A Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur le Représentant Spécial du Président de la Commission de l’Union Africaine,
Chef de la MISAC, Garant de l’APPR-RCA,
A Son Excellence Monsieur le Représentant du Secrétaire Général de la CEEAC, Garant de l’APPR-RCA
Objet : MEMORANDUM AUX GARANTS DE L’ACCORD POLITIQUE POUR LA PAIX ET LA RECONCILIATION EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE (APPR-RCA)
Excellences Messieurs les garants de l’APPR-RCA ;
En date du 16 décembre 2019, nous vous avons adressé une lettre dans laquelle nous vous avons exprimé nos inquiétudes et préoccupations quant à la mise en œuvre de l’APPR-RCA et proposé, en vertu de l’article 34 de l’APPR-RCA, la convocation d’une réunion de concertation avec le gouvernement afin de trouver ensemble des solutions idoines aux problèmes qui freinent la mise en œuvre de l’APPR-RCA.
Dans votre réponse du 19 décembre 2019, vous nous avez informé que la réunion pourrait avoir lieu le 14 janvier 2020, à la seule condition qu’elle se tienne en République Centrafricaine, soit à Bangui, soit à Bouar, et en notre présence.
Dans notre lettre du 24 décembre 2019, nous vous avons informé que les conditions de la rencontre ne favorisent pas notre participation à la réunion et avons suggéré que la réunion se tienne à Khartoum, en République du Soudan.
Au moment où nous écrivons ce mémorandum, nous réalisons qu’aucune suite n’a été réservée à notre proposition. Nous considérons donc que la réunion de 14 janvier 2020 n’aura pas lieu et tenons ainsi à souligner que les préoccupations et inquiétudes évoquées dans notre lettre du 16 décembre 2019 sont plus que jamais d’actualité. Nous demandons ainsi de repousser la réunion sine die lorsque les conditions et les modalités de notre participation seront réunies.
Néanmoins, considérant l’importance de la rencontre et l’ampleur des sujets à débattre, vous nous permettrez d’insister sur le principe que la réunion doit se tenir dans un pays neutre. En effet, au cas où l’option Khartoum n’obtiendrait pas votre approbation, nous suggérons, référence faite à la République du Congo ou à l’Angola, que la rencontre ait lieu dans un Etat membre de la CEEAC ou de la CIRGL.
A l’aune de l’anniversaire de la signature de l’APPR-RCA :
- Nous avons le regret de vous alerter des risques réels et évidents de la caducité de l’APPR-RCA.
- Nous craignons que l’APPR-RCA va compléter la longue liste des Accords signés sans qu’ils n’apportent aucune solution au conflit dont les causes demeurent incontestablement structurelles.
- Nous soulignons que, hormis l’autosatisfaction du gouvernement, nous faisons un constat d’échec. Non seulement les quelques mécanismes ou dispositifs de mise en œuvre déjà mis en place ne sont pas fonctionnels, mais encore nous déplorons que rien n’a été fait en ce qui concerne notamment : les arrangements sécuritaires transitoires ; la décentralisation ; l’inclusivité, la citoyenneté et la protection des minorités ; le plan national et sous-régional de la transhumance ; l’harmonisation des grades et sur l’intégration et la réintégration des leaders et des éléments des groupes armés dans l’armée et dans la fonction publique de l’Etat et territoriale ; la mise en place de la commission vérité, justice, réconciliation et réparation (CVJRR), etc. Sur ce dernier point, à titre d’exemple, il faudra admettre que la commission inclusive qui, selon l’article 11 de l’APPR-RCA, est « chargée d’examiner tous les aspects liés aux événements tragiques du conflit en République Centrafricaine, de qualifier et de proposer toute action susceptible d’être prise en matière de justice et qui doit soumettre son rapport à la CVJRR » n’a jamais fonctionné sept mois après sa mise en place, faute des moyens.
- Nous regrettons également que le gouvernement ne soit pas un acteur cohérent dans ses agissements. Le soutien que le gouvernement a apporté aux attaques des positions du FPRC à Am-Dafock, à Birao et à Tissi-Sarayebo, sous le silence complice de la MINUSCA, est un comportement regrettable qui ouvre la voix à tous les retournements. Aussi, faut-il que le rôle du gouvernement dans les événements tragiques qui ont secoué le quartier dit « PK5 », dans le 3ème arrondissement de Bangui, n’est pas blanchi de toute suspicion. A cela s’ajoute la frustration conséquente au mépris envers les membres du gouvernement issus des groupes armés et les conditions de travail humiliantes auxquelles ils sont soumis. La liste des faits et gestes dénotant la mauvaise foi du Président de la République Centrafricaine et son gouvernement est très longue.
- Nous déplorons que la quête de la paix ne puisse pas être une priorité pour le Président de la République Centrafricain et son gouvernement. Et ce, malgré votre facilitation. Plutôt que de créer les conditions qui conduisent à l’échec de l’APPR-RCA, le Président de la République Centrafricaine et son gouvernement devraient saisir la main que nous lui tendons pour rétablir la paix et ainsi le retour à l’ordre institutionnel. Le Président de la République Centrafricaine et le gouvernement s’embourbent dans les calculs électoralistes et politiciennes pour se maintenir au pouvoir et participent au maintien du chaos qu’ils veulent profiter.
- Nous regrettons que la MINUSCA ait été partiale. Le cas le plus flagrant étant dans le traitement de la crise de Birao, Tissi-Sarayebo et Am-Dafock et le rapprochement « incestueux » entre la MINUSCA-Birao et la coalition « Gouvernement-PRNC-MLCJ ». Cette partialité a renforcé le ternissement de l’image de la MINUSCA qui, par ailleurs, était loin d’être honorable auprès de l’opinion publique nationale. Ce qui explique la perte de crédibilité de la MINUSCA auprès de la population.
- Nous demandons avec insistance au gouvernement de sortir de la surdité, la négligence, le tâtonnement, et l’entêtement qui le caractérisent ; et d’honorer ses engagements tels que mentionnés dans l’APPR-RCA et ses annexes afin de mettre fin aux souffrances des populations et aux violences armées. Nous pensons fermement que le Président de la République Centrafricaine et son gouvernement doivent concentrer leur énergie à la mise en œuvre de l’APPR-RCA.
- Nous continuons à espérer impatiemment de la part du Président de la République Centrafricaine et de son gouvernement un message qui traduit dans les faits les engagements pris à Khartoum et signé à Bangui, tels que consignés notamment dans l’article 4 de l’APPR-RCA, et demandons ce qui suit :
- La restructuration et la refondation des Forces de sécurité et de défense (les forces armées centrafricaines et les forces de sécurité intérieure) afin que celles-ci soient réellement une force Républicaine et non une armée ou entité à la solde d’un homme, d’un groupe d’individus ou d’une ethnie. En effet, notre exigence est que les FSD soient constituées d’un brassage comportant de 50% FACA et FSI et 50% côté groupes armés, y compris pour les échelons de commandement, officiers et sous-officiers. Nous considérons que la restructuration des forces armées centrafricaines et des forces de sécurité intérieure comme une condition sine qua non pour une paix durable et stabilité politique conjecture la mise en place de l’armée de garnison, l’établissement des états-généraux de la défense de la République centrafricaine et la définition de la politique nationale de sécurité et de défense. Nous mentionnons que le processus de restructuration de l’armée centrafricaine, de la gendarmerie et la police nationales
doit être discuté avec les groupes armés qui ont adhéré à l’APPR-RCA. Aussi, faut-il souligner que ces derniers doivent participer au « vetting ». - La constitutionnalisation de l’action affirmative (discrimination positive), de l’autonomie administrative des régions et du partage de pouvoir.
- La libération des prisonniers politico-militaires des groupes armés ;
- La reconstruction et la restructuration de l’administration, du système judiciaire et du régime pénitentiaire en tenant en considération l’autonomisation des régions.
- La mise en place de la commission vérité, justice, réconciliation et réparation
- La participation des groupes armé
Nous vous remercions de l’intérêt que vous porterez au présent mémorandum et vous prions, Excellence Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de nos salutations distinguées.
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