CENTRAFRIQUE : LA PROBLÉMATIQUE DU DROIT PARLEMENTAIRE, MODE D’EMPLOI.

CENTRAFRIQUE : LA PROBLÉMATIQUE DU DROIT PARLEMENTAIRE, MODE D’EMPLOI.                                                                                                                                  

 

Le President de l'Assemblée Nationale Abdoul Karim MECKASSOUA
Le President de l’Assemblée Nationale Abdoul Karim MECKASSOUA

 

 

Bangui, le 26 août 2017.

Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.

 

La Centrafrique a toujours été un État de droit, une société organisée et hiérarchisée. La théorie de séparation de pouvoir édictée par Montesquieu a toujours droit de cité et les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont complémentaires avec des missions distinctement définies.

 

Le principe de séparation de pouvoir avait pour objectif d’éviter la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme.

Le parlement qui est l’émanation du peuple est juridiquement encadré par des textes et joue un rôle de contrepoids dans l’équilibre politique. Les parlementaires ont donc des droits et devoirs que bons nombres ignorent. En conséquence, ils œuvrent par fanatisme, clanisme, régionalisme au détriment des intérêts de leurs électeurs. Ainsi, le citoyen lambda qui est aussi électeur de sa circonscription cherche à comprendre le rôle et la place du parlement dans le jeu démocratique en ces termes : Qu’est-ce qu’un député ou parlementaire ? Dans la même optique, qu’est-ce qu’un parlement ? Quel est le rôle et la responsabilité du parlement dans une démocratie ? Le parlement bénéficie t-il d’une autonomie administrative et financière ? Quel est l’impact du parlement sur la séparation de pouvoir ? Le parlement est-il libre de ses mouvements ? Quel est leur régime de sécurité sociale ? Ce régime de sécurité sociale répond t-il aux aspirations et attentes des députés ? Ont-ils l’obligation de déclarer leur patrimoine ? Dans l’affirmative, jusqu’à ce jour, combien de députés se sont déjà exécutés ? Pourquoi les députés n’ont pas de dotation en véhicules et/ou moyens de locomotion ? A défaut, ont-ils un forfait pour les déplacements ?

Un député est élu au suffrage universel direct à deux tours. En période de crise ou de guerre, ces derniers peuvent être nommés ou désignés à l’instar des conseillers nationaux de transition. Les députés sont généralement issus des partis politiques, de la société civile et même des indépendants qui constituent une innovation dans la société centrafricaine. Un groupe de députés soutiennent le parti au pouvoir en constituant la majorité Présidentielle et d’autres se revendiquent de l’opposition. Le rôle de ses deux catégories de députés consiste à veiller à ce que le gouvernement gère le patrimoine public en bon père de famille et surtout de façon rationnelle, transparente et responsable. Une fois élu, les parlementaires élisent les membres du bureau et les différentes commissions à la première session parlementaire appelée communément rentrée parlementaire. Certains parlements sont bicameraux c’est à dire composés de deux chambres mais le notre est actuellement monocameral en attendant les élections sénatoriales prévues par la constitution.

Les parlementaires bénéficient au cours de leur mandature d’une immunité parlementaire c’est à dire qu’ils sont inviolables et irresponsables. L’inviolabilité signifie que le député ne peut souffrir d’aucune mesure de restrictions de libertés sans l’accord du bureau de l’assemblée nationale et l’irresponsabilité signifie qu’il ne peut être recherché, poursuivi, arrêté, détenu ou jugé pour ses opinions et actes sans l’avis préalable du bureau. Leurs mandats est incompatibles avec certaines fonctions. En ce qui concerne leur mission, les députés qui représentent et défendent les intérêts du citoyen doivent examiner et voter les lois, évaluer et contrôler au nom du citoyen la gestion du gouvernement, autoriser les recettes et les dépenses de l’état à travers le vote du budget et enfin veiller à la conformité de l’action gouvernementale aux normes internationales. Pour mener à bien ses missions, les parlementaires ont des moyens de pressions et peuvent convoquer le gouvernement, mettre en place une commission d’enquête parlementaire et proposer des mesures coercitives conséquentes. Ils peuvent voter une motion de confiance sur le programme ou une motion de censure qui entraînera la démission et le changement de gouvernement, examiner les rapports réguliers du gouvernement sur ses activités. S’agissant de l’efficacité des actions parlementaires, ces derniers doivent avoir la liberté d’expression et ne craindre de représailles. Le jeu démocratique veut que le parlement soit indépendant c’est à dire qu’il doit dispose de ressources propres. Cette autonomie administrative et financière garantie par la constitution protège les parlementaires des pressions de l’exécutif a l’instar du dernier sevrage financier avec un relent de sanctions qu’à infliger l’exécutif au parlement. Pour être efficaces, les parlementaires doivent définir eux même leurs règles de fonctionnement, avoir un statut financier particulier avec une autonomie complète de gestion c’est à dire n’avoir aucun compte à rendre à une structure gouvernementale. A titre d’exemple pour diligenter une commission d’enquête parlementaire dans les zones de combat, le parlement est obligé de faire un appel de fond que le gouvernement approuve ou désapprouve selon son gré.

Cela pose la problématique de la liberté et d’indépendance des institutions et impacte l’efficacité du travail parlementaire. L’inefficacité des actions parlementaires se justifie par de nombreuses limites. L’absentéisme est un facteur clé dans cette inefficacité. S’agit-il d’une indiscipline ou d’un mépris pour la fonction ? Dans quelles mesures l’assemblée nationale peut être efficace dès lors que les députés sont absents sur les débats qui engagent la vie de la nation ? En cas d’absence ou d’empêchement votent-ils par procuration ? Le règlement intérieur de l’assemblée nationale n’a t-il pas prévu de sanctions pour ces comportements ? Quel est alors la leçon ou la morale que le député donne au gouvernement qu’il est appelé à contrôler ? Ainsi, où est le respect pour le peuple qui l’a élu ?

Il est important de rappeler que le taux d’analphabétisme constitue également un frein à l’efficacité. Ensuite la désignation du President de l’assemblée nationale qui est toujours dictée et qui ne relève jamais de la volonté délibérée des parlementaires constituent un grand handicap. Il faut aussi prendre en compte le nombre écrasant des membres de la majorité Présidentielle. Cette domination ou monopolisation de la décision par un groupe fait du parlement une chambre d’enregistrement. Ainsi, les propositions ou projets de lois feront rarement objets de rejets ou d’amendements. Dans ce contexte l’opposition se sentira désarmer et marginaliser car cette dernière doit se sentir coproductrices des lois. Pour finir nous invitons les autorités centrafricaines d’adapter le droit parlementaire calqué sur le modèle français aux réalités socio-politiques centrafricaines et de réglementer les conditions d’éligibilité des députés en définissant un profil minimum concernant  leur scolarité pour leur permettre d’être efficace. Et si on tentait l’expérience des députés de la Diaspora ? Nous proposons in fine la mise en place d’un site web accessible au public avec un système d’informatisé pour rapporter des données statistiques avec des informations sur le nombre de présence des députés, d’intervention orale et écrite, de propositions de lois ou de résolutions, des amendements, des rapports ou avis de chaque député sur des questions variées. Ce mode de contrôle d’efficacité parlementaire boostera même les indécis et les timides à inventer. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 25 août 2017

 

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