Le ministère centrafricain de la culture manque d’initiatives

Publié le 7 septembre 2014 , 11:59
Mis à jour le: 7 septembre 2014 11:59 pm

Corbeau News Centrafrique.

On ne parlera assez de ce département ministériel qui a toujours fait l’objet de ballottage dans toutes compositions du gouvernement que le pays a connu depuis l’indépendance en 1960 jusqu’à l’avènement de la démocratie et le pluralisme en 1990. Aucune traçabilité ni visibilité en matière de politique culturelle mise en évidence. Cette crise artistique et culturelle se voit à l’œil nu depuis que l’ancien président de la République, feu Jean Bedel Bokassa a perdu le pouvoir en 1979 suite à l’émeute estudiantine. Il n’y a pas eu des professionnels au sein du gouvernement pour relever le défi. Malheureusement, le despote combattu à cette époque par bon nombre d’intellectuels et étudiants, était le seul parmi les chefs d’Etat qui ont gouverné la République centrafricaine, lequel avait une vision politique en matière des arts et de la culture.

Le Ministre Centrafricain de la culture manque des initiatives
La culture qui fait l’identité d’une nation doit être perçue comme un ensemble des caractéristiques propres à un peuple qui a un destin commun basé sur ses valeurs naturelles. Facteur de progrès social, cette culture faisait partie des priorités de l’ère Bokassa qui a vu des actes concrets posés par un chef d’Etat à la hauteur de ses prérogatives. Sur la base de la langue nationale qui est le « sango », parlé sur toute l’étendue du territoire par les populations et communautés qui vivaient en parfaite harmonie, l’ancien président faisait du socle de l’unité son cheval de bataille. N’eut été les changements politiques qui ont régressé le pays, le sango serait déjà enseigné dans les écoles nationales et l’unique université de Bangui. Il va sans dire que les secrets d’Etat se communiquaient en langue nationale et des messages forts à la nation sont relevés dans la plupart des discours politiques prononcés en sango.

Politiquement, tous les présidents centrafricains qui se sont succédé à la tête de l’Etat ont hérité la clé de cette dignité nationale pour faire passer facilement les messages à la population. Le rêve de Bokassa était de transformer la Suisse africaine d’antan qui fait bon vivre en une puissance artistique et culturelle de la sous-région d’Afrique centrale. La République centrafricaine serait passée pour la plaque tournante du continent en matière d’Art et de la Culture africaine, pour ne pas dire la Renaissance de la culture que le président fondateur, Barthélemy BOGANDA voulait institutionnaliser dans son programme des nations unies de l’Afrique centrale et latine (MESAN).

Les artistes et écrivains centrafricains bénéficieraient normalement des fruits de leurs œuvres si ce programme de grand ensemble n’était pas contesté par le pays colonisateur et les traîtres africains. Après la disparition précoce de Barthélemy BOGANDA en 1959  dans un accident d’avion dans la région de l’ouest du pays, le président Jean Bedel Bokassa avait commencé de poser les premiers jalons pour l’émergence et le développement artistique et culturel en faisant des trois premiers grands orchestres de la nation (Centrafrican Jazz, Tropical Fiesta et Vibro-Succès) des orchestres d’Etat. Les musiciens de ces orchestres nationaux qui vibraient le pays aux rythmes de leurs musiques faisaient partie de la suite présidentielle à chaque voyage officiel ou privé du président de la République tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, ainsi que les groupes de danse traditionnelle tels que le Ballet national et le groupe Yangbabolo. Et pour cause, leurs instruments de musique sont renouvelés chaque année à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance (1er décembre), accompagnés des cachets de prestation.

Au programme des paquets à moyen et long terme, les projets de studio d’enregistrement de haut de gamme et la mise en place du Bureau National des Droits d’Auteurs qui se murissaient dans les échanges fructueux entre le président Jean Bedel Bokassa et les Chefs d’orchestre qui étaient considérés officieusement au rang de ministre. Il s’agissait de Charlie Perrière de Tropical Fiesta, feu Prospère Mayélé de Centrafrican Jazz et feu Adolphe Gbékpa de Vibro-Succès. Beaucoup de projets étaient en vue, d’ordre immobilier pour que les musiciens vivent une vie décente.
A la chute de l’Empereur roulé dans la farine par l’ancien président français Valery Giscard d’Estaing, le plus grand studio d’enregistrement d’Afrique construit à Bérengo, son village natal, a été sauvagement vandalisé et pillé par les premiers envahisseurs et les badauds. Les artistes centrafricains qui tirent aujourd’hui le diable par la queue  ne devaient pas errer dans la nature et mourir suite à des maladies bien guérissables si toutes ces structures étaient conservées et protégées. Des centaines d’artistes de talent sont morts parce qu’il leur manque juste de petits moyens pour payer les médicaments de moins de 500 fcfa seulement. D’autre part, le musée BOGANDA qui accueille des expositions artistiques et culturelles tombe en ruine. Ceci étant, la République centrafricaine perd sa dignité et son bonheur national.
Depuis la catastrophe en date du 24 mars 2013 qui a plongé le pays dans le chaos total, on ne peut parler de la culture nationale qui ne s’est pas encore visible sur le plan international pour attirer des investisseurs et touristes quand bien même que le pays regorge une diversité culturelle immensément riche. Les dégâts sont énormes et il nous faut des réparations d’urgence et un bon programme d’émergence. La Centrafrique a besoin aujourd’hui des infrastructures dignes de ce nom pour abriter des festivals, biennal et colloques, les jeux de la francophonie, etc. Que va-t-il faire le ministre de Catherine Samba-Panza qui maîtrise aucunement rien dans ce domaine ? En tout cas, dans trois mois comme la présidente a si bien dit, on évaluera ce que le chef du département de tutelle a fait en matière des Arts et de la Culture. Je crois que les professionnels des médias centrafricains le tiennent à l’œil. Idem pour les autres départements.
Il est à noter que le pays fait partie des pays signataires de la Charte Culturelle Africaine  dont la Convention Internationale sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses protocoles additionnels a été adoptée en 1954. L’inobservation de cette convention par les autorités du pays, et particulièrement les barbares qui ont pris le pouvoir par les armes est un obstacle pour le développement et la renaissance culturelle africaine.
Pendant la crise, l’article 10 de cette Charte culturelle africaine était bafoué à jamais que les acteurs de cette criminalité restent encore impunis alors que méritaient des sanctions au niveau de la juridiction nationale et internationale. Je dirai que ces prédateurs cinglés qui rament à contre-courant de l’humanité et le bien-être du citoyen n’ont pas une notion de culture pour qu’ils en fassent une priorité.
Comme toute autre qui fait l’histoire d’un pays, la crise centrafricaine il faut le relever, a produit des œuvres artistiques, théâtrales et musicales en faveur de la paix qu’il faut capitaliser. Fort est de constater que le gouvernement de transition que dirige Catherine Samba-Panza et ses premiers ministres, André Nzapayéké le sortant et Mahamat kamoun l’entrant, manque d’initiatives pour donner un nouveau visage à la République centrafricaine dont la capitale Bangui s’appelait autrefois « Bangui la coquète ville de pari » avec fierté. Et si Dame Samba-Panza avait choisi comme premier ministre Jean-Barkes Ngombe-kette ? Celui que je cite n’est qu’un exemple car il avait essayé en sa qualité de premier citoyen de la ville de Bangui sous le régime Bozizé et ce dernier a gagné je crois, la confiance de 90% des banguissoises et banguissois. Aujourd’hui, ce compatriote lorgne le fauteuil présidentiel il me semble. C’est normal. Tout centrafricain qui a la capacité de vouloir prendre la destinée du peuple centrafricain peut le faire en toute liberté en remplissant bien entendu les critères d’éligibilité.
En effet, des artistes nationaux et internationaux de renom comme Youssou Ndour, Papa Wemba, Théo Mobanza, Idylle Mamba, Bibi Tanga, Max Gazoulema, Léticia Zozambé, Malépopo, Ngoutiwa, pour ne citer que ceux-là ont chanté pour le retour de la paix en Centrafrique. Ajoutant à ces productions musicales, des acteurs du monde footballistique ont apporté leur contribution à travers des messages forts pour la paix en Centrafrique. Je cite entre autres les footballeurs, l’ivoirien Yaya Touré, le camerounais Samuel Eto’ et bien d‘autres que j’ignore les noms. Les autorités de Bangui sont restées insensibles à ces messages, ces gestes d’amour, de solidarité et d’humanisme. Elles ne se contentent que des détournements de diamants et l’enrichissement illicite.
Catherine Samba-Panza et ses ministres ont intérêt à se réveiller pour accélérer la cadence en tenant compte de la culture qui est un vecteur non négligeable de réconciliation des communautés qui vivaient en symbiose mais divisées aujourd’hui par des barbares de notre siècle pour leurs intérêts personnels. Avec l’arrivée des casques bleus en Centrafrique, une raison de plus pour rassurer la population qu’il y ait la sécurité, qu’il en aura pour toujours à Bangui et dans les 16 provinces du pays et que des rencontres artistiques et culturelles d’envergure peuvent se tenir en Centrafrique, du nord au sud et de l’est à l’ouest.
Pour votre gouverne, j’ai l’obligation de mettre à votre disposition cet extrait de la Charte en son article 10.

LA CHARTE DE LA RENAISSANCE CULTURELLE AFRICAINE

Article 10

1.      Les Etats s’engagent à assurer l’introduction des valeurs culturelles africaines et les principes universels des droits humains dans l’enseignement et dans les programmes d’information et de communication.
2.      Les Etats s’engagent en outre à :

– protéger et promouvoir la liberté des artistes, des intellectuels, des hommes et des femmes de culture ;
– Protéger et valoriser le patrimoine culturel matériel et immatériel;
– soutenir financièrement et matériellement les initiatives culturelles au niveau de toutes les couches de la société ;
– faciliter l’accès de toutes les composantes de la population à l’éducation et à la culture.

A bon entendeur !

journaliste politique et culturel
journaliste politique et culturel

Par: Pierre INZA

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