Centrafrique : L’inadmissible proclamation de Monsieur Ibrahim ALGONI comme député en remplacement de Monsieur Karim MECKASSOUA.

Publié le 6 septembre 2021 , 7:43
Mis à jour le: 6 septembre 2021 7:43 pm

 

 

Aux termes de l’article 68 de la Constitution Centrafricaine du 30 mars 2016 « Le Peuple Centrafricain élit, au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans, des citoyens qui constituent l’Assemblée Nationale et qui portent le titre de DEPUTE. Chaque Député est l’élu de la Nation. Le mandat du Député ne peut être écourté que par la dissolution de l’Assemblée Nationale, la démission, la radiation ou la déchéance dudit Député »

Ibrahim Ould Alhissene Algoni
Ibrahim Ould Alhissene Algoni, député de la deuxième circonscription du troisième arrondissement de Bangui

 

L’article 4 alinéa 2 de la Loi Organique n° 17.011 du 14 mars 2017 portant Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale dispose : « Toutefois, en cas de vacance d’un ou de plusieurs sièges en raison d’une annulation, de cumul de fonctions, d’une déchéance, de la radiation, ou d’un décès, il y est pourvu dans les conditions fixées par les textes en vigueur. »

Et l’article 5-2 de la même loi organique dispose que « le député titulaire dont le poste devient vacant pour cause d’empêchement définitif est remplacé par son suppléant ; »

Ce texte est clair et ne prête à aucune interprétation.

Or par son arrêt du 12 août 2021 en cause, la Cour constitutionnelle a proclamé Monsieur Ibrahim Al Hissen ALGONI élu, avec 38,38 % des voix, député de la 2e circonscription du 3e arrondissement de Bangui en remplacement de Monsieur Karim MECKASSOUA élu avec 61,62 % alors que Monsieur Al Hissen ALGONI n’est pas son suppléant.

Et même si le suppléant de Monsieur Karim MECKASSOUA était également dans l’impossibilité d’exercer son mandat, il faudrait organiser des élections partielles pour pourvoir à son siège ainsi que le prévoit l’article 5-3 de cette loi « lorsque le député titulaire et son suppléant sont placés tous les deux dans un cas d’empêchement soit définitif, soit temporaire de plus de six (06) mois, il est procédé à des élections partielles pour pourvoir au siège resté vacant. »

Il s’agit là d’un coup de force inadmissible, un véritable coup d’Etat contre le peuple centrafricain, une forfaiture.

Comment une Cour constitutionnelle peut- elle aller jusqu’à ce niveau ?

En ayant fait aucun effort pour donner, ne fusse que, l’impression d’une décision digne d’une Haute cour, les auteurs de la décision rendue le 12 août 2021 ont fait perdre à la Cour constitutionnelle centrafricaine toute sa crédibilité.

Dans un communiqué publié le 29 juin 2021, le ministère centrafricain de la défense indiquait dans : « Il ne fait pas de doute que cette publication calomnieuse fondée sur des preuves fabriquées et non vérifiées est une stratégie qui vise d’abord à saper le moral de nos troupes mais aussi à amener les Nations unies à prendre des sanctions contre les alliés russes, dont la mission de rétablissement de l’autorité de l’Etat compromet assurément l’action des rebelles qui sévissent dans nos provinces en violation flagrante des dispositions de l’accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine. »

Ce communiqué fait allusion au rapport des Experts des Nations-Unies dont le gouvernement centrafricain a rejeté les conclusions.

Or la Cour constitutionnelle centrafricaine vient de valider ce rapport en s’en prévalant pour rendre sa décision du 12 août 2021, et ce faisant, elle a complètement fragilisé la position politique et diplomatique du gouvernement centrafricain sur le plan international.

Le droit est une arme redoutable de défense en temps de paix, mais lorsque celui qui a le pouvoir de l’exercer ne le maitrise pas, il peut le transformer en une bombe atomique qu’il retourne consciemment ou inconsciemment contre sa propre communauté.

A un certain niveau de responsabilité, on ne doit pas se croire tout permis, car les actes que l’on pose peut engager toute une nation.

 

Me Jean-Chrysostome Wang -You SANDO

  Docteur en Droit

  Avocat à la Cour d’Appel de Paris.

  Avocat inscrit à la Cour pénale internationale

 

 

 

 

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