CENTRAFRIQUE :INQUIÉTANTE CONCLUSIONDES POURPARLERS DE KHARTOUM ?

Publié le 6 février 2019 , 7:38
Mis à jour le: 6 février 2019 7:38 pm
Le chef de la délégation du pouvoir au dialogue de Khartoum. CopyrightCNC.
Le chef de la délégation du pouvoir au dialogue de Khartoum. CopyrightCNC.

  

UN RÉVEIL DIFFICILE POUR LES CENTRAFRICAINS

        

Nous aimerions fortement croire aux tam-tams d’enthousiasme qui ont salué les accords de paix de Khartoum. Nous aimerions ne pas nous réveiller demain avec une langue de baobab. Car rien dans cet accord provisoire n’est porteur du manguier de la paix. Le gouvernement centrafricain et les institutions internationales ont donné l’impression de vouloir en finir au plus vite avec le boulet centrafricain, quitte à satisfaire les exigences inacceptables des rebelles et à sacrifier les nombreuses victimes sur l’autel d’un accord de paix tarabiscotée.

         Par ailleurs, le peuple centrafricain a été, ostensiblement, écarté des débats. Pourtant, les citoyens avaient été consultés lors du FORUM DE BANGUI. Ils avaient émis des souhaits clairs pour encadrer l’avenir de leur pays.

         Mais à Khartoum, ces souhaits semblent avoir été superbement ignorés.

QUEL CONSENSUS ?

         Le dialogue était prévu pour durer cinq jours. On aurait dit qu’il s’éternisait, à cause de plusieurs suspensions des débats, à cause des intimidations des groupes armés qui voulaient imposer leurs inacceptables revendications, à savoir l’amnistie générale et le partage du pouvoir. A cause, aussi, des Russes, des Français et des institutions internationales, qui manœuvraient dans l’ombre pour assurer la pérennité de leurs intérêts. A cause, enfin, de l’impéritie de la délégation gouvernementale, dirigée par le ministre d’État Firmin Ngrébada, qui perdait trop facilement ses nerfs devant les rebelles et tenait des propos outranciers à leur endroit.

         Selon nos sources à Khartoum, si un consensus a pu se dégager, c’est en raison de la bonne foi affichée par les leaders des groupes armés, qui ont réussi à obtenir une amnistie totale et le partage du pouvoir.

        

Le gouvernement centrafricain aura donc cédé : c’est inacceptable !

C’est une victoire totale pour les bourreaux des Centrafricains. C’est un consensus qui ressemble à une trahison, ourdie par les puissances exogènes. Contre quoi les chefs de guerre, si arrogants d’habitude, ont-ils échangé leur accord ? Il semblerait qu’ils aient obtenu la démission du premier ministre Sarandji. A sa place, un chef de guerre serait peut-être nommé. Ainsi, le partage du pouvoir deviendrait effectif.

         Tous les ministres qui composaient la délégation gouvernementale, sachant leur sort scellé, sont sortis de la salle avant même la lecture du communiqué final !

         Les conversations de paix de Khartoum ont donc été un bal de dupes. Elles risquent, malheureusement, d’aboutir à un échec cuisant et de prolonger le calvaire des Centrafricains.

L’OUBLI DU PEUPLE ET DES VICTIMES

         A voir les chefs rebelles, convaincus de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, se livrer à d’indécentes bacchanales pour fêter leur victoire insupportable à Khartoum, on demeure effondré de tristesse pour la République Centrafricaine.

         Les rebelles semblent avoir gagné sur presque tous les tableaux : c’est ainsi qu’on a remplacé dans le texte final « amnistie » par « toutes actions judiciaires ». C’est moins choquant pour les victimes.

         En outre, il semblerait que le chef de l’ Etat ait promis aux rebelles un gouvernement « inclusif ». En clair, cette sémantique signifie « partage du pouvoir ». Les Centrafricains vont donc être gouvernés par leurs propres bourreaux !

         Comment pourront-ils l’accepter ? Ce sera difficile – ou impossible. Le gouvernement sera bien obligé de rendre compte au peuple de cet accord de paix à la Pyrrhus.

LES CENTRAFRICAINS A L’INITIATIVE

         C’est le huitième accord concocté à l’extérieur du pays. Aucun n’a ramené la paix. Espérons que le mystère qui entoure le contenu de celui de Khartoum ne sera pas un prélude au marché de dupes que nous avons évoqué.

         Les Centrafricains ont beaucoup souffert. Au lieu de répondre à leurs attentes, le gouvernement a cédé sur les principaux points qui leur tenaient à cœur : impunité zéro, désarmement des séditieux et retrait des provinces qu’ils occupent illégalement.

         Comme nous craignons que les accords de Khartoum ne fassent pas cesser les violences des bandes armées, les autorités centrafricaines devraient déjà penser à un plan B. La recherche de la paix devrait, cette fois-ci, être organisée sur le territoire centrafricain et être conduite par les Centrafricains eux-mêmes.

DES OUKASES SELEKISTES INACCEPTABLES

         80% du territoire centrafricain sont occupés par les ex-Sélékas et leurs complices mercenaires. A Khartoum, personne n’a parlé de la libération de ces provinces, les plus riches en minerais. Faut-il y voir une sorte d’officialisation de la partition du pays ?

         En outre, les rebelles ont imposé une force de sécurité commune. Autrement dit, l’intégration de tous les mercenaires étrangers dans les Forces Nationales Centrafricaine. A-t-on associé les FACAS aux pourparlers ? Qu’en pensent-elles ? Pour en faire partie, il faut être Centrafricain. Or plus de la moitié des ex-Sélékas sont des mercenaires tchadiens, soudanais et nigériens. Va-t-on donner la nationalité centrafricaine à des mercenaires dont les mains sont pleines du sang des Centrafricains ?

         Rappelons que c’est le refus de François Bozizé d’accorder la nationalité centrafricaine aux mercenaires qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir et de les intégrer dans l’armée nationale, qui avait généré l’apparition de la Séléka.

         Si le président Touadera accepte l’intégration des mercenaires dans l’armée, les risques seront énormes. Car les Centrafricains n’accepteront jamais que leurs bourreaux fassent partie des FACAS.

         Quoi qu’il en soit, le report de signatures et l’absence de contenu clair des accords de Khartoum ne présagent rien de bon.

         Mais espérons quand même !

                                                                                                                    

JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI ET LOAWE A BANGUI

                                                                                                                                              (6février 2019)

 

 

Aucun article à afficher