CENTRAFRIQUE : PROBLÉMATIQUE D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE, MODE D’EMPLOI

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PROBLÉMATIQUE D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE, MODE D’EMPLOI

 

CENTRAFRIQUE : PROBLÉMATIQUE D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE, MODE D'EMPLOI
Simplice Mathieu Sarandji

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 L’assemblée nationale centrafricaine est constituée de députés élus au suffrage universel direct d’abord pour voter les lois d’initiative parlementaire ou gouvernementale, ensuite de contrôler les actions, la gestion du pouvoir exécutif et enfin d’évaluer anteriori ou à posteriori les impacts des politiques publiques.

 

Au début de chaque législature et après l’élection du bureau, l’assemblée nationale procède à la mise en place de huit commissions permanentes et spécialisées comprenant au moins dix sept députés représentatifs de la configuration politique de la dite institution.

Parallèlement à ces commissions permanentes, les articles 27 et 28 de la loi organique N*17.011 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur de l’assemblée nationale donne une base légale à l’assemblée nationale de mettre en place des commissions d’enquêtes parlementaires dont l’objet, la durée et la composition doivent être précisés expressément.

 

Cette commission ad’hoc d’enquête est le corollaire du droit de contrôle parlementaire de l’action gouvernementale.

C’est dans le cadre de ce pouvoir régalien qu’après la vaine sommation adressée au chef du gouvernement par voie de communiqué réclamant le limogeage du ministre de la jeunesse et des sports dans une autre affaire, l’institution du peuple change de stratégie et met en place en guise de représailles une commission d’enquête parlementaire pour statuer sur la lointaine réhabilitation chaotique du complexe sportif Barthélémy Boganda non homologué par la confédération africaine de football.

 

Cette démarche est matérialisée par l’arrêté du président de l’assemblée nationale du 02 juin 2025 mettant en place une commission d’enquête.

Cette commission d’enquête a le pouvoir de statuer sur les faits, la gestion administrative, financière, technique, la gestion d’une crise comme le covid, des grands scandales des questions de société et même demander à la cour des comptes des éléments sur la gestion des services de l’État ainsi que des entreprises nationales.

Il apparaît important de souligner que la mission des commissions d’enquête parlementaire consiste à collecter des informations, à faire des investigations et à acceder à tout dossier à l’exception de ceux qui revêtent un caractère hautement sensible ou secret.

 

Il faut également noter qu’au regard du respect du principe de la séparation de pouvoirs, aucune enquête parlementaire n’est envisageable s’il existe une procédure judiciaire en cours sur le même dossier.

En guise de garantie d’efficacité, la loi dote les commissions d’enquête d’importants pouvoir à savoir l’obligation de répondre à leur convocation, l’audition publique ou à huis clos selon les cas et enfin l’audition sous serment.

La non observation de ces trois conditions peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires conformément aux dispositions pénales.

 

Loin de s’ériger en juridiction et dans le respect du principe d’independance de l’autorité judiciaire, la commission d’enquête parlementaire débouche généralement sur des recommandations et parfois des propositions de lois visant à remédier les insuffisances de la législation constatées lors des investigations.

Par contre en cas de découverte des faits délictueux lors des différentes investigations, elle saisit le ministre de la justice ou le procureur de la République pour donner une suite judiciaire.

Enfin tout le rapport sera remis au président de l’assemblée nationale qui le soumettra à la plénière pour adoption.

 

Au regard du tableau synoptique d’une commission d’enquête parlementaire et se référant au cas de l’espèce, le citoyen lambda s’interroge :

1- Pourquoi les commissions d’enquêtes parlementaires sont aussi rares nonobstant la multiplication des scandales de gestion ?

2- Les commissions d’enquête parlementaires sont-elles des instruments politiques pour régler les comptes des adversaires politiques ?

3- Au regard du principe de séparation de pouvoirs, la commission d’enquête constitue t-elle une ingérence parlementaire dans les affaires du pouvoir exécutif ?

4- Quand le président de la République, le premier ministre et le président de l’assemblée nationale sont tous issus du même parti politique, cette situation serait-elle à l’origine de l’inefficacité de la commission d’enquête parlementaire ?

5- En conséquence de ce qui précède et comparativement à un juge instructeur, les membres de la commission d’enquête ont-ils les pouvoirs et les moyens necessaires pour faciliter leurs investigations ?

6- De nos jours et sous ce régime despotique, les commissions d’enquêtes parlementaires servent-elles encore à quelques choses ?

En tout état de cause et étant un outil de contrôle de l’action gouvernementale dans la transparence démocratique, la mise en œuvre de cette arme parlementaire est limitée dans la pratique pour manque d’independance politique car la majorité de ses membres sont issus du pouvoir de Bangui.

Il faut noter que certaines institutions ou personnalités comme dans le cas de l’espèce refusent de cooperer avec la commission.

A cela s’ajoutent le manque de suivi des rapports ou l’absence de publication.

Au delà des accusations d’être instrumentalisé à des fins politiques et à défaut de solliciter les services des experts, il faut noter aussi l’incompétence criarde des parlementaires en matière d’enquête dans les domaines techniques divers et variés.

Enfin, en cas de découverte des faits délictueux, les autorités sont incapables de poursuivre les responsables devant les tribunaux compétents.

Pour finir et en référence au cas de l’espèce où le ministre de la jeunesse et des sports veut en découdre avec les parlementaires parce qu’il est un soutien influent du président de la République, nous leur rappelons que les conclusions de la commission d’enquête parlementaire peut mettre la pression sur le gouvernement sous menace de la motion de censure afin d’obtenir le limogeage du ministre récalcitrant.

 

L’affront entre les parlementaires et le ministre fervent soutien du président de la République est tellement perceptible que l’opinion publique nationale a hâte de connaître l’issue.

Nous rappelons in fine qu’il faut se méfier d’un peuple apeuré qui ne parle pas…car un problème ne peut résoudre un autre problème et qu’un problème peut en cacher un autre.

L’expérience de l’Afrique sub-saharienne montre que le troisième mandat tue plus qu’un coup d’état militaire.

En déduction de ce qui précède, demandez à un citoyen lambda de faire le choix entre un troisième mandat et un coup d’état militaire…son choix sera simple et sans réflexion.

On ne répétera jamais assez ce credo devenu liturgique et nous exhorterons le nouveau souverain pontife qui prônait la paix dans sa première homélie papale de rappeler à ce pasteur devenu despote le caractère sacré du serment, de la parole donnée et le respect des textes établis.

 

Les chants des sirènes ne vous placeront jamais au dessus de la République.

Renoncer en échange d’une stabilité politique au projet mortifere de troisième mandat Monsieur le président et choisissez un dauphin avant qu’il ne soit trop tard et cela avec honneur au lieu d’abdiquer honteusement sous la pression populaire.

Monsieur le président, nous avons le flair de prévenir des différents dangers à travers nos diverses analyses mais malheureusement nous ne savons pas jouer aux pompiers qui ont vocation à sauver des vies et des biens en cas d’incendies ou de sinistres de tout genre.

Au delà de tout, nous tenons à signaler qu’on ne récolte que ce qu’on a semé et qu’au final, les mêmes causes produisent toujours et toujours les mêmes effets…

Malheur à ceux où celles qui s’attendent paradoxalement à un résultat différent. Les fables du célèbre fabuliste français Jean de La Fontaine teintées d’allegories éducatives auront prévenu les autistes avant que le monde ne s’effondre tel que défini par le célèbre romancier nigerian Chinua Achébé.

Mais attention, ne le dites à personne…

Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi depuis Limassa….

 

Limassa le 07 juin 2025

 

Bernard SELEMBY DOUDOU.