Warka Tower, ce piège à eau qui pourrait changer la vie des Africains

Publié le 1 juillet 2014 , 2:26
Mis à jour le: 1 juillet 2014 2:26 pm

Cette structure simple de collecte d’eau inventée par Arturo Vittori verra son premier exemplaire installé l’an prochain en Éthiopie.

Par notre correspondante à Addis-Abeba, Justine Boulo

Conceptualisé par Arturo Vittori, architecte italien, le Warka Tower est une tour de bambou capable de capturer l’humidité de l’air. Tout commence en 2012 quand il se rend à un énième colloque à l’école d’architecture d’Addis-Abeba. Alors qu’il voyage dans la campagne éthiopienne, c’est le déclic. “J’étais dans la région amhara au nord du pays. Des paysages magnifiques ! J’étais subjugué. Mais j’ai aussi été choqué de voir toutes ces femmes et ces enfants parcourir des dizaines de kilomètres à pied pour puiser de l’eau dans des sources souvent insalubres, des sources qu’ils partagent avec les animaux”, dit-il. Immédiatement, l’architecte italien décide de se concentrer sur la recherche d’une solution au problème d’accès à l’eau.

La Warka Tower est conçue à partir d’observations locales précises

Le voilà qui planche alors avec une équipe de scientifiques. Il étudie l’artisanat traditionnel éthiopien, réfléchit à l’attitude des locaux. Et le projet Warka Tower est lancé. La même année, l’invention est présentée à la Biennale de Venise. La Warka Tower est une structure en forme de vase qui s’étend sur 9 mètres de haut et ne pèse que 60 kilos. Elle est constituée de matériels naturels comme des tiges de bambou encordées les unes aux autres. Le tissage fin comme un filet récupère les gouttes de pluie lors de la saison des moussons. Pendant les périodes sèches, les particules d’eau contenues dans la condensation de l’air sont piégées par un tissu tendu à l’intérieur de la structure. L’eau glisse alors le long des cordages avant d’être collectée. L’architecte estime que son projet est capable d’extraire jusqu’à 100 litres par jour. Une eau potable, propre, qui ne demande aucun effort.

“On évalue le coût de construction de cette tour à 1 000 dollars. En prenant en compte le matériel et le travail de mise en place. Notre objectif est de créer une structure simple qui puisse être reproduite par les locaux avec le matériel dont ils disposent sur place”, explique l’architecte. Aucune machine n’est nécessaire à sa fabrication. Et quatre personnes suffisent à l’installer. Le créateur de l’atelier Architecture and Vision estime même que deux ânes peuvent transporter le matériel. “On veut lancer un projet do it yourself comme on dit”, précise-t-il.

Un design inspiré des traditions

En 2015, la première Warka Tower sera installée près de Bahar Dar, au nord-ouest du pays. “Nous commençons par l’Éthiopie, car c’est un test”, poursuit Arturo Vittori. “Nous voulons voir si les gens l’acceptent. Si tout fonctionne comme prévu. En tout cas, le projet peut s’adapter à n’importe quel pays. Les villages que nous avons choisis sont perchés à 3 000 ou 4 000 mètres d’altitude. Nous avons donc étudié la météorologie des zones montagneuses. Mais on peut très bien imaginer une de ces tours en milieu désertique”, ajoute-t-il. Capable de s’adapter au climat, la Warka Tower doit aussi coller à l’artisanat traditionnel. Un point sur lequel l’architecte ne badine pas. “Dans cette région nord de l’Éthiopie, j’ai observé comment est construit l’habitat, comment les gens fabriquent leurs objets de tous les jours. Et même comment ils s’habillent eux-mêmes. Je me suis inspiré des toukouls, ces maisons rondes faites en torchis avec un toit tissé. Des paniers ou des tapis tressés très typiques de cette localité… Si je voulais implanter la même structure dans le sud du pays, je reprendrais depuis le début son design”, explique-t-il.

Un obstacle à la déforestation rampante

À scruter la région, l’architecte a aussi été choqué par la déforestation rampante. En cinquante ans, l’Éthiopie a perdu 90 % de ses forêts. D’où le nom “warka”, en référence à ce figuier local, un arbre gigantesque, symbole de fertilité en Éthiopie. “Abattre les arbres rend encore plus difficile l’accès à l’eau. Et cet arbre, le warka, est aussi un lieu de réunions dans les villages. Les instituteurs enseignent sous ces arbres… On a décidé avec mon équipe qu’à chaque Warka Tower installée, un de ces arbres sera planté chez chaque travailleur”, dit Arturo Vittori.

C’est que son projet ne se focalise pas uniquement sur un meilleur accès à l’eau. Il veut rendre aux villageois leurs ressources en suivant à la lettre leur mode de vie et leurs traditions. Et c’est là que le créateur concrétise la vision qu’il a du design : “Le rendre capable de changer la vie quotidienne d’une population.”

 

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