Association des femmes sucrées de Touadéra » : le silence complice des femmes leaders face à l’insulte institutionnalisée

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Association des femmes sucrées de Touadéra » : le silence complice des femmes leaders face à l’insulte institutionnalisée

 

Association des Filles Sucrettes de la Jeunesse du parti MCU de Touadera
Association des Filles Sucrettes de la Jeunesse du parti MCU de Touadera

 

Rédigé le 13 octobre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

À Bangui, un nom circule avec un mélange d’amusement et d’indignation : “Association des femmes sucrées de Touadéra”, ou encore Association des Filles Sucrettes de Touadera. Oui, c’est bien le nom choisi par des proches du pouvoir pour désigner un regroupement prétendument féminin. Mais au-delà du ridicule, une question sérieuse s’impose : où sont les femmes leaders, les juristes, les associations de défense des droits des femmes ? Pourquoi aucun recours n’est-il engagé pour faire retirer une appellation aussi dégradante ?

 

 

 

Ce titre, d’apparence légère, réduit la femme centrafricaine à une caricature : un objet décoratif, entretenu et dépendant. Le mot “sucrée”, dans le langage courant, évoque une relation intéressée, une femme entretenue par un homme riche ou puissant. L’utiliser dans une appellation officielle revient à institutionnaliser la banalisation du sexisme. Et tout cela, sous le regard silencieux de celles qui se disent défenseures de la dignité féminine.

 

Certes, tout Bangui sait que le président Touadéra traîne une sale réputation de séducteur invétéré des jeunes filles. Les rumeurs de maîtresses, de jeunes femmes courtisées dans les administrations ou recrutées par proximité personnelle ne datent pas d’hier. Mais même dans un régime où la confusion entre vie privée et affaires publiques est devenue une habitude, transformer cette image en nom d’association franchit une ligne rouge. C’est une insulte collective faite à toutes les femmes du pays, des étudiantes aux fonctionnaires, des commerçantes aux mères de famille.

 

Qu’une poignée de militantes du régime accepte de se présenter comme “sucrées” relève d’un choix personnel douteux. Mais que l’administration laisse enregistrer une telle dénomination, sans réaction du ministère du Genre ni de l’Administration du territoire, pose un grave problème moral et institutionnel. L’État cautionne-t-il désormais la dérision des femmes au nom du loyalisme politique ? Apparemment oui.

 

Cette appellation n’est pas seulement ridicule. Elle est profondément humiliante pour toutes les femmes centrafricaines. Elle dit aux jeunes filles que leur avenir passe par la séduction d’hommes puissants plutôt que par le travail et le mérite. Elle dit aux femmes professionnelles que leur compétence compte moins que leur capacité à plaire. Elle dit aux mères de famille que leur dignité peut être bradée sur l’autel du clientélisme politique.

 

En acceptant ce nom, ces femmes acceptent de réduire toutes les Centrafricaines à des objets de transaction. Elles valident l’idée que la relation entre une femme et le pouvoir passe nécessairement par la soumission sexuelle ou sentimentale. Elles enterrent des décennies de combat pour l’émancipation féminine.

 

Et où sont les voix qui devraient s’élever ? Le ministère du Genre, censé défendre les droits des femmes, reste muet. Les associations féministes qui organisent des ateliers sur l’autonomisation des femmes ne disent rien. Les femmes députées qui siègent à l’Assemblée nationale n’ont pas soufflé mot. Les juristes spécialisées dans les droits des femmes n’ont engagé aucun recours.

 

Ce silence est assourdissant. Il montre que sous Touadéra, même la dignité des femmes peut être sacrifiée si cela sert les intérêts du régime. Les femmes leaders centrafricaines préfèrent fermer les yeux sur cette insulte plutôt que de risquer de déplaire au pouvoir.

 

Certaines diront peut-être que c’est une question de liberté d’association, que ces femmes ont le droit de s’appeler comme elles veulent. Mais la liberté d’association ne peut pas servir à légitimer l’humiliation collective d’un genre. Quand un nom d’association insulte toutes les femmes d’un pays, ce n’est plus une question de liberté individuelle mais de dignité collective.

 

D’autres diront que ce n’est qu’un nom, que ce n’est pas si grave. Mais les mots ont un sens. Les symboles ont un poids. Quand l’État accepte d’enregistrer officiellement une “Association des femmes sucrées”, il valide l’idée que les femmes sont des objets à “sucrer”, c’est-à-dire à entretenir en échange de faveurs.

 

Cette banalisation du sexisme institutionnel s’inscrit dans un contexte plus large de régression des droits des femmes sous Touadéra. Pendant que des femmes acceptent de s’appeler “sucrées” du président, d’autres femmes centrafricaines sont violées par les mercenaires de Wagner sans que justice ne soit rendue. Pendant que certaines parade

 

nt avec ce titre dégradant, d’autres meurent en couches faute d’hôpitaux fonctionnels. Pendant que quelques privilégiées se “sucrent” auprès du pouvoir, la majorité des Centrafricaines s’enfoncent dans la pauvreté.

 

L’existence même de cette association montre jusqu’où peut aller la corruption morale d’un régime. Touadéra a réussi à convaincre des femmes d’accepter publiquement d’être réduites à des “sucrées”. Il a transformé l’humiliation en badge d’honneur, la soumission en titre de gloire.

 

Les femmes leaders, les collectifs féministes et les associations indépendantes doivent répondre. Le silence équivaut à une complicité tacite. Acceptera-t-on que la femme centrafricaine soit réduite à une “sucrée” présidentielle ? Acceptera-t-on que l’État enregistre officiellement une association dont le nom insulte toutes les femmes du pays ?

 

Si les défenseures des droits des femmes ne réagissent pas face à cette insulte institutionnalisée, elles perdent toute crédibilité. On ne peut pas organiser des ateliers sur l’autonomisation des femmes tout en fermant les yeux quand des femmes acceptent de s’appeler “sucrées” d’un président.

 

On ne peut pas dénoncer le sexisme ordinaire tout en laissant passer le sexisme officiel. On ne peut pas se dire féministe tout en refusant de condamner une appellation qui réduit les femmes à des objets entretenus.

 

Les femmes centrafricaines méritent mieux que d’être associées à cette caricature dégradante. Elles méritent des associations qui portent leur dignité, qui défendent leurs droits, qui célèbrent leurs accomplissements. Pas une “Association des femmes sucrées” qui les rabaisse au rang de maîtresses présidentielles.

 

Le combat pour les droits des femmes en Centrafrique ne peut pas se limiter à des discours le 8 mars. Il doit se traduire par des actions concrètes, y compris le refus catégorique de toute appellation qui insulte la dignité féminine.

 

Si aucune femme leader ne se lève pour dénoncer cette honte, si aucune association ne dépose de recours pour faire interdire ce nom, si aucune juriste ne saisit les instances compétentes, alors il faudra admettre que le féminisme centrafricain est mort sous Touadéra, étouffé par la peur, la complaisance et les petits arrangements avec le pouvoir.

 

Par Alain Nzilo

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