CENTRAFRIQUE : LA LÉGITIMITÉ DE L’INDIGNATION DU PARTI KNK EN FAVEUR DU RETOUR AU PAYS DE LEUR PRÉSIDENT.

Publié le 17 mai 2019 , 5:07
Mis à jour le: 17 mai 2019 5:07 pm
L’ancien Président centrafricain François Bozizé.

 

 

 

Bangui (Centrafrique) – Le non respect des accords de Libreville entre le pouvoir et les groupes armés de l’époque a permis la prise de pouvoir par la nébuleuse «Séléka » occasionnant par voie de conséquence l’abandon du pouvoir et la fuite du Président de la république et de ses sbires.

 

Depuis son exil africain, le Président du parti KNK continuait de revendiquer son fauteuil présidentiel et parallèlement entretenait notoirement par personnes interposées des milices armés en vue de perturber les efforts des autorités de la transition dans la recherche de la paix. C’est dans cette optique qu’à la demande insistante de la France, le conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité la résolution 21-34 qui consiste à sanctionner le président du KNK au même titre que le chef de guerre du FPRC et autres. Aux termes de cette résolution, les avoirs de l’ancien Président de la république sont gelés et une interdiction de voyager dans le but de mener des actions déstabilisatrices lui était imposée.

 

Dans cette logique, il urge de rappeler que l’interdiction de voyager infligée par le conseil de sécurité de l’ONU ne concerne pas un éventuel retour dans son pays natal pour contribuer à la recherche de la paix. D’ailleurs, un éventuel retour volontaire dans son pays serait une aubaine puisqu’entre temps un mandat d’arrêt international a été émis par les autorités judiciaires centrafricaines en date du 29 mai 2013. Il s’avère d’emblée que les centrafricains ont la mémoire trop courte.

 

Au demeurant, il est de notre devoir citoyen de leur rappeler que l’actuel Président de la république est et demeure le deuxième vice-président du KNK, il fut premier ministre pendant cinq (5) sous le règne du KNK…(je t’aime, moi non plus).

 

Ainsi le Président des « pauvres » devenu par la force des choses Président de la « rupture »avait à l’époque parié le retrait de sa candidature aux présidentielles de 2015 à un éventuel retour au pays de son mentor. De nos jours, l’eau a coulé sous le pont et les données ont sensiblement changées sur le terrain mais le KNK demeure un allié important de la majorité présidentielle et ce dernier continue de soutenir les actions politiques du président de la république.

 

Contre toute attente, le pouvoir a initié et signé sous le haut arbitrage de l’Union Africaine (UA) l’accord de Khartoum qui accorde de façon dissimulée une amnistie aux bourreaux du peuple. Ces derniers sont maintenant des alliés incontournables de la majorité présidentielle voire représentants du parti au pouvoir dans l’arrière pays et occupant même de hautes fonctions civiles et militaires en violation des dispositions de l’article 28 de la constitution du 30 mars 2016.

 

Il apparaît ainsi logique et justifié que l’organe dirigeant du KNK réclame le retour au pays de son président en brandissant les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 5 de la constitution qui dispose que : « nul ne peut être contraint à l’exil ».

 

Au regard de cette disposition constitutionnelle, la note de service du précédent ministre des transports interdisant aux compagnies aériennes à destination de la Centrafrique d’embarquer le président du KNK est illégale et anti constitutionnelle.

 

Ainsi, face au refus poli ou déguisé du pouvoir de renouveler le passeport périmé du président du KNK, le citoyen lambda s’interroge :

 

Pourquoi le pouvoir s’oppose t-il au renouvellement du passeport et par voie de conséquence au retour volontaire au pays du Président du KNK ? Au delà de l’hypothétique « trouble à l’ordre public », ce refus a t-il un fondement juridique ? Pourquoi le pouvoir se réfugie t-il derrière les sanctions de l’ONU pour justifier son hostilité au dossier du président du KNK au lieu de prendre ses responsabilités à travers des débats citoyens et contradictoires ? Notre nation a t-elle perdu sa souveraineté au profit de l’ONU ? Dès lors que les bourreaux du peuple sont devenus des artisans de la paix, pourquoi le président du KNK n’apporterait-il pas sa pierre à l’édifice ? Le pouvoir craint-il que ce dernier soit un potentiel adversaire aux prochaines échéances électorales ?

 

A vouloir faire porter des cornes au Président du KNK, qu’avez-vous fait de la présomption d’innocence qui est une règle fondamentale du procès pénal ? Le mandat d’arrêt international émis par les autorités judiciaires centrafricaines ne contraste t-il pas avec un retour volontaire dans son pays natal ? Contrairement aux autres chefs de guerre, pourquoi le dossier du président du KNK est à géométrie variable ?

 

Au delà de toutes polémiques politiciennes, il est important de rappeler que dans tout État qui se revendique démocratique, tout refus du gouvernement à une demande citoyenne doit être motivée dans un délai imparti. A défaut, un recours aux autorités judiciaires pour dénoncer l’immobilisme s’avère idoine. Par ailleurs, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples ratifiée par la Centrafrique le 26 avril 1986 garantit à tout citoyen les droits fondamentaux. En dépit d’éventuel rôle que le président légitime du KNK peut jouer dans la vie politique centrafricaine, il est d’abord un citoyen qui doit jouir pleinement et sans entrave de ses droits politiques ou civiques c’est à dire les libertés individuelles parmi lesquelles le droit de vote, le droit de circuler librement, les libertés d’opinions, de réunion, d’association etc…S’agissant des libertés fondamentales, nul n’a le droit de priver un citoyen de jouir de ses droits sans porter atteinte aux droits de l’homme. Et si des fautes lui sont imputables, la justice lui demandera des comptes. Logiquement l’assemblée nationale devrait venir en rescousse pour arbitrer mais les parlementaires n’ont jamais été décisifs sur des polémiques de ce genre. Le seul recours possible reste la justice et au delà la cour africaine des droits de l’homme pour rétablir le président du KNK dans ses droits. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande m, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 17 mai 2019

Bernard SELEMBY DOUDOU

Juriste, Administrateur des élections

Tel : 0666830062

 

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