République Centrafricaine : quelques nouvelles de Bossangoa

www.missions-africaines.net / corbeau news centrafrique: 22-12-2014.

 Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA
Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA

La République centrafricaine a été plongée dans une crise sans précédent avec des conséquences dévastatrices tant pour le développement sociopolitique du pays que pour sa cohésion sociale.

 En dépit des efforts qui sont déployés, l’autorité de l’Etat peine à se rétablir sur toute l’étendue du territoire. A cet effet nous citerons les incidents de Ndélé, de Kaga-Bandoro, de Bambari où les éléments de la coalition seleka ont empêché la mise en place des autorités administratives et la célébration de la Fête nationale du 1er décembre. Par ailleurs à Bouca les anti-balaka ont lancé un ultimatum aux forces de la MINUSCA, ne souhaitant pas leur présence dans la ville. L’espace national semble être occupé par les bandes armées qui se livrent impunément aux exactions sur les populations civiles qu’elles tiennent en otage. Comme le souligne Amnesty International dans son dernier rapport sur la crise en Centrafrique, l’incapacité des autorités centrafricaines et des Nations Unies à mener une enquête effective sur les crimes de guerre perpétue le climat de violence et de peur qui règne dans le pays.

Le contexte général d’insécurité et d’actes de vandalisme sur les biens publics et privés ont affecté le Diocèse de Bossangoa dans le déploiement de sa pastorale. La crise a effectivement porté le coup de grâce au peu de moyens qui nous restaient après la rébellion de 2003 : profanation de nos Eglises, pillages de nos biens, destruction des presbytères, des couvents et de nos infrastructures sanitaires et scolaires. Le nord-est du diocèse (Kouki, Markounda, Batangafo, Gofo et Kabo) est encore soumis à une grande insécurité. La visite pastorale que je viens d’effectuer dans le nord du diocèse jusqu’à Markounda laisse découvrir une zone vraiment meurtrie. Néanmoins nous avons lancé la reprise des activités avec la session pastorale du mois d’octobre. Il convient d’accompagner ce mouvement avec le retour des agents pastoraux. En effet la proximité pastorale est un facteur de stabilité pour la population en errance.

  Le Diocèse tient à son programme d’annoncer la Bonne Nouvelle et de promouvoir le développement intégral de l’homme. Grâce à l’appui multiforme de tous nos partenaires à qui nous présentons nos gratitudes, nos diverses institutions diocésaines répondent à leur mission d’éduquer, de former, de protéger la dignité de la personne humaine et de subvenir à ses besoins fondamentaux, de promouvoir les droits humains et de soigner. Nous remercions d’ores et déjà la Conférence des Evêques de France qui, par le Fonds de solidarité, a mis à notre disposition les moyens adéquats pour la formation et la mise à niveau de nos catéchistes à partir de la nouvelle année 2015.

  Dans le domaine de la réhabilitation des presbytères et des couvents, nous cherchons encore un complément à l’aide financière reçue des diocèses de Strasbourg, de Besançon et de la Province SMA de Lyon pour commencer la réhabilitation du couvent des Petites Sœurs du Cœur de Jésus à Bossangoa. Restent encore les presbytères de Notre Dame de l’Ouham, de Charles Lwanga, Saints Pierre et Paul de Boro à Bossangoa, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus à Nana-Bakassa, Saint Laurent de Kouki, Saint Joseph de Markounda et Notre Dame de l’Immaculée Conception de Batangafo. La réhabilitation commencera dans ces trois dernières paroisses en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire. Les couvents de Markounda, Nana-Bakassa et Bossangoa (Providence de Rouen à Boro et Cathédrale) n’attendent qu’un coup de jouvence. Toutefois nous sommes conscients que tout ne se fera pas en même temps, ni le même jour.

Même si l’UNICEF a appuyé le programme de remise à niveau des enfants en vue d’une reprise effective de la scolarité, l’appui des Amis des Ecoles et de l’Association des Amis de Turin a été déterminant pour la prise en charge financière des enseignants. Nous pouvons par ailleurs compter sur MISEREOR dans le cadre du partenariat avec la Caritas nationale et dont le suivi a été confié à CORDAID pour la réhabilitation de certaines écoles et centres de santé dans le diocèse. Nous nous réjouissons de la reprise ces jours-ci des activités scolaires à Batangafo. Quelle ne fut pas la joie et le bonheur des enfants et de leurs parents ! Quel autre plus beau cadeau pourront-ils recevoir en ce temps de Noël ?

  Modestement et avec l’appui de l’UNICEF, la Coordination diocésaine pour la santé (CODIS) a relancé les activités au niveau du Centre de Santé de Bossangoa. Toutefois la politique de gratuité des soins adoptée par le gouvernement, sans les mesures inhérentes d’accompagnement, pèse sur la qualité des prestations que nous offrons à la population. Nous sommes souvent en rupture de stocks de médicaments et dans l’incapacité de prestement les renouveler. Dans les circonstances actuelles, pour renforcer nos capacités d’action, nous ne pouvons compter que sur la générosité de nos partenaires et amis, et non sur le corps du métier qui est totalement déficitaire.

  Les chantiers sont vastes et les besoins sont énormes. Pour une meilleure efficacité, il faut établir une liste de priorités. Les différents services du diocèse sont dans cette logique. Travaillant pour redonner à l’homme toute sa dignité, la Caritas diocésaine en partenariat avec CRS, FAO, PAM, Donegal Charity et Misean Cara en Irlande, s’est investie dans un vaste projet de sécurité alimentaire, dans la distribution des semences, des vivres et des non-vivres, dans la réhabilitation des maisons, dans l’équipement des handicapés moteurs en tricycles.

  Pour sa part, la Commission diocésaine de Justice et paix (CDPJ), en plus des enquêtes sur les violations des droits humains et la sensibilisation à ce sujet, organise une caravane de paix dans la ville de Bossangoa. Les activités à l’ordre du jour sont des tournois de football, de basket et un méga concert. Sont aussi prévues des projections de films suivies de débats. Pour les activités culturelles, nous avons besoin de mieux équiper le Centre culturel diocésain en matériel de sonorisation et de musique. Tout comme la Caritas, la Commission Justice et Paix est aussi impliquée dans la protection des civils.

Toujours dans le souci de proposer des solutions pérennes à cette crise militaro-politique, fondée essentiellement sur la pauvreté, le Diocèse reste attentif à toutes les initiatives qui empêchent le recrutement des rébellions. Le meilleur moyen d’y parvenir c’est d’occuper utilement les jeunes en leur proposant une formation qualifiante. C’est dans cette perspective que j’ai relancé, avec les moyens de bord, la menuiserie diocésaine et différents autres corps de métier relatifs à la construction, à savoir la plomberie, la maçonnerie, la soudure et l’électricité. J’ai aussi le projet de relancer le garage diocésain. Pour chacun des corps de métier cités ci-dessus, le personnel compétent pour l’encadrement est disponible. Ce qui nous manque, ce sont le matériel et les outils de travail.

  Nous inscrivons notre pastorale diocésaine en cette année du cinquantenaire dans l’auto-prise en charge. C’est dans cette perspective que j’ai investi dans une petite quincaillerie qui répond aux besoins de la population de Bossangoa et de ses environs. Un appui en gros véhicule renforcera davantage notre capacité et nous permettra par ailleurs de réduire les frais liés à la location des véhicules pour la distribution des vivres et des non-vivres. Toujours dans ce souci d’autofinancement, nous avons entrepris sur nos réserves un projet agropastoral (champ de manioc, culture de sésame, d’igname et de patates douces, plus une petite porcherie qui commence). Un projet d’élevage de porcins et de poulets villageois verra bientôt jour au petit séminaire grâce au fonds de solidarité de la Conférence Episcopale de France. Nous nous réjouissons de la reprise des activités dans cette institution qui prépare nos futurs candidats au sacerdoce. Des aménagements ont été faits pour faciliter la cohabitation du demi-millier des déplacés du site du petit séminaire avec les séminaristes sans trop perturber le rythme de leur programme de formation.

Alors que nous nous préparons à la célébration de la Nativité, je voudrais saisir cette occasion pour renouveler notre gratitude à tous les amis qui nous font confiance et nous appuient de diverses manières dans la réalisation de nos projets pastoraux. Sans revenir sur tous ceux qui ont été préalablement cités, je souhaiterais mentionner le District SMA de Strasbourg, les Provinces SMA d’Italie et d’Irlande, la Province des Capucins de France, le Collège des Missions Africaines de Haguenau, les Diocèses de Besançon et de Saint-Dié, la paroisse Saint John the Evangelist de Wesley aux Etats-Unis, sans oublier l’Association Alsace Bossangoa ainsi que les écoliers du nord d’Alsace.

Que la célébration de Noël soit pour chacun de nous un temps de grâce et de renouveau dans le Seigneur.

 Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA, le 19 Décembre 2014

B.P. 1728 BANGUI  République Centrafricaine

Courriel : nestorsma12(at)gmail.com