Centrafrique: défense et sécurité, une nouvelle et dramatique erreur des Nations unies

Publié le 6 octobre 2014 , 8:59
Mis à jour le: 6 octobre 2014 8:59 am

AIAC  /  CNC

Debut de l'action militaire et policiere de la Minusca
Un véhicule blindé marocain de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) (ONU)

Ne nous voilons pas la face : l’intervention militaire que conduit la communauté internationale en Centrafrique risque de déboucher sur un fiasco et de générer au final des violences pires que celles vécues ces derniers mois par la population de ce pays. Ceci pour les trois raisons que voici :

  1. La France, qui était jusqu’à présent le pivot de cette intervention, n’a plus les moyens de poursuivre son action. Surendettée et engagée sur divers fronts, en Afrique comme au Moyen-Orient, elle n’est pas en mesure de  donner à ses troupes les matériels et les fonds nécessaires pour mener durablement leur action. À terme plus ou moins rapproché, elle sera contrainte de lever le pied, ce qui, soit dit en passant, soulève de profondes inquiétudes dans les milieux de la défense en France même.
  2. L’Union européenne pourrait se substituer plus ou moins directement à la France dans l’appui apporté aux unités africaines, notamment celles engagées par le Congo, mais aucun des États qui la composent n’est réellement prêt à le faire. Ce qui se passe en Ukraine et en Irak est, en effet, infiniment plus important pour ces derniers que la déstabilisation de l’Afrique. Une erreur historique que le vieux continent paiera sans doute très cher à bref délai, mais dont on ne voit pas comment l’empêcher.
  3. L’Organisation des Nations unies, qui est désormais aux commandes de la force d’intervention en Centrafrique, réédite la même erreur que celle commise depuis vingt ans en République démocratique du Congo. Elle envoie sur le terrain des unités qui ne connaissent rien aux réalités de cette partie du continent, ne contrôle pas vraiment depuis New York le commandement de ses forces, s’avère incapable d’analyser la situation et, donc, se condamne une nouvelle fois à l’impuissance.

Il va de soi qu’aucun chef d’État, aucun diplomate, aucun militaire de haut rang n’osera dire ou écrire ce qui précède. Aussi revient-il aux observateurs de la scène internationale de le faire, quitte à être accusés de légèreté, voire même d’incompétence, dans l’analyse des évènements en cours. Car le diagnostic posé plus haut pourrait rapidement se traduire par une explosion de violences contre laquelle, comme c’est le cas en Libye, en Irak ou en Syrie, les grandes puissances s’avèreront incapables de lutter.

Dire haut et fort ces évidences apparaît d’autant plus nécessaire que la solution du problème posé est évidente. Elle passe d’abord par la mise en place d’un dispositif de prévention et de gestion des crises, adapté aux réalités de l’Afrique, ensuite par la mise en œuvre de ce dispositif sous-région par sous-région, non par des puissances extérieures mais par les pays africains eux-mêmes. Enfin par la mise à disposition de ces mêmes pays des connaissances et des moyens matériels nécessaires pour construire ce mécanisme.

À plusieurs reprises, nous avons dénoncé, ici même, le scandale que constitue le déploiement dans différents pays d’Afrique de forces internationales non motivées qui sont incapables de mener les actions que la communauté internationale leur confie et qui abusent volontiers sur les populations civiles de la position de force qui est la leur. Admettre de telles dérives en Centrafrique ne ferait qu’aggraver la crise au lieu de la résoudre.

Nous sommes désolés de tenir des propos aussi brutaux, mais si personne ne le fait et ne tente de porter remède aux problèmes présents, la situation deviendra vite intenable sur toute l’étendue du Bassin du Congo.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse
Pour Agence d’Information d’Afrique Centrale.

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