RCA / Sénégal: Martin Ziguélé a été reçu par le Président Macky Sall à Dakar

Publié le 20 décembre 2014 , 2:44
Mis à jour le: 25 décembre 2014 9:31 pm
Martin Ziguelé
Martin Ziguelé à Dakar. Photo: lequotidien.sn

A 58 ans, Martin Ziguélé  se positionne pour être président de la République centrafricaine (Rca), ravagée par un conflit politico-confessionnel dramatique. Il ne s’en détourne pas pour mettre son expérience au service de son pays. Ancien Premier ministre de Ange Félix Patassé, Martin Ziguélé livre son troisième essai. Candidat malheureux en 2005 et 2011,  il a été choisi par le Mouvement de libération du peuple centrafricain (Mlpc) pour participer à l’élection présidentielle prévue en juin et juillet 2015, lors d’un grand meeting organisé le 22 novembre à Bangui. Il serait l’un des plus sérieux prétendants au trône. En visite à Dakar, il parle dans cet entretien de la situation en Rca, de son programme de campagne et de sa visite au Sénégal. 

Vous avez été reçu par le Président Macky Sall. Sous quel angle peut-on analyser votre séjour au Sénégal ?
Je suis à Dakar où j’ai participé au Forum Paix et sécurité qui a été une rencontre pleine d’enseignements. J’ai effectivement rencontré le Président Macky Sall parce que le Sénégal est un modèle de stabilité politique et sociale. C’est un exemple de démocratie. Pour moi, il est important de venir au Sénégal pour avoir une perception de ce modèle qui fait la fierté de l’Afrique. Il est important de rencontrer les autorités sénégalaises pour parler aussi de la situation politique en République centrafri­caine et rencontrer le Peuple sénégalais.

Lors du Sommet de Dakar, il y a eu des échanges houleux entre le ministre français de la Défense et certains chefs d’Etat africains sur l’insécurité dans le Sahel provoquée par le chaos libyen ?
C’était une rencontre pleine d’enseignements. Parce que l’Afri­que doit être capable de prendre en charge sa propre sécurité en compagnie aussi de ses partenaires traditionnels. Ils ont parlé du Sud libyen qui a mis le chaos dans certains pays. Il est essentiel que la Force africaine de réaction rapide soit opérationnelle pour faire face aux urgences sécuritaires du continent.

Justement quelle est la situation politico-sociale en Ré­publique centrafricaine ?
Il faut reconnaître que la situation est toujours volatile. Aujour­d’hui, la capitale Bangui a tout de même retrouvé un peu de calme. La Rca est un vaste pays qui a pratiquement la même superficie que la France. Je souhaite seulement que l’arrière-pays retrouve le niveau relatif de sécurité de la capitale. Avec le déploiement des effectifs des casques bleus et les militaires français de l’opération San­garis, la situation s’est améliorée. Après l’effondrement de l’Etat, ce n’était pas une situation facile. Même les experts militaires déplorent l’insuffisance des effectifs des forces internationales. Ils font un travail extrêmement difficile et ingrat, en raison même de la complexité de la situation et de leurs effectifs compte tenu de l’immensité de notre territoire. Il faut continuer à travailler pour rétablir la sécurité et l’ordre et la paix qui font gravement défaut dans notre pays à la suite du total effondrement de l’Etat.

La situation n’est pas désespérante ?
Il faut reconnaître que tous les hommes politiques ont failli parce que nous avons failli à notre première mission, celle de construire un Etat, une Armée, pour protéger ce pays. Il faut que les Centrafri­cains se parlent en vérité entre eux pour se pardonner et se réconcilier. Il nous faut reconstruire une Armée et savoir qui fait quoi en matière de sécurité. Parce que les Faca (Forces armées centrafricaines) ne sont pas opérationnelles. Cela ne peut plus durer. Je ne crois pas une seule seconde qu’on puisse ramener la paix si les Forces armées sont sur la touche.

Vous avez été désigné candidat du Mouvement de libération du peuple centrafricain à la présidentielle. Sur quoi allez-vous axer votre candidature ?
Ma candidature sera axée sur la réconciliation. Nous sommes un pays riche, vous ne trouverez pas un mètre de sable dans ce pays. Tout est vert. Nous avons de l’or, du diamant, de l’uranium. La Centrafrique est un pays qui a des ressources. Son seul problème, c’est la prédation. Il nous manque juste la paix, la réconciliation et l’emploi. Il faut démarrer le dialogue à la base, dans les villes de l’intérieur du pays, avant d’amorcer un mouvement national. Nous devons rester unis et soudés. Nous devons aller partout, auprès de nos frères et sœurs, parler du même langage de l’unité, parler de la réconciliation, parler du dialogue et de la paix. C’est pour cela que le forum de Bangui sera important si on arrive à mettre en place ce processus.

Dans un pays où il y a l’effondrement de l’Etat et le chaos, est-ce possible d’organiser des élections ?
C’est une très bonne question. La transition doit s’atteler à remettre en place l’autorité de l’Etat, une Armée solide et bien restructurée pour organiser ces élections parce que notre pays a besoin de paix et de stabilité pour sortir de cette impasse. D’ici le scrutin (juin 2015), on doit pouvoir réaliser des progrès dans le domaine sécuritaire pour organiser le scrutin sur l’ensemble du territoire national. La date retenue me semble assez bien indiquée pour organiser cette élection.

Vous avez été Premier ministre de l’ex-chef de l’Etat Ange Félix Patassé (2001-2003) et candidat aux Prési­dentielles de 2005 et 2011. Votre passé plaide-t-il pour vous ?
Tous les hommes politiques centrafricains ont une responsabilité dans ce qui se passe chez nous. Oui, quand on est citoyen d’un pays et quand on a eu en Rca des responsabilités à un niveau gouvernemental, on est quelque peu responsable de ce qui arrive dans le pays. Etre responsable, ce n’est pas être coupable. Je n’ai jamais pactisé avec qui que ce soit pour porter des armes contre le peuple centrafricain. Nous n’avons jamais été le cheval de Troie des forces hostiles à notre Nation, à l’intérieur de ce pays et nous avons la conscience tranquille sur ce point. Pour moi, ce passé ne constitue pas un handicap parce que la Rca a besoin de paix et de stabilité.

La présidente de transition, Catherine Samba-Panza doit-elle diriger le pays jusqu’aux élections ?
Pour nous, il n’y a pas de raison qu’elle ne reste pas. Ce n’est pas un problème de personnes. On a vu ce que la première transition a donné. C’est souhaitable qu’elle reste pour conduire le processus. Aujour­d’hui, la majorité des acteurs centrafricains considèrent que toute instabilité à la tête de l’État ralentirait le processus électoral. Elle a été désignée Présidente de transition dans un contexte assez difficile.

Elle est en place depuis presque un an, (elle a été choisie Présidente de transition en janvier 2014) a-t-elle rempli sa mission ?
Elle est arrivée dans une situation extrêmement délicate. Les choses se sont un peu améliorées notamment dans le domaine de la sécurité. Même si la situation reste volatile. Comme je l’ai dit tantôt, ce n’est pas une question de personnes. Elle avait fait une erreur politique en nommant un Premier ministre (André Nzapayéké) qui a mis en place un gouvernement de technocrates dans un contexte de crise politique aiguë. Cette équipe a été prise en otage par les forces rebelles, Séléka et anti-balaka, et a produit peu de résultats en huit mois. Depuis le remaniement, les choses ont évolué.

Les anciens Présidents Michel Djotodia ou François Bozizé doivent-ils participer aux pourparlers dans la perspective du forum de Bangui ?
Il faut analyser la situation : Comme je l’ai dit, le dialogue n’est pas un prétexte pour consacrer l’impunité. Lorsqu’on a du sang sur les mains, il faut en rendre compte. Pour les anciens Prési­dents, il faut voir leur degré d’implication dans certains massacres commis dans ce pays. La question de leur participation ou non se situe à ce niveau. Lorsque Bangui et toutes les grandes villes de provinces seront débarrassées des nombreuses armes et munitions de guerre ainsi que des explosifs qui circulent actuellement et qui sèment la mort et la désolation, les Centrafricains retrouveront un peu de quiétude. Depuis l’aggravation de cette crise que connaît notre pays, que la seule solution du retour de la sécurité et de la paix demeure le désarmement de toutes les bandes armées que le Conseil de sécurité des Nations Unies a prescrit dans plusieurs de ses résolutions et que les forces internationales présentes dans notre pays ont mandat d’appliquer.

Le gouvernement de transition a porté plainte à Paris contre le clan de l’ex-chef de l’Etat, François Bozizé, pour enrichissement illicite en parlant de pots-de-vin, de biens immobiliers et d’autres biens de luxe… C’est une démarche à encourager ?
C’est une bonne démarche parce que l’argent des Centrafricains doit profiter aux Centrafricains. La Rca est un pays immensément riche. Nous sommes tous d’accord : les deniers de l’État ne doivent pas profiter à un clan ou à un autre. Maintenant, nous attendons avec impatience les résultats de l’enquête. La gestion de tous les régimes, qu’il s’agisse de François Bozizé, de Michel Djotodia ou d’Ange-Félix Patassé, doit être soumise à un audit. C’est une question importante qu’il faut gérer dans la transparence.

bsakho@lequotidien.sn

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