CENTRAFRIQUE : LE DROIT D’INVENTAIRE D’UN QUINQUENNAT MALADROITEMENT NÉGOCIÉ.
Bangui, le 31 mars 2018.
Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.
La fin du mois de mars marque le deuxième anniversaire du solennel discours du stade vingt mille places intronisant la notion
de « rupture » dans le vocabulaire politique centrafricain.
L’élu de la nation a redonné au peuple meurtri le droit d’espérer et de rêver d’une Centrafrique
meilleure. La classe politique centrafricaine a adhéré au projet même si formellement il n’en existait pas. Le droit d’inventaire suppose l’évaluation
de ce qui a été positif ou négatif au cours d’un exercice.
Il permet également de faire le point des engagements, les avancées des projets, les réformes
ainsi que la réalisation des promesses.
Animé par le souci de vivre en pleine quiétude, le citoyen lambda s’interroge : Peut-on se réjouir du bilan des
deux ans de l’élu de la nation au palais présidentiel ? Qu’en est-il de l’espoir du 30 mars 2016 ? En d’autres termes, qu’est-ce qui a sensiblement changé
en quatre semestres de gouvernance ? Certaines langues averties demandaient qu’on laisse un peu de temps au pouvoir de travailler, cette argumentation
qui cache l’immobilisme, la médiocrité n’est-elle pas désuète à mi-mandat ? La politique de soupçon, la politique de méfiance et de climat conflictuel
avec l’assemblée nationale sont-elles de nature à favoriser la réconciliation nationale et la cohésion sociale ? Que sont devenus les programmes DDRR (Désarmement,
Démobilisation, Réintégration et Rapatriement) et le processus de levée de l’embargo ? Qu’en est-il des déplacés et réfugiés ? La baisse évidente de popularité
du pouvoir chagrine t-elle au moins ceux qui adorent les festins au prix du sang du peuple ? Les nouvelles autorités sont-elles aptes de faire l’état des
lieux de la table ronde de Bruxelles qui a été annoncée en grande pompe ? Quels sont les apports ou les manques à gagner du fiasco de Bruxelles sur l’économie
nationale plus particulièrement sur l’emploi des jeunes ? Les autorités démocratiquement élues ont-elles tiré les leçons des précédents régimes ? Celui
qui jadis s’auto proclamait président des pauvres l’est-il toujours en dépit de ses multiples liens avec les milieux mafieux ? Il est important de rappeler
de façon liminaire qu’au plan politique, on a assisté à l’institutionnalisation de la corruption au plus haut sommet de l’Etat avec un corollaire de signature
officieuse de multiples contrats miniers. D’ailleurs, ce sont ces innombrables contrats miniers qui sont les détonateurs de l’assaut sur le bureau de l’assemblée
nationale avec la bénédiction de la Cour constitutionnelle qui a interprété à leur faveur l’article 60 de la constitution du 30 mars 2016. Ce phénomène
inédit a pour conséquence immédiate la transformation de la représentation du peuple en une chambre d’enregistrement des projets du gouvernement. On relève
également sur le plan politique la mise en place d’une brigade de délinquants politiques qui accuse les personnalités politiques qui ne partagent pas leur
vision de coup d’état sous un regard complice du pouvoir. Sur le plan diplomatique, l’isolement régional et international est patent, chose que le pays
pouvait éviter n’eut été les errements pyramidaux du guide. À cela s’ajoute la délocalisation quasi définitive mais officiellement temporaire du siège
de la CEMAC qui à vue d’œil semble déranger personne si ce n’est des condamnations lapidaires. S’agissant de la justice, les victimes des différentes exactions
ne savent plus à quel saint se vouer. Tous les regards sont braqués sur la Cour pénale spéciale qui impose son rythme car la justice nationale a démissionné.
Le citoyen lambda a peur de sa propre justice car le déni est manifeste d’où le sentiment d’une justice privée. Par ailleurs, on relève entre autres l’intégration
de critères ou de quotas de région dans l’organisation de concours administratif en violation du précieux principe d’égalité des citoyens martelé par le
célèbre arrêt Barel du conseil d’état rendu le 28 mai 1954. Nous faisons abstraction de l’aspect économique car des études ont confirmé que ce domaine
rime avec la sécurité. Il est d’une notoriété inégalable que les nouvelles autorités peinent à circonscrire cette notion de sécurité et laissent la marge
de manœuvres aux groupes armés non conventionnels qui occupent les 3/4 du territoire national. Pour finir, ces deux premières années sont considérées comme
des années pilotes qui vont définir la trajectoire des deux prochaines années puisque la dernière année est une année électorale. Fort de ce qui précède,
nous proposons au pouvoir de faire une purge dans son entourage avec la nomination d’un nouveau premier ministre jeune, dynamique et surtout issu de l’opposition
démocratique. Cette cohabitation apaisera les esprits et relancera le processus du renouveau. Ne pas changer de politique et de méthodes c’est méconnaître
les évolutions sociologiques du pays… mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 30 mars 2018
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections. Tel : 0666830062
Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des Elections