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Massacre de Ndélé, des ministres dans la toile de la CPS : enquête exclusive CNC

Massacre de Ndélé, des ministres dans la toile de la CPS : enquête exclusive CNC

 

Lors des affrontements entre les rebelles du PRNC etFPRC à Ndélé en avril 2020. Photo CNC / Moïse Banafio
Lors des affrontements entre les rebelles du PRNC etFPRC à Ndélé en avril 2020. Photo CNC / Moïse Banafio

 

Bangui, 30  janvier 2024 (CNC) – L’affaire du massacre de Ndélé, qui a ensanglanté tout le nord-est de la République centrafricaine en 2020, révèle et se cache tout un réseau complexe d’implications politiques, de complicités armées et de corruption au plus haut niveau. Les récentes dépositions devant la cour pénale spéciale ont éclairé les dessous sombres de cette tragédie, mettant en lumière des noms haut placés dans le gouvernement centrafricain. 

  

Monsieur Azor Kalité, au centre des accusations, aurait dirigé les mouvements armés du Parti pour le Rassemblement Centrafricain (PRNC). Les révélations font état d’une collaboration avec des mercenaires soudanais, menés par le redoutable Général Djazouli, déployés pour semer la terreur dans la région. Les financiers présumés de cette guerre brutale incluraient les ministres Guismala Amza, Gilbert Toumou Deya, et Djono Haba, avec une mention spéciale pour Arnaud Djoubaye Abazène, ministre de la Justice et proche parent des suspects. 

 

Monsieur Mokhtar Adoum, ancien chef d'État - major d'Abdoulaye Hissen assassiné à Ndélé, le 8 mai 2022
Monsieur Mokhtar Adoum

 

Les conséquences de ces actions sont dévastatrices, avec des centaines de civils tués et des villages entiers réduits en cendres. Malgré les preuves accablantes, la justice semble impuissante à traduire en justice les ministres impliqués, dont le ministre de la Justice lui-même, Arnaud Djoubaye Abazène, illustrant un jeu dangereux où les intérêts politiques se superposent à la quête de vérité et de justice. 

  

Les principaux acteurs en fuite 

  

En 2020, l’affaire du massacre de Ndélé a pris un tournant crucial avec l’arrestation de quelques suspects par les casques bleus de la MINUSCA. Ces individus, impliqués dans les violences meurtrières qui ont ravagé la région du nord et nord-est, ont été appréhendés et transférés à Bangui, où ils ont été incarcérés à la Section de Recherche et d’Investigation de la gendarmerie. Parmi les suspects arrêtés figuraient Kalité Azor, Charfadine Moussa, Antar Hamat, Wodjonodroba Oumar Oscar, Général Faché, Younouss Kalamyal, Atahir English, Abdel Kane Mahamat Salle, Fotor Sinine et Youssouf Moustapha alias Badjadje 

  

Cependant, les manœuvres en coulisses du ministre d’Etat à la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène, ont permis la libération de quatre de ces suspects. Ces manœuvres ont soulevé des questions quant à l’intégrité du processus judiciaire dans le pays. Parmi ceux qui ont retrouvé leur liberté se trouvaient Odjo, Amza, Awdalla et Amine Saboune, malgré les preuves accablantes de leur implication dans les violences qui ont secoué tout le nord en 2020. 

 

Incendie des bâtiments dans la ville de Ndélé lors des affrontements entre les groupes armés rivaux le 29 avril 2020. Photo CNC / Moïse Banafio
Incendie des bâtiments dans la ville de Ndélé lors des affrontements entre les groupes armés rivaux le 29 avril 2020. Photo CNC / Moïse Banafio

 

Toutefois, certains suspects sont restés derrière les barreaux de la prison du camp de Roux : Azor Kalité et Moussa Chaffardine Mahamat. Leur maintien en détention soulève des interrogations sur les critères sélectifs qui ont présidé à la libération des autres suspects, ainsi que sur les motivations politiques sous-jacentes. La persistance de leur incarcération laisse entrevoir les complexités de l’affaire et souligne l’urgence d’une enquête impartiale et transparente. 

  

Après leur libération, la situation des quatre suspects, Odjo, Amza, Awdalla et Amine Saboune, a pris des trajectoires divergentes, mettant en lumière les complexités de l’affaire du massacre de Ndélé. 

  

Amine Saboune, en quête de fuite, a choisi de fuir vers le Soudan, cherchant refuge loin des poursuites judiciaires. Son départ vers le Soudan soulève des questions sur la coopération frontalière et la nécessité d’une action concertée pour traquer les fugitifs à travers les frontières. 

  

Quant à Amza et Awdalla, les deux suspects ont choisi de retourner dans les groupes armés du nord. Leur retour dans la rébellion souligne les liens étroits entre certains membres du gouvernement et les factions rebelles. 

 

Des combattants rebelles du FPRC à Ndélé le 5 aout 2017. Photo CNC / CopyrightCNC
Des combattants rebelles du FPRC à Ndélé le 5 aout 2017. Photo CNC / CopyrightCNC

 

Pendant ce temps, Odjo, après avoir été libéré, a choisi une voie différente des trois autres. Il a choisi d’intégrer la police nationale. Ainsi, son entrée à l’école nationale de la police au PK10 a pris une tournure inattendue. Quelques mois seulement après sa formation, il a été arrêté par les forces de l’ordre dans l’école nationale de police. 

 

Après son arrestation à l’école nationale de police à Bangui, Odjo, de son nom, a été incarcéré à la Section de Recherche et d’Investigation de la gendarmerie (SRI), soulignant la sévérité des charges pesant contre lui dans le cadre de l’affaire du massacre de Ndélé. Cependant, l’intervention du ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène, a une fois de plus semé le doute quant à l’intégrité du processus judiciaire. En effet, il a ordonné la libération de Odjo, le faisant sortir de prison et le laissant libre de toute contrainte. 

  

Pensant être désormais intouchable, Odjo a osé franchir les portes de la salle d’audience lors du procès de deux suspects, Azor Kalité et Moussa Chaffardine, devant la Cour pénale spéciale. Ignorant totalement qu’un mandat d’arrêt avait été émis à son encontre par la CPS, Odjo s’est retrouvé pris au piège de ses propres manigances. En un instant, les policiers présents dans la salle ont agi, l’arrêtant sur-le-champ. 

Actuellement, Odjo est détenu à la prison de camp de Roux, sa dernière tentative d’échapper à la justice ayant abouti à son emprisonnement. Cette série d’événements met en lumière les défis persistants auxquels sont confrontées la cour pénale spéciale dans sa lutte pour la vérité et la réconciliation. 

  

Entre temps, la Cour pénale spéciale (CPS) a intensifié ses efforts en lançant un mandat d’arrêt contre d’autres suspects impliqués dans l’affaire du massacre de Ndélé. Les forces de l’ordre ont rapidement repéré quelques suspects à Ndélé et ont entrepris des opérations pour les appréhender. Cependant, lors de leur l’arrestation, les suspects ont résisté et ont même sorti une arme, déclenchant un échange de tirs tendu avec les soldats et les forces de l’ordre déployés pour les arrêter. 

  

Tragiquement, lors de cet affrontement, un suspect nommé Général Adam Moukatar a perdu la vie. Son décès soulève des questions sur la violence inhérente à cette affaire et la détermination des suspects à éviter la justice à tout prix. 

  

Quant aux autres suspects impliqués dans l’échange de tirs, ils ont profité de la confusion pour prendre la fuite. Parmi les fugitifs tous des généraux autoproclamés figurent le Général Younouss Kalam Iyal, le Général Atahir Inglish, le Général Moussa Badjat, le Général Fâché, et le Général Abdel Kan. Leurs noms attestent de la complexité et de la dangerosité des opérations visant à les capturer. 

  

Cette série d’événements met en évidence les défis majeurs auxquels sont confrontées la CPS dans sa mission de poursuivre les responsables du massacre de Ndélé. Les échanges de tirs et les décès qui en résultent soulignent l’urgence de la situation et la nécessité d’une action décisive pour garantir la sécurité et rendre justice aux victimes de ces actes de violence atroces. 

  

Quelques mois plus tard, pendant la campagne référendaire de juin 2023, le ministre Guismala Amza s’est rendu à Ndélé pour promouvoir le projet de la nouvelle constitution. Profitant de cette occasion, il a ramené discrètement un suspect en fuite, le Général Abdelkan  à Bangui. Parallèlement, d’autres suspects ont également fui et ont pris la route de Bangui individuellement. 

  

Informée de la présence de ces suspects à Bangui, la Cour pénale spéciale a intensifié ses recherches pour les capturer. Face à cette pression croissante, les ministres Djono Ahaba et Guismala Amza ont agi très rapidement. Le ministre Guismala Amza a pris Le Général Abdelkan  pour le cacher dans sa ferme sur la route de Mbaïki, tandis que Djono Ahaba a caché d’autres suspects sur son site minier à Boda. Parmi eux, figurent : le Général Anama dogache ; le Général Alanta  et  le Général Garba Nasser garmadia. 

  

Ces actions soulèvent des préoccupations majeures quant aux liens entre les membres du gouvernement et les individus impliqués dans des activités criminelles. La décision de cacher les suspects sous d’autres noms met en lumière les compromis potentiellement compromettants entre la justice et le pouvoir politique en République centrafricaine. 

  

En outre, les actions des ministres mettent en lumière les défis auxquels est confrontée la Cour pénale spéciale dans sa mission de poursuivre les responsables des crimes commis lors du massacre de Ndélé. La résistance politique et les obstacles institutionnels entravent les efforts de la CPS pour assurer la justice et rétablir la paix dans la région. Cette situation souligne l’importance d’une coopération internationale accrue et d’un soutien financier pour renforcer les capacités de la CPS et garantir son indépendance dans la poursuite des coupables. 

  

Déposition accablante du général rebelle Azor Kalité 

  

Lors de son témoignage devant la Cour Pénale Spéciale (CPS), le général rebelle Azor Kalité a fait des révélations explosives. Il a ouvertement accusé les ministres précédemment cités de soutenir financièrement son mouvement armé, jetant ainsi une lumière crue sur leur implication dans les affrontements meurtriers qui avait secoué le nord. De plus, le ministre de la Justice a été directement mis en cause dans ses déclarations. 

  

Malgré ces accusations accablantes et les convocations des ministres Djono Ahaba et Toumou Déya devant la CPS, mais la justice semble demeurer impuissante à les interpeller. Cette apparente immunité soulève des questions sur l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, mettant en doute sa capacité à tenir les puissants responsables de leurs actes. La CPS doit redoubler d’efforts pour garantir que la loi s’applique à tous, indépendamment de leur statut ou de leur position politique. 

  

Rappelons que l’affaire du massacre de Ndélé en République centrafricaine révèle les profondeurs de la corruption et de l’impunité qui gangrènent le système politique et judiciaire du pays. À travers les révélations troublantes sur la complicité des ministres et la fuite des suspects, un sombre tableau émerge, ébranlant la confiance du peuple dans ses institutions. 

  

Malgré les preuves accablantes et les témoignages poignants, les responsables politiques restent largement intouchables, échappant à la justice et narguant les victimes de leurs actes. La Cour Pénale Spéciale doit intensifier ses efforts pour traduire en justice les criminels et leurs complices, réaffirmant ainsi l’indispensable primauté du droit. 

  

En fin de compte, la quête de justice pour les victimes de Ndélé ne saurait être différée. L’avenir de la République centrafricaine dépend de sa capacité à surmonter ces obstacles et à restaurer l’intégrité de ses institutions. Seule une action déterminée et un engagement inébranlable envers la vérité et la responsabilité peuvent apporter l’espoir d’un avenir plus juste et plus sûr pour tous ses citoyens. 

 

Par Moïse Banafio

 

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