CENTRAFRIQUE : UNE NUIT DE LONGUES MACHETTES EN GESTATION ?

Publié le 4 décembre 2018 , 5:34
Mis à jour le: 4 décembre 2018 5:34 pm
Bain de foule du Président Faustin Archange Touadera, CopyrightDR
Bain de foule du Président Faustin Archange Touadera, CopyrightDR

 

CENTRAFRIQUE : UNE NUIT DE LONGUES MACHETTES EN GESTATION ?

 

 

LES PRÉVISIONS APOCALYPTIQUES DU

PRÉSIDENT  

          Faustin-Archange Touadera lui-même n’hésite pas à avertir ses concitoyens de l’imminence de graves violences. Ne vient-il pas de déclarer, dans un entretien avec la journaliste Maria Malagardis du quotidien français Libération : « il y a de graves violences qui se préparent » ?

          Mais de quels gaves violences peut-il parler, alors que le pays est déjà à feu et à sang ? S’il a des informations sur ceux qui vont surgir, qu’il en informe au plus vite la population et la prépare à résister ! Est-ce pour suggérer à ses concitoyens un péril absolument inévitable qu’il lance ce cri de détresse ? Comment les Centrafricains vont-ils pouvoir appréhender et vivre l’oracle funeste du président ? Est-il raisonnable, pour le plus haut responsable de l’État, de formuler une prévision aussi effrayante alors qu’il est chargé de rassurer et de protéger ses concitoyens ?

           Dans un pays traumatisé par les massacres et les incendies de villages à caractère confessionnel, dans un pays en ruine où se pavanent, sans être inquiétés, des chefs de guerres sanguinaires, auteurs de crimes de guerres et de crimes contre l’humanité, faut-il ajouter la peur et le désespoir au sein d’une population déjà meurtrie ?

          A cette population abandonnée par des dirigeants incapables de la protéger, livrée à la barbarie de séditieux assoiffés de pouvoir et de sang, n’eût-il pas été plus judicieux de lancer un message d’espoir et de paix ?

LE TERRIBLE CONSTAT DE TOUADERA

          A la question de notre consœur de Libération sur la situation de la Centrafrique aujourd’hui, le président répond avec une sorte de lassitude et d’impuissance, en énumérant les maux auxquels est confronté le pays depuis environ cinq ans.

          « La priorité, c’est toujours la sécurité et la paix. Avec l’aide de certains de nos partenaires étrangers, (alors que beaucoup ont échoué dans leur mission de paix en Centrafrique) nous avons lancé la reconstruction de l’armée, qui était complètement effondrée… »

          Il évoque ensuite le DDDRR qui piétine, l’initiative de paix de l’Union Africaine qui ressemble pour l’instant à un fiasco, ainsi que celle initiée par les Russes à Khartoum au Soudan. « Mais, comme on a pu malheureusement le voir à Alindao, certains groupes armés continuent d’alimenter la terreur… »

          Terrible constat, qui symbolise toute l’impuissance des dirigeants face aux groupes armés et le désespoir d’une population martyre. 

A PROPOS DES RUSSES

          « Votre collaboration avec la Russie suscite également des interrogations » remarque la journaliste. Réponse du président : « c’est simplement un soutien, une aide. Les Russes nous ont proposé un don de 5 000armes individuelles. Ce don a ensuite été morcelé par le Conseil de Sécurité en trois livraisons. Ce n’est pas suffisant. Et pourquoi la deuxième a-t-elle été bloquée ? »

          En fait, si la livraison d’une partie des armes russes à la Centrafrique ne s’est pas faite, c’est à cause de la mauvaise humeur des Occidentaux au Conseil de Sécurité. Car ils voient d’un très mauvais œil la prédominance des Russes dans le pays de Boganda.

          En attendant, les Députés  centrafricains viennent d’exiger la levée totale de l’injuste embargo, avec l’adhésion totale du président Touadera qui ne cesse d’en réclamer la fin.

          Mais ce qui manque dans cet entretien, c’est ce que les Centrafricains peuvent attendre des Russes. Pour l’heure, ceux-ci semblent davantage préoccupés par les exploitations minières que par le désarmement des rebelles.

          Or, si le président Touadera a sollicité l’assistance militaire de la Russie, c’est parce que son pays sans défense allait devenir une proie facile pour les bandes armées.

          Et surtout parce que les forces françaises et onusiennes avaient échoué dans leur mission de paix et de réconciliation. Si vraiment les puissances étrangères, qui se disent amies de la République Centrafricaine, avaient été animées par la volonté de sauver le pays de Boganda et de l’aider à recouvrer la paix, elles auraient agi autrement. Leur comportement ambigu n’a fait que renforcer les rebelles – en particulier, le retrait prématuré de la force française Sangaris, la seule qui était redoutée de l’ex-Séléka.

DES PISTES POUR SORTIR LA CENTRAFRIQUE DU CHAOS ?

          Dans un premier temps, la France doit, en urgence, reconsidérer son assistance militaire à la Centrafrique. Il faut qu’elle mette un terme à cette sorte de guerre froide larvée qui l’oppose à la Fédération de Russie. On dirait d’inutiles chamailleries infantiles, vu le drame qui se joue en Centrafrique.

          Car la priorité pour les Centrafricains, c’est de sauver leur pays de la débâcle. Il est donc impératif que ces puissances étrangères, qui se disent amies de la RCA, cessent leurs obscurs calculs d’intérêts et d’influences. Elles doivent unir leurs forces à celles de l’Armée Centrafricaine, afin de l’aider à reconquérir le pays et à protéger la population. Si une coalition militaire franco-russo-centrafricaine se met en place, les ex-Sélékas n’auront pas les moyens de résister. Ils ne pourront que déposer les armes et se rendre sans conditions aux pourparlers de paix.

          Mais il faut aussi une initiative purement centrafricaine pour sortir de l’imbroglio des pourparlers de paix. Pourquoi ?

          Parce que les puissances étrangères initiatrices de ces pourparlers tirent à hue et dia pour sauvegarder leurs intérêts. Les accords sitôt conclus sont immédiatement violés. Les Centrafricains sont manipulés, la République Centrafricaine est prise en otage, seules comptent les visées impérialistes des puissances étrangères. Il est donc fortement à craindre que la paix en République Centrafricaine ne soit pas près de voir le jour.

          C’est pourquoi une autre initiative de recherche de la paix doit surgir en Centrafrique. Celle qui sera issue de la concertation de tous les Centrafricains. Et qui se négociera dans une ville de la République Centrafricaine. Les pays réellement amis seront les bienvenus, mais seulement en tant qu’observateurs.

          Si les autorités centrafricaines ne se ressaisissent pas rapidement pour fixer de nouvelles règles aux prédateurs exogènes du pays, il est à craindre, comme le dit Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires Etrangères « que la République Centrafricaine ne devienne un terrain de jeux ad vitam aeternam. »

                                                                                                                                                     

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