CENTRAFRIQUE : L’INDÉCISION ET L’IMMOBILISME AU SOMMET DE L’ÉTAT EXPOSENT L’ORDRE CONSTITUTIONNEL À TOUS RISQUES D’EMBRASEMENT.
Bangui (République centrafricaine) – Depuis le retour à l’ordre constitutionnel, le peuple centrafricain vit dans un climat de peur. Ce semblant de paix dont la fragilité n’est plus à démontrer est entretenue par l’indécision et l’immobilisme des autorités élues. La peur d’assumer ses responsabilités constitutionnelles éloigne le président de la république de tout contrôle du pays. Dans ce genre de situation, le cabinet, les conseillers ainsi que les proches collaborateurs de l’élu du peuple doivent jouer un rôle très important pour suppléer ce doute et l’isolement qui hantent le prince de la monarchie de Bangui.
Cette incapacité à se poser les bonnes questions et à choisir des solutions adaptées à la crise nous éloigne d’une véritable paix facteur de tout développement.
Cette perte de contrôle de la machine étatique est amplifiée et fragilisée d’avantage par le retour clandestin et peu honorifique de l’ancien président de la république exilé depuis six ans dans la capitale ougandaise. Depuis lors, on enregistre entre autres des manœuvres de provocation politique allant jusqu’à incendier les domiciles des militants politiques en passant par la reprise des hostilités meurtrières au quartier KM5. Cette dernière épisode pose la problématique du statut juridique du quartier KM5, une zone de non droit où les taxes, impôts sont perçus par une entité autre que l’Etat, un territoire autonome dans la République où circulent des armes de tous calibres, des drogues ainsi que des produits prohibés.
Face aux derniers événements meurtriers qui opposaient les commerçants aux groupes d’autodéfense, le gouvernement est resté spectateur, muet et incapable de dresser un bilan exhaustif du carnage.
Comme à ses habitudes, le gouvernement a fait une sortie médiatique et laconique à travers un communiqué vide de contenu avec des argumentations approximatives preuves de la non maîtrise des réalités du terrain. Effaré par l’indifférence notoire des autorités légitimement élues, le citoyen lambda s’interroge :
Comment expliquer qu’en quatre années de gouvernance, des groupes d’autodéfense avec des territoires isolés ou de non droits existent encore au KM5 non loin du palais présidentiel ? Comment expliquer cette perte d’autorité alors que le président jouit d’une légitimité incontestable ?Comment comprendre qu’après deux jours d’intenses combats entre les commerçants et les groupes d’autodéfense, le gouvernement ne dispose d’aucun bilan fiable tandis que les images des cadavres inondent les réseaux sociaux ? Quelles sont les dispositions prises par le pouvoir central pour éviter la reprise des combats meurtriers ou d’éventuels dérapages ? Pourquoi les autorités délaissent-elles ce quartier au profit de la grande mafia ? Ce quartier ne fait-il pas partie intégrante de la capitale compte tenu de sa composante à majorité musulmane ? A qui profite le maintien de cette zone dans l’insécurité et le désordre total ? Qui va indemniser les propriétaires des marchandises consumées ? Comment peut-on paradoxalement faire défiler des militaires sur l’avenue des martyrs et exhiber des matériels de guerre alors qu’une partie de la population est prise en otage en pleine capitale ? Enfin, ce cycle de provocations et de troubles meurtriers prépare t-il le lit de la transition politique et consensuelle tant décriée par le pouvoir en place ?
Au delà de toutes considérations politiques et politiciennes, nous demandons humblement au président de la république de reprendre le flambeau et d’éviter que la flamme ne s’éteigne. L’absence de trancher sur le retour clandestin de l’ancien président ouvre la voie à toutes manœuvres et encourage les autres prédateurs de la république à faire autant.
Cette indécision chronique et ce manque d’autorité donneront des idées aux groupes armés ainsi qu’à tous ceux qui sont sous sanctions de l’ONU éparpillés à travers le monde de converger vers la capitale centrafricaine. N’oublions pas que l’association de grands fossoyeurs de la république peuvent nuire considérablement aux libertés individuelles et à notre démocratie embryonnaire. Rien n’est tard, à une année des échéances électorales, le président de la république peut se rattraper et espérer l’estime des centrafricains.
A défaut, qu’il s’éclipse de façon honorifique à la fin de son mandat à l’instar de l’ancien président français qui n’avait aucun bilan à défendre. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 27 décembre 2019.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.