Léonelle, 19 ans, réfugiée de la Centrafrique : “J’ai laissé une jambe à Bangui”

Publié le 3 novembre 2014 , 11:43
Mis à jour le: 3 novembre 2014 11:43 pm

Starducongo.com | Corbeau News Centrafrique (CNC): 04-11-2014,  03h36

Refugiée centrafricaine à BetouLéonelle, 19 ans, réfugiée de Centreafrique : ” Elle n’avait jamais quitté Bangui, sa ville natale. A dix neuf ans, elle a voyagé pour la première fois, oui mais, sur une seule jambe ! Avant cela, elle avait quitté ses études pour fuir les viols des Milices de la Seleka commis dans les classes de son lycée. La capitale est à feu et à sang et c’est au marché que Léonelle trouve refuge en aidant sa mère pour son petit commerce. Et puis il a fallu qu’elle tombe malade, qu’elle reste quelques jours à la maison.

Ce jour où sa vie bascule elle est seule ou presque. Pas tout à fait seule, il y aussi son petit frère Jordi qui joue près d’elle, il y a surtout cet enfant qu’elle porte dans son ventre depuis six mois. Le futur papa s’appelle Arnault, ce jour là il est ailleurs, ce jour maudit où trois musulmans armés entrent dans la maison. Et c’est Arnault qu’ils cherchent… Et c’est la maison qu’ils fouillent…

Léonelle ne dira rien d’où est son mari. “Si tu ne le dis pas, c’est toi que l’on va tuer à sa place” ! Mais les soldats tchadiens de la Seleka ne sont pas tous d’accord sur cette condamnation à mort improvisée et parlementent longuement entre eux tandis que Léonelle est couchée à même le sol, arme braquée sur la tempe. Au final, ils ont posé leurs mains sur sa bouche pour l’empêcher de crier : “Si tu cries on te tue” et puis c’est une balle qui n’a pas le temps de siffler et une autre, à bout portant dans le pied ! “Nous reviendrons” ! Et ils reviennent : Plus tard à l’hôpital alors qu’Arnaud est allé par “chance” à la pharmacie… Pour Léonelle c’est la dernière fois qu’elle voit son mari, sans savoir si aujourd’hui il est vivant où mort ! Pour le chirurgien, le verdict est sans appel : “Il faut amputer cette jeune femme” ! Quelques temps plus tard, à l’aéroport de Bangui M’Boko où sont déplacés de nombreux civils, Léonelle met au monde son bébé, il s’appelle Arnel et c’est lui désormais qui la porte sur la terre, lui qui lui redonne son sourire : immense ! Et Léonelle sourit aux anges !

Pour oublier la crise sécuritaire, un camion de fortune emporte alors la jeune maman et l’enfant. Avec eux : Ghislaine, la mère de Léonelle, Jordi le petit frère. Le frère ainé aura eu moins de chance et laissé sa vie à Bangui dans cette guerre civile, un autre frère et une soeur ont réussi à fuir à Brazzaville. Le camion de fortune s’arrête à Betou, au Nord Est de la République du Congo. Réfugiée au camp du 15 avril, Léonelle doit reprendre la “marche” de sa vie avec de vieilles béquilles de bois, elle qui aimait danser hier la rumba. Lylian, psychologue à l’UNFPA (Fond de Population des Nations Unies) l’aide à vaincre ses incessants cauchemars, l’encourage à sourire et sourire encore et toujours à son bébé. Léonelle aimerait reprendre ses études, là où elle les avait laissées, en classe de seconde, oui, mais pas avant de se sentir une élève comme les autres, du moins en apparence. Car elle n’a plus qu’un seul rêve : Une prothèse !

Après 9 mois passés à Betou son rêve s’apprête à devenir réalité. L’antenne Congo Brazzaville de l’UNFPA , qui lui porte assistance dans son rôle de femme et de mère, a pris toutes les dispositions nécessaires pour qu’elle voyage en ce début novembre jusqu’à Brazzaville et pour qu’elle retrouve artificiellement l’usage de sa jambe. Léonelle, dans un sourire plus large encore, pourra porter son bébé âgé aujourd’hui de 7 mois dans ses bras, reprendre ses études… L’histoire de Léonelle sera interprétée prochainement par Idylle Mamba, chanteuse Centreafricaine, actuelle finaliste du Grand Prix RFI 2014 et interprète de “One Africa” un titre enregistré avec Youssou N’Dour en faveur de la paix en Centreafrique !

Nota : Depuis le début de la crise sociopolitique qui a déstabilisé la RCA en décembre 2012, des dizaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir le pays pour trouver refuge dans les pays voisins, dont la République du Congo. Dans ce contexte intervient l’UNFPA (Fond de Population des Unies) en faveur des femmes, dans le but de participer à la réduction du niveau élevé de risques de morbidité et de mortalité maternelle auxquels peuvent être confrontées les filles et femmes en âge de procréer qui, vivant leur sexualité dans un environnement non maîtrisé et souvent avec des moyens financiers limités sont exposées à des grossesses précoces ou non désirées mal suivies, voire à des avortements et accouchements risqués, aux contaminations aux IST/MST/VIH-SIDA et aux violences sexospécifiques.

 

 

Betou, (Starducongo.com)
Philippe Edouard
Avec le Fond de Population des Nations Unies

 

 

 

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