Centrafrique : 6 miliciens Azandés transférés à la prison de Ngaragba à Bangui

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
La prison centrale de Ngaragba accueille de nouveaux détenus, ravivant les tensions autour d’une affaire liée au Haut-Mbomou.
En effet, la semaine dernière, six des dix miliciens Azandés arrêtés fin janvier à Bangui ont été transférés à la prison centrale de Ngaragba, dans le septième arrondissement de la capitale centrafricaine. Ces jeunes, initialement détenus à la Section de Recherche et d’Investigation (SRI) de la gendarmerie, se retrouvent désormais derrière les barreaux de cette prison tristement célèbre, dans l’attente d’un procès dont les contours restent flous.
Ce transfert marque une nouvelle étape dans une affaire qui, depuis des mois, secoue le Haut-Mbomou et expose les tensions explosives entre ces combattants Zandé et les mercenaires russes du groupe Wagner.
Rappel des faits : une histoire née dans le chaos
Pour comprendre cette situation, il faut remonter à l’origine. Dans les villages reculés du Haut-Mbomou, Mboki, Zémio, Rafaï –, des jeunes de la communauté Azandé Ani Kpi Gbé ont décidé de prendre les armes face aux abus des rebelles de l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC). Rackets, assassinats, pillages : lassés de subir, ils se sont organisés en milice d’autodéfense. Formés au Soudan du Sud, ils sont revenus chez eux déterminés à protéger leurs terres et leurs familles.
Au début, leur combat trouve un écho favorable. Soutenus par les habitants, ils faisaient la tête aux rebelles dans plusieurs localités, gagnant le statut de héros locaux. Mais tout bascule en avril 2024 avec l’arrivée des mercenaires de Wagner. Présents en Centrafrique depuis 2018 pour épauler le gouvernement de Faustin-Archange Touadéra, les Russes flairent une opportunité. Ils entraînent ces miliciens, leur fournissent des armes et les enrôlent dans leurs opérations. Ensemble, ils chassent l’UPC de villes comme Mboki ou Zémio, offrant un répit à la population Zandé.
De héros à parias
L’alliance ne dure pas. Une fois les rebelles en fuite, les miliciens Azandés, grisés par leur puissance, changent de comportement. Ils s’en prennent aux civils, notamment aux musulmans, commerçants, éleveurs, imams, qu’ils soupçonnent de collusion avec l’UPC.
« Ils rackettaient, intimidaient, tuaient », raconte un habitant de Mboki, déçu. Le député d’Obo 1 Ernest Mizedio , dans un communiqué, évoque même « plus d’une vingtaine d’exécutions » imputées à ces jeunes, qui ternissent leur image de protecteurs.
Wagner, soucieux de maintenir un contrôle minimal pour ses propres intérêts, ne supporte pas ces dérives. Les tensions montent. À Bocaranga, un milicien est abattu par les Russes lors d’une opération ; à Bozoum, une dispute sur un chantier minier pousse les Azandés à se retirer vers Bossangoa.
« Ils ne voulaient plus suivre les ordres de Wagner », explique un témoin. Mais en Centrafrique, défier les mercenaires russes a un prix.
L’arrestation et les disparitions
Le 24 janvier 2025, dix miliciens Azandés sont arrêtés à Bangui par Wagner. Parmi eux, Bakoyoko Célestin et Ngoéngué Elie, présents dans la capitale pour des démarches administratives. Piégés sous un faux prétexte, ils sont conduits à la SRI. Quelques jours plus tard, des éléments de Wagner reviennent de nuit, emportent Bakoyoko et Ngoéngué sous les yeux des gendarmes, qui se contentent de noter l’incident. Depuis, les deux hommes ont disparu, laissant leurs familles dans l’angoisse.
Les huit autres restent un mois à la SRI avant que six d’entre eux ne soient transférés, la semaine dernière, à Ngaragba. Ce mouvement ravive la colère dans le Haut-Mbomou, où les habitants manifestent de Obo à Rafaï pour exiger des réponses. Le député Ernest Mizedio accuse Wagner d’un « enlèvement organisé » et fustige l’inaction du gouvernement.
Une impuissance
À Bangui, beaucoup le savent : le pouvoir de Touadéra est limité face à celui de Wagner. « Les Russes décident de tout », lâche un habitant, amer. La SRI, censée être une institution nationale, ressemble davantage à un outil entre les mains des mercenaires. Le transfert à Ngaragba, loin de calmer les esprits, pose une question lancinante : pourquoi ces jeunes, d’abord soutenus puis trahis par Wagner, sont-ils aujourd’hui traités comme des criminels ? Et que sont devenus Bakoyoko et Ngoéngué ?
En attendant des réponses, les six miliciens croupissent à Ngaragba, prison surpeuplée où les conditions sont rudes. Dans le Haut-Mbomou, la méfiance envers les autorités et leurs alliés russes grandit. Cette affaire, plus qu’un fait divers, révèle une réalité brutale : en Centrafrique, ceux qui se battent pour leur survie peuvent vite devenir les pions d’un jeu qu’ils ne maîtrisent pas….
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