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CENTRAFRIQUE : AUTOPSIE D’UNE ARMÉE NATIONALE EN DÉCONFITURE APRÈS 62 ANS DE SERVICE À LA NATION.

 

Bangui, 21 mars. 23 (CNC) — L’armée nationale centrafricaine est une des plus anciennes institutions républicaines créée par l’ancien capitaine de l’armée française le feu Jean Bedel Bokassa le 4 avril 1961. Cette noble institution qui jadis faisait la fierté de notre jeune état indépendant avec son prestigieux centre de formation de Bouar a formé d’innombrables officiers sous-régionaux dont certains ont accédé à la magistrature suprême de l’état. À l’occasion de son 62eme anniversaire, un diagnostic s’impose pour faire le bilan.

Monsieur Bernard Selemby Doudou, auteur de l'article. Photo courtoisie.
Monsieur Bernard Selemby Doudou, auteur de l’article. Photo courtoisie.

 

Rédigé par Bernard Selemby Doudou

Publié par Corbeaunews-Centrafrique (CNC), le dimanche 9 avril 2023

 

AUTOPSIE D’UNE ARMÉE NATIONALE EN DÉCONFITURE

 

L’armée centrafricaine est en état de déconfiture avancée, elle est moribonde, agonisante et loin de sa lettre de noblesse d’antan.

Cette mue tant décriée est la dérivée de multiples mutineries, de problèmes de gouvernance ainsi que de difficultés diverses et variées.

En conséquence de ce qui précède, cette armée nationale sensée monter en puissance ne pouvant assurer sa mission régalienne est contraint de façon inédite à la perfusion, à l’assistance militaire étrangère devenue cyclique voire à la sous-traitance à un groupe paramilitaire privé de Wagner.

Désemparé par la déconfiture de la grande muette conséquence du manque de volonté politique, le citoyen lambda s’interroge :

Qu’est-ce qui peut justifier légitimement la déconfiture de cette armée qui fut la vitrine de la sous-région ?

Titillée par les groupes armés, pourquoi ce manque d’efficacité nonobstant l’apport colossal des partenaires militaires ?

Existe t-il une loi de programmation budgétaire projetée sur plusieurs années pour faciliter une montée en puissance graduelle de l’armée ? 

Les causes profondes et symptomatiques de cette descente aux enfers sont connus et identifiés mais laissent indifférents les autorités établies qui ont des priorités ailleurs.

Il faut noter de prime abord le manque criant de moyens matériels et logistiques. D’ailleurs, le budget national est tellement ridicule à plus forte raison celui de la defense nationale. L’on privilégie des nominations éthiques, claniques, régionales et partisanes au détriment des critères de compétence et de qualité du soldat.

Des grades de « Général » avec tous les privilèges associés sont distribués par copinage pour les dompter et ainsi éviter des coups d’état militaires…la danse fantasmagorique d’un général de classe exceptionnelle, réputé professionnel lors d’une soirée organisée à la présidence de la république en présence du chef de l’état et des corps consulaires nous a laissé perplexe…

Certains officiers de l’armée nationale sont officieusement des militants du parti au pouvoir et les récalcitrants n’hésitent pas à arborer des gadgets de propagande à l’effigie du président de la république (la politisation de l’armée).

Les régimes successifs y compris l’actuel privilégient certains régiments que d’autres surtout la garde prétorienne qui se croit tout permis, d’ailleurs composés majoritairement de ressortissants ethniques, régionaux…A vrai dire, ils ne relèvent pas hiérarchiquement du ministre de la defense ni du chef d’état major des armées mais directement du chef de l’état…ces derniers sont les mieux payés, bien équipés et formés dans des académies militaires de référence.

À ce stade, n’oublions pas la promotion de la milice privée qui fait parfois écran à la mission régalienne de l’armée.

Quant à la présence de mercenaires de Wagner avec corollaire des exactions sur la population, nous laissons le soin à l’assemblée nationale d’apprécier la légitimité de leur présence sur le territoire national.

Il apparaît aussi important de rappeler que la passation de marché des équipements bureautiques et vestimentaires de l’armée est gérée de façon opaque et non transparente. De sources disponibles soulignent que c’est la femme du chef d’état major des armées qui a le monopole de vente des effets vestimentaires…sachant qu’à l’époque du père fondateur de l’armée, les tenues militaires étaient gracieusement offertes…ce qui n’est pas le cas de nos jours.

Comment un soldat qui a un salaire de misère peut-il acheter ses tenues de travail lui-même ?

Le pouvoir de Bangui submergé de milliardaires éphémères vit une réalité parallèle au vécu des soldats…pathétique.

À ces maux, s’ajoutent les détournements de fonds publics, la corruption à grande échelle, l’enrichissement personnel, le versement de pots-de-vin, l’harcèlement moral, sexuel et le chantage à la promotion sur la gente féminine.

Par ailleurs, il faut noter que les casernes militaires héritées de la colonisation sont délabrées voire inhabitables même les rations alimentaires sont insuffisantes et surtout de mauvaise qualité.

En conséquence de tout ce qui précède, l’armée nationale qui est souvent très excitée lors des défilés sur l’avenue des martyrs deviennent inaptes sur le terrain car ils ont le moral dans la chaussette du fait que les officiers brillants et compétents régressent en faveur des profito-situationnistes.

N’oublions pas que la grande muette est assujettie à l’obligation de réserve…l’omerta…pour ce faire, nous proposons au pouvoir de Bangui de confier la gestion de la carrière militaire à un organe réellement autonome à l’instar du conseil supérieur de la magistrature et de renforcer les capacités de la justice militaire pour lutter contre la corruption et l’indiscipline.

Pour finir, notre armée doit rester professionnelle que politique en intégrant les trois (3) concepts clés dans leur comportement : la démocratie, l’état de droit et la bonne gouvernance.

N’oublions surtout pas que qu’on ne récolte que ce qu’on a semé et que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets…malheur à ceux ou celles qui s’attendent paradoxalement à un résultat contraire.

Que Dieu protège notre fragile démocratie chèrement acquise au prix du sang de milliers de nos concitoyens et nous épargne des éventuels troubles sanglants.

Mais attention ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.

 

Paris le 08 avril 2023.

 

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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