de cet envoi de soldats en Arabie Saoudite, il y a de quoi nous croire. Et mieux, comprendre la situation géopolitique qui a poussé l’Arabie saoudite à intervenir militairement au Yémen voisin jusqu’à enrôler dans sa cause l’Armée sénégalaise…
Au lendemain du jour où l’Arabie saoudite a porté le combat des sunnites pour tenter de rétablir l’ordre constitutionnel au Yémen, nombreux sont les observateurs qui n’en revenaient pas ! Surtout s’agissant de deux pays, à savoir l’Arabie Saoudite et le Yémen qui, jusqu’à la dernière crise en date, étaient des frères ennemis jurés. L’adversité étant dans cette région la pratique la mieux partagée. Et surtout lorsque les enjeux sont d’ordres financier et « spirituel ». Pour comprendre la haine que se vouent traditionnellement les dirigeants du Yémen, on peut citer l’exemple du Sénégal et de la Gambie, deux pays frères ayant en partage un sentiment d’animosité réciproque même si Dakar prend toujours de la hauteur diplomatique pour anéantir toute velléité militaire de nature à saper les relations de bon voisinage entre deux pays que tout devrait unir même si le colonisateur les a séparés. Une proximité géopolitique qui fait que, malgré cette animosité, le Sénégal ne saurait jamais tolérer, par exemple, qu’un chef rebelle comme Salif Sadio renverse le régime de Yaya Jammeh pour prendre le pouvoir en Gambie. Car un régime Mdfc à la tête de ce pays encastré à l’intérieur du territoire national serait une menace pour les intérêts vitaux de notre pays. C’est aussi simple que cela. Des rebelles à Banjul pourraient menacer Karang et Kaolack au même titre que les combattants houtis du Yémen le seraient pour La Mecque ou « Taif » en Arabie Saoudite. Nous sommes persuadés que si une telle occurrence survenait, le président Macky Sall n’hésiterait pas à envoyer ses « Jambaars » pour sauver le régime de Yaya Jammeh comme le fit jadis son lointain prédécesseur, le président Abdou Diouf, qui déclencha en 1981 l’opération « Fodé Kaba » qui vit l’armée sénégalaise intervenir pour chasser les rebelles de Kukoï Samba Sanyang du pouvoir et rétablir l’autorité du président Daouda Diawara, légitimement élu, qu’ils avaient renversé. Justement, c’est à peu près le même cas qui se pose pour l’Arabie Saoudite au Yémen où des rebelles chiites, soutenus et armés par l’Iran, souhaitent obtenir une plus grande autonomie au sein de la province du Saada. Or, l’Arabie Saoudite voit d’un très mauvais œil l’avancée des milices chiites tout en redoutant l’installation d’un pouvoir pro-iranien à sa frontière sud. Un cadre sénégalais de l’ONU qui vient de rentrer de Sanaa, au Yémen, a d’ailleurs nous a confié ceci « Je fais partie des derniers cadres onusiens évacués de Yémen où les chiites contrôlent presque la totalité du pays. Et si la communauté internationale ne réagit pas, je suis convaincu que les islamistes chiites vont marcher sur Taif, pourquoi pas La Mecque dont ils ont toujours revendiqué la propriété. Car la majorité des populations et commerçants qui s’activent à La Mecque est d’origine yéménite » nous explique cet ancien officier de l’armée sénégalaise en service dans le système des Nations-Unies. De tout temps, l’Arabie saoudite et le Yémen ont entretenu des relations heurtées. Mais aujourd’hui, une « alliance contre nature » unit les régimes de ces deux ex-frères ennemis pour lutter contre la menace de Téhéran. Face au renversement du président Mansour Abd Rabbo par les rebelles houtis, l’Arabie saoudite ne pouvait donc pas rester sans réagir, surtout face à des milices chiites puissamment armées et déterminées à faire le gendarme de cette sous-région. Pour la petite histoire, l’intervention des soldats américains lors de la guerre du Golfe a provoqué la naissance d’Al-Qaïda du fait que Ben Laden n’a jamais digéré que des chrétiens foulent le sol des Lieux SaintsEt pour éviter la naissance d’autres groupes terroristes, les Etats-Unis, en concertation avec l’Arabie Saoudite ont préféré, cette fois-ci, s’abstenir de s’engager militairement. Le président Barack Obama se contente donc d’appuyer la coalition arabe et soutenir l’opération « Tempête décisive » rebaptisée « Restaurer l’Espoir » à la fin de sa première phase. Et comme les armées japonaises, françaises et américaines ne soutiennent la coalition contre le Yémen que de manière souterraine, l’Arabie Saoudite a fait appel aux armées des pays musulmans ou sunnites dont le Sénégal, le Tchad, le Maroc, l’Egypte, la Mauritanie etc. pour soutenir l’effort de la coalition qu’elle a constituée pour intervenir au Yémen. Dirigeant un pays à majorité musulmane doté d’une armée à caractère « sunnite », bien quelle soit officiellement laïque, le président Macky Sall ne pouvait nullement rester sourd au cri de détresse du royaume saoudien. Surtout lorsqu’il s’agit de déployer les « Jambaars » le long de la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen mais aussi de protéger les Lieux saints de La Mecque.

Sénégal : Allez les « Jambaars », partez !

En 55 ans d’existence, l’Armée nationale est une exception glorieuse en Afrique, c’est-à-dire dans un continent où les forces armées se distinguent beaucoup plus par des coups d’Etat militaires et des rebellions que par leur héroïsme dans la défense de l’intégrité des territoires dont ils ont la charge. Car si l’Afrique ne manque pas d’armes et de bandes armées, elle regorge surtout d’armées indisciplinées et martyrisant les populations qu’elles sont censées protéger. Quant à se mettre au service de la communauté internationale, il ne faut surtout pas y penser. De ce point de vue, l’Armée sénégalaise, qui regorge d’officiers brillants et vaillants ainsi que de soldats bien formés, constitue en quelque sorte l’exception qui confirme la règle de la politisation ou de la dérive maffieuse des autres forces de défense du continent. De valeureux et brillants officiers qui ne rêvent pas de s’emparer du pouvoir exécutif, à fortiori s’y maintenir.
Au contraire, notre Armée nationale est née dans le berceau de la loyauté avant de grandir dans la caserne de la discipline républicaine et de la fidélité constitutionnelle. Le courage a fait le reste comme l’indique bien le nom que la population lui a donné : Armée des Jambaars ! Ce qui fait que, sur tous les théâtres d’opérations du monde, le beau drapeau à l’effigie « Jambaars » flotte au vent de l’honneur pour défendre la paix partout où elle est menacée, bafouée. Mais notre armée n’est pas brave seulement sur les champs de bataille puisque le premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, avait fait en même temps de notre Armée une institution de développement. D’où la faste époque du Génie militaire qui construisait des routes, des écoles, des ponts et des aérodromes dans les localités les plus reculées et les plus enclavées du Sénégal. Ensuite, il y a eu les années Abdou Diouf avec le concept « Armée Nation », autre variante de l’Armée du développement, où les militaires ont continué à œuvrer dans le social et la santé. Quant au président Abdoulaye Wade, dès son accession à la souveraineté internationale, il avait remis en cause la neutralité et l’impartialité des forces armées dans la vie démocratique nationale. Estimant que si les militaires ne s’exprimaient pas par la voie des urnes, ils pourraient se faire entendre par le langage des armes, il leur a octroyé le droit de vote. Ainsi est né sous la première alternance, un concept tout spécial dénommé « Armée et démocratie ». Un concept qui s’adapte bien aux réalités du monde même si le président Abdoulaye Wade avait semblé avoir oublié que l’Armée sénégalaise n’était pas issue du même moule que les forces armées soeurs du Mali, de la Guinée-Bissau, de la Gambie ou de la Mauritanie. Quant à son successeur, le président Macky Sall, chef suprême des Armées, alors qu’il n’a pas encore bouclé son premier mandat, il a déjà réussi à moderniser notre Armée de manière fulgurante. En effet, aussi bien sur le plan social qu’au niveau logistique ou opérationnel, les investissements sont tellement lourds que les militaires ont inventé un néologisme pour désigner notre Grande muette qu’ils appellent désormais « Armée émergente ».

Quatre chefs d’Etat, quatre concepts différents et un dénominateur commun pour ne pas dire une constante : « Jambaar » (courage). « Jambaar », une appellation qui ne procède pas du hasard puisque le Sénégal n’a jamais eu une armée placée sous une politique de cantonnement. Depuis 1960, l’armée sénégalaise connue pour son professionnalisme et sa compétence, s’est déployée dans plus de 50 théâtres d’opération sous la bannière des Nations Unies, de l’Ecomog, ou de l’es-OUA (aujourd’hui, Union africaine). De la République démocratique du Congo ex-Zaïre au Liban en passant par le Rwanda, le Libéria, la Centrafrique, le Tchad, le Koweït, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Mali, le Soudan etc., partout nos « Jambaars » ont répondu présent. Une armée de métier qui a toujours fait valoir son savoir-vaincre en répondant aux menaces des temps modernes : rébellions, coups d’Etat et terrorisme. Et de quelle belle manière !

Armée de cantonnement ou Armée de guerre ?

L’exemple de la périlleuse intervention à Kolwezi illustre parfaitement cette aptitude opérationnelle de notre Armée. Projeté en 1978 à plus de 5.000 km de sa base, précisément en République démocratique du Congo, le bataillon des parachutistes a été remarqué et admiré dans tous les domaines pour avoir accompli sa mission avec succès dans un environnement extrêmement difficile et hostile. Preuve, s’il en était besoin, que l’Armée sénégalaise est toujours prête à intervenir partout et dans n’importe quelles circonstances. A cet effet, le Yémen ou Arabie Saoudite ne doit pas faire peur à nos forces, surtout qu’elles ont déjà eu à intervenir dans la même région et le même environnement, face à des forces autrement plus redoutables que les rebelles houtis du Yémen, c’est-à-dire en Arabie Saoudite menacée par les troupes de Saddam Hussein occupant le Koweït ! Mieux, le Sénégal a une vraie armée de guerre, et non une armée repoussoir, de cantonnement où les soldats sont confinés et domestiqués dans les casernes. Et n’opèrent que pour repousser des…braconniers. Et le fait d’être la seule armée (noire) au sud du Sahara appelée à rejoindre la coalition arabe « Restaurer l’Espoir », atteste tout le respect que la communauté internationale militaire porte aux « Jambaars ». Que ça soit une « Tempête décisive », « Tempête sanguinaire » ou « Tempête pécuniaire », l’essentiel c’est qu’en dehors de leur vocation première de défense de l’intégrité du territoire national, nos « Jambaars » se font toujours une santé financière à travers les opérations extérieures (Opex). Imaginez seulement si chaque soldat rentre de Riyad avec une indemnité de 5 millions fcfa ce que ça ferait comme rentrée de devises dans notre pays. Si nous savons bien calculer, cela ferait plus de 10 milliards fcfa, ce qui n’est pas rien dans le contexte économique de notre pays.
Par conséquent, il n’y a pas à hésiter. Au contraire même, il faut sonner l’alerte : Allez les « Jambaars », partez !

Pape ndiaye
« Le Témoin » quotidien sénégalais

 

 

Aucun article à afficher