Les principes démocratiques violés par le projet de la nouvelle constitution de Touadera
Bangui, 13 juillet 2023 (CNC) – Dans le débat actuel autour du projet de la nouvelle constitution initié par le Président de la République, Faustin Archange Touadera, il est essentiel de mettre en évidence les incohérences et les violations des principes démocratiques qui y sont présentes. Cette analyse vise à souligner certains aspects problématiques de la constitution proposée, mettant ainsi en lumière les défis auxquels la démocratie centrafricaine pourrait faire face.
Tout d’abord, la question de la séparation des pouvoirs est mise en avant. Monsieur NGUEMALE souligne que le rôle assigné au chef de l’État dans l’article 65 viole ce principe fondamental. En confiant au Président de la République la responsabilité de veiller au respect de la constitution, on établit une situation où le chef de l’État est à la fois joueur et arbitre. Selon le principe de séparation des pouvoirs, il devrait exister une magistrature constitutionnelle indépendante chargée de veiller au respect de la constitution, de trancher les conflits de compétence entre les pouvoirs exécutif et législatif, et de statuer sur la constitutionnalité des lois et règlements. Si le Président de la République s’approprie ce rôle, il remet en question l’indépendance de la magistrature constitutionnelle, ce qui est contraire aux principes démocratiques.
De plus, le fait que le Président de la République préside le Conseil Supérieur de la magistrature et d’autres institutions judiciaires, tel que stipulé à l’article 16, pose également problème. Cela contredit le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire énoncé à l’article 124, qui affirme que ” la justice constitue un pouvoir indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif “. Comment le pouvoir judiciaire peut-il être indépendant du pouvoir exécutif si le chef de l’exécutif préside le Conseil Supérieur de la magistrature ? Cette ambiguïté entache l’indépendance du pouvoir judiciaire et remet en question le principe de séparation des pouvoirs.
Un autre point soulevé par Monsieur NGUEMALE concerne la légitimité du vice-président. Selon l’article 83 de la nouvelle constitution, le vice-président devient président en cas de vacance du poste ou en cas d’absence sur le territoire national. Cependant, cela va à l’encontre du principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple. Le vice-président n’est pas élu par le peuple, mais nommé et révoqué par le Président de la République Touadera en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires, et à ce titre, il n’est responsable que devant lui seul. Par conséquent, il ne peut pas, en vertu de l’article 4 de la constitution, remplacer le président de la République dont les pouvoirs émanent du peuple. Selon Monsieur NGUEMALE, l’autorité légitime à la deuxième personnalité de l’État devrait être le président de l’Assemblée nationale élu au suffrage universel des représentants du peuple.
Enfin, la hiérarchie de la constitution elle-même est remise en question. La nouvelle constitution réduit les pouvoirs du Conseil constitutionnel (anciennement appelé la Cour constitutionnelle) et supprime son caractère juridictionnel. De plus, la composition du Conseil constitutionnel avec 6 membres désignés par les autorités politiques et seulement 5 juristes pose un déséquilibre. Cette réduction des pouvoirs et cette composition du Conseil constitutionnel affaiblissent son rôle de contrôle de constitutionnalité. De plus, la nomination des membres par le président de la République sans inamovibilité, contrairement à l’ancienne constitution, expose ces membres à une instabilité durant leur mandat.
Ceci dit, le projet de la nouvelle constitution soulève de nombreuses préoccupations sur le respect des principes démocratiques. La procédure d’élaboration exclusive et non démocratique, l’accent mis sur les pouvoirs du chef de l’État au détriment de la séparation des pouvoirs, la question de légitimité du vice-président et la hiérarchie de la constitution sont autant de problèmes soulignés par Monsieur NGUEMALE. Ces violations potentielles des principes démocratiques soulèvent des préoccupations quant à la nature démocratique de cette nouvelle constitution.
Par Gisèle MOLOMA
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