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Russie : Evgueni Prigojine, la machine Afrique de Vladimir Poutine

 

Rédigé par Mathieu Olivier (Jeune Afrique)

Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le mardi 5 avril 2022

 

Bangui (CNC) – Financier du groupe Wagner, fer de lance de la stratégie d’influence russe sur le continent, ce skieur ayant fait fortune dans la restauration est l’un des oligarques les plus importants de l’entourage de Poutine.
Evgueni Prigojine
Evgueni Prigojine

 

À chacun, on a fait jurer le secret. La réunion qui se déroule à Khartoum n’aura jamais eu lieu. Depuis des mois, pourtant, des tractations secrètes ont permis de la préparer. Des émissaires se sont envolés en hélicoptère vers des coins reculés de la Centrafrique pour en dessiner les contours. D’autres rendez-vous ont été organisés au Soudan. Chaque pas a coûté du temps et de l’argent. Et, en ce mois d’août 2018, la réunion initiale var se tenir.

Le patron des renseignements soudanais, Jamal Aldin Omar, se charge de l’accueil. Il a mis à disposition une salle climatisée à l’abri des regards. Ali Darassa, Abdoulaye Hissène, Mahamat al-Khatim et Noureddine Adam, principaux chefs de groupes armés qui contestent le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, sont présents. Face à eux : un groupe d’hommes blancs. Selon certains experts, le financier de Wagner figure parmi les cinq plus grandes fortunes de Russie.

Certains sont en uniforme. D’autres en costume, comme Evgueni Prigojine. L’oligarque, chef de la délégation qui fait face aux rebelles, se rend de temps à autre au Soudan. Le groupe Wagner, qu’il finance, y mène des activités depuis plusieurs années en lien avec le pouvoir. Son entreprise Concord y soutient également des sociétés dans l’extraction minière. Prigojine pose régulièrement ses avions sur le tarmac de Khartoum.

Cette fois, il est accompagné par une quinzaine de gardes menés par son bras droit, Dmitri Utkin, chef de Wagner. À leurs côtés, deux spécialistes de la Centrafrique : Dmitri Sytyi, traducteur francophone, et Valery Zakharov.

 

À la conquête de Bangui

La réunion dure deux heures. Prigojine parle beaucoup. Il évoque, au nom du gouvernement centrafricain, dit-il, un partenariat gagnant­gagnant et un partage des ressources préfecture par préfecture. « Une part pour Bangui, une part pour le groupe armé de la région, une part pour Wagner », explique un participant ayant rompu sa promesse de silence. Les hommes se séparent avec, pour les Centrafricains, des valises de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Six mois plus tard, le gouvernement centrafricain et les rebelles signent les accords dits de Khartoum. Evgueni Prigojine vient de conquérir Bangui.

 

Qui est donc cet envoyé offcieux de Moscou ?

Né à Léningrad en 1961, ce !ls d’un ingénieur des mines intègre d’abord un lycée consacré au sport et se prend d’amour pour la glisse. Evgueni veut devenir skieur professionnel, mais s’inscrit en parallèle à l’Académie de chimie et de pharmacie de sa ville natale. Il rencontre surtout ses premiers problèmes avec la justice : arrêté pour vol, il est jugé coupable en novembre 1979, mais écope d’une peine avec sursis. Le tribunal se montre clément. Prigojine n’en profite pas. Deux ans plus tard, le revoilà devant la justice.

Cette fois accusé de vol en bande organisée, d’escroquerie et de participation à un réseau de prostitution, il est condamné à douze ans de réclusion. Il effectue les trois quarts de sa peine et retrouve la liberté en 1990, alors que l’URSS est sur le point de disparaître.

Dans la cité désormais appelée Saint-Pétersbourg, l’heure est aux affaires. Prigojine monte avec son beau-père un restaurant, un fast-food où le menu propose surtout des hot dogs, dans le marché d’Apraksin Dvor. Peu de temps après, le voilà directeur et actionnaire à 15 % de Contrast, la première chaîne d’épiceries de la ville, dont l’un de ses anciens camarades de classe se trouve être le fondateur.

 

L’homme qui servait Poutine… et Chirac

En 1995, il persuade un autre ami de Contrast, Kirill Ziminov, de s’associer avec lui pour lancer un restaurant de luxe, le Old Customs House. Deux ans plus tard, ils rachètent un bateau et l’aménagent sur le modèle des restaurants parisiens de la Seine, avant de l’installer sur la Neva. L’élite de la nouvelle Russie s’y presse. Prigojine devient le cuisinier des puissants, et notamment d’un certain Vladimir Poutine.

Jusqu’en 1996, ce dernier a été l’éminence grise du maire de Saint-Pétersbourg, Anatoli Sobtchak. Son bras droit jusque dans les milieux les plus interlopes.

S’il a ensuite pris la route de Moscou pour se placer dans le sillage de Boris Eltsine et lui succéder à la tête du pays, Poutine conserve bien le cœur de son pouvoir dans l’ancienne capitale des tsars. Devenu président, il y retourne volontiers, notamment pour y partager un repas sur les eaux de la Neva, dans le plus luxueux des établissements, celui d’Evgueni Prigojine, homme de con!ance des réseaux pétersbourgeois.

EN 1981, IL EST CONDAMNÉ À DOUZE ANS DE PRISON POUR VOL EN BANDE ORGANISÉE ET PARTICIPATION À UN RÉSEAU DE PROSTITUTION

 

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