CENTRAFRIQUE : LES TRIBULATIONS D’IDRISS DEBY ITNO EN RCA.
LES SOLDATS DE DEBY REVIENNENT EN CENTRAFRIQUE. A T-ON DEMANDE L’AVIS DES CENTRAFRICAINS ?
Bangui, le 30 juillet 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
TOUADERA/DEBY : QUI MANIPULE QUI ?
Décidément, la République Centrafricaine n’est pas un pays comme les autres. C’est un OVNI, qui n’a pas fini de tourner en rond sur lui-même. Il est bien hasardeux d’en esquisser une approche socio-politique. Si on veut tenter de comprendre le chaos infernal récurrent dans lequel ses propres dirigeants l’ont précipité, on y perd son latin ! Les événements incroyables qui se passent au pays des Bantous laissent pantelant.
Comment ne pas s’étrangler en apprenant qu’Idriss Deby, le despote expansionniste de N’Djamena, déploie à nouveau trois à quatre cents soldats en R.C.A. avec l’acquiescement du président Touadera ? C’est oublier les crimes abominables commis par les Casques bleus tchadiens sur les Centrafricains !
Le soutien de Touadera à Deby va même jusqu’à l’indécent rejet du rapport accablant de l’O.N.U. sur ces crimes. Le Tchad n’a-t-il pas été exclu de la MINUSCA à cause du comportement pervers et violent de ses Casques bleus, qui sont détestés par les Centrafricains ? Massacres, viols, prostitutions des adolescentes par la soldatesque de Deby : le rapport de l’ONU en témoigne à chaque page.
En fait, le pouvoir d’Idriss Deby est chancelant. Des rebelles tchadiens menacent son trône. La chute du prix du pétrole, principale source de revenus de son pays, plombe une économie en berne. Ajoutez à ce sombre tableau la gestion clanique de l’oligarque de N’Djamena. Autant dire qu’Idriss Deby Itno est aux abois.
Pour les Centrafricains, il a une grande part de responsabilité dans le chaos sanglant de leur pays. C’est à lui et à ses mercenaires que les ex-présidents de la République, Ange-Félix Patassé, François Bozizé et Michel Djotodia, doivent leur accession violente au pouvoir. Il ne s’attendait donc pas à l’élection surprise de Touadera, que les Centrafricains ont choisi à une très large majorité, en démentant tous les pronostics. Même la France, qui avait son homme en la personne d’Abdou Karim Meckassoua, a été abasourdie par le surgissement de Touadera. Autant dire que, pour ces influents tuteurs de la République Centrafricaine, ce dernier n’a pas été l’élu de leur cœur.
L’accession de Meckassoua au perchoir de l’Assemblée Nationale, avec, d’ailleurs, le soutien de Touadera et l’aide de certains députés corrompus, a été un véritable déni de démocratie. C’est ce même Meckassoua qui, aujourd’hui, est soupçonné de vouloir ourdir un coup d’état pour renverser le président Touadera. Car il n’a jamais accepté sa défaite retentissante à l’élection présidentielle avec son score, ridicule, de 3,5 %. Pour lui, l’élection de Touadera est usurpée. La haine qui s’est emparée des deux hommes responsables des institutions majeures du pays est le résultat d’une frustration.
TOUADERA : LE TEMPS DES DOUTES ?
Monsieur le Président, les espoirs qu’a suscités votre élection semblent s’éroder. Aujourd’hui, les Centrafricains commencent à douter de la capacité de votre gouvernement à ramener la paix (SIRIRI) et la réconciliation en Centrafrique. Bruit de bottes, rumeurs lancinantes de coups d’état, menaces de partition du pays. Et, au plus haut niveau, des conflits entre vous-même et le Président de l’Assemblée Nationale, qui menacent la stabilité des institutions.
Comme si cela ne suffisait pas, vous vous rendez à N’Djamena sur convocation d’Idriss Deby. Celui-ci ne se déplace même pas pour vous accueillir à l’aéroport ! Par la suite, on a eu l’impression qu’il a exercé des pressions intolérables sur vous. Son but était de vous pousser à rejeter le rapport de l’ONU qui accable ses soldats en Centrafrique. En échange de quoi ? Vous avez ainsi trahi votre peuple, qui a tant souffert des atrocités des Casques bleus tchadiens. Vous avez même accepté que ses soldats bourreaux reviennent au pays ! Comment les Centrafricains, atterrés, ne s’apprêteraient-ils pas à se défendre contre la brutalité des soldats de Deby ?
Vous avez été élu, Monsieur le Président, et bien élu. On peut même parler de plébiscite. Vous aviez promis une rupture avec le passé mais, depuis votre installation au Palais de la Renaissance, le pays semble figé dans un statut quo intenable. L’insécurité est quasiment générale. 60% du territoire centrafricain sont occupés par des bandes armées qui menacent le pays d’une partition. Le gouvernement de Sarandji fait preuve d’une incompétence inégalée. Les Centrafricains doutent. L’immense espoir qu’ils avaient placé en vous, Monsieur le Président, se transforme, peu à peu, en désespoir.
Monsieur le Président, avec tout le respect que nous vous devons, permettez-nous de vous le suggérer : un changement de méthode s’impose. L’urgence, c’est d’avoir, à la tête du pays, un autre Premier Ministre et un nouveau gouvernement. Il faut aussi clarifier vos rapports avec Deby. Revenez sur le rejet du rapport de l’O.N.U., qu’il vous a expressément demandé de condamner. Les Centrafricains ne peuvent plus attendre.
JOSEPH AKOUISSONNE
(29 juillet 2017)