CENTRAFRIQUE : QUAND LA HAUTE MAFIA INFILTRE LA RÉPUBLIQUE ET PIÉTINE LE DROIT

Ville de Bangui, le 01 août 2020. Photo CNC / Anselme Mbata
Ville de Bangui, le 01 août 2020. Photo CNC / Anselme Mbata

 

Bangui, République centrafricaine, samedi, 17 octobre 2020, 11:06:43 ( Corbeaunews-Centrafrique ). Après le retour à l’ordre constitutionnel matérialisé par la prestation de serment du 30 mars 2016, le pouvoir de Bangui s’est vite confronté à l’épineuse problématique de la sécurisation des documents d’identité, de permis de conduire, de titres de séjour et des cartes grises des véhicules immatriculés en Centrafrique.

 

En effet, suite à un appel d’offres qui a enregistré une cinquantaine d’entreprises concurrentes, le marché d’impression de documents sécurisés a été attribué de façon opaque et en violation des lois du marché à une entreprise libanaise redoutée dans des trafics mafieux à travers le monde.

Au delà des voix discordantes qui reprochaient le bradage d’une partie de notre souveraineté à une entreprise étrangère, le pouvoir est demeuré sourd et s’estime satisfait des prestations de cette entreprise étrangère. Le problème crucial qui fait l’objet de notre analyse, se résume à la tarification de ces documents sécurisés c’est à dire ce que le citoyen doit débourser pour obtenir une carte d’identité nationale. A titre de rappel, la loi de finances qui détermine les recettes et les dépenses de l’état au cours de l’exercice 2020 avait fixé le prix de la carte nationale d’identité à 4500 FCFA soit environ 7 euros. Au mépris des dispositions de la loi des finances, un arrêté interministériel autorise la société chargée d’impression des documents sécurisés à délivrer les cartes d’identité contre 6750 FCFA soit environ 10,50 euros.

Entre temps, un courageux parlementaire avait intenté une action en justice en annulation de l’arrêté interministériel devant le tribunal administratif qui a déclaré la requête recevable. Après avoir statué en droit, le tribunal administratif a déclaré illégal la hausse des prix. En d’autres termes, l’arrêté interministériel qui augmente le prix de la carte d’identité est illégal. Ce qui est passé inaperçu et qui a engendré la déferlante indignation de l’opinion nationale, c’est que le gouvernement a fait appel de la décision du tribunal administratif qui déclarait illégale la hausse des prix. A ce stade, il urge de souligner que dans n’importe quel ordre de juridiction, l’appel a toujours un effet suspensif c’est à dire qu’il suspend ou empêche l’exécution de la décision rendue en première instance et l’appel a aussi un effet dévolutif c’est à dire que la Cour d’appel est appelé à réexaminer l’ensemble du dossier dans un délai imparti. Ainsi, avec les effets de l’appel, la société de l’impression de documents sécurisés est en droit de continuer à appliquer les tarifs définis par l’arrêté interministériel c’est à dire 6750 FCFA en attendant la décision de la Cour d’appel. Dans l’incompréhension et la confusion, une plateforme de la société civile dénommée « M4500 » a projeté une marche pacifique avec un « sit-in » pour rappeler à l’ordre cette capricieuse société au motif qu’elle n’est pas au dessus de la loi et qu’elle doit respecter la décision du tribunal administratif.

Contrairement à la marche dite des « moutons » qui, pourtant interdite a été encadré par les forces de l’ordre, sans arrestation jusqu’à la remise d’un mémorandum au deuxième vice-président de l’assemblée nationale, la marche des « M4500 » s’est heurté à un impressionnant dispositif des forces de sécurité intérieure et de surcroît appuyé par les forces onusiennes. Devant ce traitement discriminatoire de deux mouvements citoyens dont l’un soutient les actions du pouvoir, le citoyen lambda s’interroge :

Quels sont les véritables contenus du contrat qui lie cette entreprise étrangère au pouvoir ? Ce marché était-il attribué dans le respect des règles établies ? Les enquêtes de moralité des dirigeants étaient-elles faites ? À quel prix le pouvoir centrafricain a-t-il bradé une partie de notre souveraineté ? A qui profite cette mafia qui a infiltré la république ? Le pouvoir a t-il une main invisible dans l’acquisition de ce marché par cette société libanaise ? Par ailleurs, pourquoi les prix des documents sécurisés ne sont pas revus en baisse eu égard au délabrement du tissu économique et social ? Pour soutenir son allié d’entreprise prédatrice, pourquoi le pouvoir ne subventionne t-il pas l’excédent qui pose problème ?

Enfin, les prochaines actions hostiles à cette société est-elle encore justifiée dès lors qu’il y’a une procédure judiciaire pendante ?

Pour calmer les esprits à la veille des échéances électorales, nous invitons le pouvoir à l’apaisement car des contestations de rue risquent de polluer l’environnement et surchauffer le climat électoral.

Pour finir, et selon des sources hautement sécurisées, il semble que les dotations de véhicules blindés ne sont pas destinées à combattre les groupes armés mais à mater les marches pacifiques y compris celles qui sont hostiles à l’impérialisme de cette société prédatrice où les hautes autorités centrafricaines sont majoritairement actionnaires. Mais attention, ne le dites à personne.

Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 17 septembre 2020.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.