Massacre de Notre-Dame de Fatima : Une justice à sens unique ??

Massacre de Notre-Dame de Fatima : Une justice à sens unique ??

 

Un accusé devant la barre de la CPS à Bangui. CopyrightCNC
Un accusé devant la barre de la CPS à Bangui. CopyrightCNC

 

L’enquête sur l’attaque de la cathédrale Notre-Dame de Fatima en 2014 prend une tournure controversée. La Cour pénale spéciale (CPS) de Bangui a annoncé le 5 septembre 2024 l’arrestation d’Abakar Zakaria Hamid, alias SG, dans le quartier PK5 de la capitale. Cette nouvelle interpellation ne fait qu’accentuer les questionnements sur l’équité de la justice en Centrafrique.

 

Bangui, 09 septembre 2024.

 Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.

 

Depuis le début de cette investigation, huit suspects ont été appréhendés. Un point commun les relie : tous semblent appartenir à la communauté musulmane du quartier PK5, soit dans la milice d’autodéfense du même quartier. Cette situation alimente les critiques d’une justice sélective, négligeant la possible implication d’autres acteurs dans ces violences.

 

Gisèle MOLOMA, journaliste centrafricain expérimentée, ne mâche pas ses mots : “Les miliciens anti-Balaka ont d’abord attaqué une position de la milice d’auto-défense du quartier PK5. Quand ces derniers ont riposté, les anti-Balaka se sont repliés dans l’église catholique”.

La suite des événements prend une tournure tragique. “Les anti-Balaka, voyant arriver les miliciens du PK5, ont sauté par-dessus le mur de l’église pour s’enfuir”, poursuit Moloma. “Les miliciens du PK5, croyant que leurs adversaires étaient toujours à l’intérieur, ont alors ouvert le feu sans discernement sur les fidèles”.

 

Cette fusillade a coûté la vie à plusieurs personnes innocentes, dont l’abbé Paul Emile Nzale. Les fidèles, étrangers à ce conflit, se sont retrouvés pris au piège d’une violence aveugle.

 

“L’enquête doit être menée des deux côtés”, insiste Moloma. “Il faut interroger les miliciens anti-Balaka qui ont provoqué cette crise, mais aussi les membres de l’auto-défense du PK5 qui ont massacré ces fidèles innocents”.

 

“La CPS ne doit pas devenir un instrument politique au service du pouvoir”, met en garde un activiste politique du quartier PK5. “Pour la justice, pour la paix, pour honorer la mémoire des victimes, les deux camps doivent rendre des comptes”. Cette impression d’une justice déséquilibrée menace de saper les efforts de réconciliation nationale.

 

La réputation de la Cour pénale spéciale est en jeu. Établie en 2015 pour enquêter sur les crimes graves commis depuis 2003, elle doit prouver sa capacité à poursuivre tous les responsables, sans distinction d’appartenance politique ou religieuse. Le procureur spécial Toussaint Muntazini a récemment réitéré cet engagement : “Nous continuerons nos efforts pour que justice soit rendue aux victimes, peu importe l’identité des auteurs des crimes”.

 

Le dossier de la cathédrale de Fatima n’est qu’un exemple parmi d’autres en attente de justice. Le massacre d’Alindao en 2018, qui a ôté la vie à des dizaines de personnes dont deux prêtres, nécessite aussi une enquête approfondie. Dans les provinces reculées, y compris dans la capitale, de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité auraient été commis par divers groupes armés.

 

“La CPS doit enquêter sur tous ces cas”, insiste Moloma. “Il y a d’autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité partout dans le pays, y compris à Bangui.” L’action de la Cour sera examinée attentivement pour évaluer sa capacité à combattre l’impunité de manière équitable et exhaustive.

 

Dans ce climat tendu, l’arrestation d’Abakar Zakaria Hamid le 4 septembre marque néanmoins une étape dans l’enquête sur l’attaque de Notre-Dame de Fatima. Selon le communiqué de la CPS, le suspect a été interpellé suite à un mandat d’arrêt émis par les juges d’instruction de la CPS en juillet 2022. Le lendemain, il comparaissait pour son premier interrogatoire.

 

Les accusations portées contre lui sont graves. Abakar Zakaria Hamid est inculpé de crimes contre l’humanité, notamment pour meurtre, extermination, persécution et disparition forcée. Il est aussi accusé de crimes de guerre, incluant des attaques contre la population civile et contre des lieux de culte.

 

Ces charges rappellent la brutalité des événements du 28 mai 2014. Ce jour-là, des hommes armés avaient pris d’assaut l’église Notre-Dame de Fatima, tuant plusieurs personnes dont l’abbé Paul Emile Nzale. Un acte qui avait ravivé les tensions intercommunautaires dans un pays déjà fragilisé par les violences.

 

Sept autres personnes avaient déjà été inculpées dans cette affaire, rappelle la CPS. Parmi elles, on trouve Adamou Yalo (alias Adamou Jesus), Hadiatou Gary, Abdel Kader Ali (alias Americain) et Youssouf Amat Youssouf. Tous bénéficient pour l’instant de la présomption d’innocence, l’instruction se poursuivant à charge et à décharge.

 

La CPS, juridiction mixte intégrée au système judiciaire centrafricain, joue un rôle déterminant dans la lutte contre l’impunité. Son mandat, couvrant les crimes graves commis depuis 2003, lui confère une responsabilité importante dans le processus de justice transitionnelle.

 

Malgré les critiques, chaque arrestation représente un pas potentiel vers la justice pour les victimes et leurs familles. À condition que le processus judiciaire reste équitable, transparent et inclusif, la CPS peut contribuer à la réconciliation nationale.

 

Le chemin vers la paix en République centrafricaine reste long et parsemé d’obstacles. L’action de la CPS, si elle parvient à dissiper les doutes sur son impartialité, pourrait jouer un rôle clé dans la guérison des blessures du passé. Mais pour cela, elle devra démontrer sa volonté d’enquêter sur tous les crimes, sans distinction des auteurs présumés.

 

L’avenir dira si la CPS saura relever ce défi crucial pour la stabilité et la réconciliation en Centrafrique. En attendant, les yeux restent rivés sur l’évolution de l’enquête sur l’attaque de Notre-Dame de Fatima, symbole des défis judiciaires auxquels le pays doit faire face.

 

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