CENTRAFRIQUE : LE STATUT JURIDIQUE DE LA PREMIÈRE DAME , PARLONS-EN…

Centrafrique : LE STATUT JURIDIQUE DE LA PREMIÈRE DAME, PARLONS-EN…

 

Monsieur Bernard Selembi Doudou
Monsieur Bernard Selembi Doudou

Bangui, le 15 janvier 2017. 7:17′.
Par : Bernard Selembi Doudou.

Les Présidents de la République à travers le monde ont le droit d’avoir un statut matrimonial avec tous les avantages et inconvénients qui y sont liés. La République centrafricaine n’a pas dérogé à cette règle universelle en partageant sa vie avec l’heureuse élue de son cœur. Cette dernière est communément et traditionnellement appelée “Première dame”. En d’autres termes, la première dame n’est autre que la compagne du chef de l’Etat peut importe qu’elle soit mariée, pacsée ou non, intellectuelle ou analphabète… Les pratiques et traditions républicaines ont tendance à accorder plus d’importance à la première dame qui, par la force des choses influence la vie politique. Ainsi, le citoyen lambda, noyé dans ce flou institutionnel est en droit de se poser les problématiques suivantes : quel est le statut juridique de la première dame ? A t-elle un statut social et/ou politique ? Quel est son vrai rôle dans l’organigramme politique et sociétal ? Doit-elle avoir des influences sur le fonctionnement de la vie politique ? Doit-elle bénéficier de certaines prestations et privilèges liés à son pseudo statut ? Nous tenons à rappeler de prime abord que la première dame n’a aucun statut légal, officiel, son statut n’est pas encadré par la loi. Depuis les indépendances, le statut de la première dame n’a été prévu par aucune disposition constitutionnelle, ni une loi organique. Aucun texte ne définit juridiquement l’existence de la première dame ou n’accorde de privilèges particuliers. Elle a seulement une présence sans existence officielle. Elle a une place naturelle auprès de son mari mais non institutionnelle. Avant toutes polémiques, elle reste comme toute autre une femme au foyer. Au passage, une question presque idiote nous brûle les lèvres : pourquoi ne parle t-on pas de l’inverse ? C’est à dire du “premier homme” lorsque c’est la femme qui est présidente ? A titre d’exemple, en Allemagne, le mari de la chancelière n’a pas de statut de premier homme mais se fait appeler simplement par la civilité de “Monsieur”. Ainsi, où est alors le principe de parité ou d’égalité des hommes et des femmes devant la loi proclamée par les déclarations universelles des droits de l’homme ? En ce qui concerne le rôle de la première dame, n’ayant pas de reconnaissance officielle, elle ne peut marquer son existence que par des actions humanitaires, caritatives et associatives à travers des aides, constructions et fournitures des écoles, des hôpitaux. Ces activités relèvent du domaine privé et ne peuvent être rattachées aux activités de la présidence. Sur cette rubrique, une question se pose avec acuité : quelles sont les sources de financement de toutes ces activités ? Sont-elles financées sur le budget de l’Etat ou des fonds spéciaux de la présidence ? Les actions caritatives et humanitaires sont généralement de grande envergure et laisse planer de doutes et d’interrogations sur le mode de financement e l’absence de partenariat financier avec d’autres institutions. Qui finance ses voyages lorsqu’elle doit répondre à une invitation à l’étranger ? Au niveau politique et social, l’épouse du président de la République doit rester dans l’ombre et s’engage à côté de son mari. Elle doit soigner son image et rester intègre dans toutes ses œuvres. Le seul fait de partager la vie d’un President de la République l’oblige à un devoir de retenue et de réserve c’est à dire pas de prise de position en publique au risque de contrarier la politique de son mari. Par ailleurs, et sans porter atteinte à la vie privée, il semblerait que l’élu de la nation est polygame. Ainsi, pourquoi ne parle t-on pas d’un statut pour la deuxième dame ? Les deux dames doivent aussi déclarer leurs patrimoines ? Qu’adviendrait la première dame en cas de divorce ou de séparation de corps ? S’agissant des prestations et privilèges qui lui sont offerts, les premières dames des régimes successifs bénéficient des services de l’administration, des véhicules avec chauffeurs, des officiers de sécurité et parfois d’un cabinet. Ainsi, comment expliquer le fait que certains services vitaux et régaliens de la République manquent de véhicules alors que des véhicules sont affectés aux services de la première dame ? Qui paye ces fonctionnaires de l’Etat affectés au service de la première dame ? S’ils sont payés sur le budget de l’Etat, alors il y’a un problème…sont-ils payés sur les fonds spéciaux de la présidence ? Où la première dame reçoit-elle ses courriers ? à la présidence ? Le seul fait d’être femme d’un President de la République est générateur de droits et obligations au profit d’une personne privée et au frais de l’Etat ? Sachant que la première dame n’a pas de rang protocolaire dans les cérémonies, quelles influences peut-elle avoir sur les collaborateurs de son mari ? Son influence se fait ressentir même dans les nominations des ministres ainsi que des hauts fonctionnaires civils et militaires. Quels sont ses rapports avec le gouvernement ? quels sont ses rapports avec le parlement ? Son mari étant couvert par l’immunité, la première dame peut-elle être poursuivie pendant le mandat de son mari ? Le President de la République peut-il nommer sa femme à des fonctions publiques et politiques ? Si elle travaillait avant de devenir première dame, continuera t-elle à exercer sa fonction ? Y’a t-il incompatibilité ? En cas de décès de la première dame ( ce que nous ne souhaitons pas ) doit-on organiser des funérailles nationales et/ou officielles ? Dans ce flou institutionnel, certaines voix contestataires ne souhaitent pas qu’on réserve de place à la première dame dans les manifestations officielles car elles estiment que cette pratique est désuète et surannée. Pour finir, nous tenons à rappeler que ce sont les actions publiques de la première dame qui sont mis en exergue dans cette analyse, le reste relève de la vie privée que nous respectons. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

Paris le 14 janvier 2016.