RCA : LA JUSTICE DEMANDE LA LEVÉE DE L’IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE DE 4 DÉPUTÉS DANS UNE AFFAIRE CONTRE BOZIZÉ. MAIS QU’EN EST-IL DES CRIMINELS DES GROUPES ARMÉS, DES MINISTRES PRÉDATEURS ET DES ASSASSINS DU HAUT MAGISTRAT MODESTE MARTINEAU BRIA?

Publié le 12 avril 2021 , 3:50
Mis à jour le: 12 avril 2021 3:50 pm
Le chef rebelle Ali Darassa et ses combattants dans la fôret du Mbomou, en mars 2021. Photo CNC
Le chef rebelle Ali Darassa et ses combattants dans la fôret du Mbomou, en mars 2021. Photo CNC

 

Bangui, République centrafricaine, lundi, 12 avril 2021 ( Corbeaunews-Centrafrique). « Nous ne laisserons plus certains politiciens en mal de légitimité, qui privilégient leurs intérêts personnels sur l’intérêt général, s’attaquer impunément aux institutions de la République et maintenir le peuple dans des souffrances indicibles, sous divers prétextes », avait déclaré urbi et orbi le président Faustin Archange Touadéra, lors de son investiture du 30 mars 2021 à l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Le compte à rebours a-t-il déjà commencé moins d’un mois après ce discours historique?

 

1-QUAND DIRE C’EST FAIRE

Le discours du sacre présidentiel du professeur assermenté Faustin Archange Touadéra, avait retenti comme une pétition jusqu’à la cime du Mont blanc en France. Toutes les espèces animales et végétales vivant dans la forêt équatoriale et les savanes arides et boisées de la RCA et celles d’Amazonie ont vibré ce jour-là au rythme et à la tonalité tranchante et saisissante du rhéteur verve du palais de Renaissance. L’engagement solennel était pris et tout le monde n’attendait qu’une seule chose: joindre l’acte à la parole.

Mais souvenons-nous de ce que disait un sage africain: « Quand la justice tarde à punir le coupable, c’est qu’elle est allée loin chercher un bâton inflexible pour bien le châtier ».

D’aucuns disaient en effet que ce n’est pas Touadéra qui va laisser la justice faire correctement son travail pour arrêter les criminels réels et virtuels, tant il aime le pardon ! Que des dossiers judiciaires d’une extrême gravité sont demeurés sans suite judiciaire ! Et des criminels promus à de hautes fonctions d’Etat et payés avec l’argent de ce peuple qu’ils ont pris en otage des années durant !

Seulement voilà: la justice centrafricaine, que l’on croyait finie, a frappé aux portes des députés sur qui pèsent des soupçons de culpabilité, en demandant que leur immunité parlementaire soit levée pour être auditionnés dans une affaire judiciaire. C’était le jeudi 8 avril dernier.

A ce niveau, il importe de préciser que députés, ministres, premiers ministres ou chefs d’Etat, aucune loi nationale et internationale ne les met à l’abri des poursuites judiciaires. Le peuple centrafricain s’attend donc à vivre une série de procès contre ces leaders politiques pour se rendre à l’évidence de leur culpabilité ou non dans la poursuite contre l’ancien président François Bozizé Yangouvonda et un de ses anciens ministres et collaborateurs politiques, Thierry Savonarole Maléyombo.

Il y a 99 jours pour les délinquants et politiciens « en mal de légitimité », et un (1) jour pour la Justice. L’heure de la vérité a donc sonné avec la procédure de la levée de l’immunité parlementaire des honorables Abdou Karim Meckassoua, Anicet Georges Dologuélé, Martin Ziguélé et Aurélien Simplice Kongbélé-Zingas qui sont depuis longtemps dans la ligne de mire du pouvoir. Surtout Méckassoua et Dologuélé plusieurs fois accusés par les partisans du pouvoir de complot contre l’Etat, de recrutement et d’infiltration des mercenaires et rebelles étrangers à Bangui, au point qu’ils s’étaient vu obligés de déposer plainte en 2018 contre leurs accusateurs. Mais le procès n’a jamais eu lieu jusqu’à ce que ce soient eux, aujourd’hui, qui soient officiellement poursuivis en justice.

Et pourtant dans ce pays, des cas d’affaires judiciaires nécessitant la levée de l’immunité parlementaire ou ministérielle ne manquent pas. D’où la question légitime de savoir: qu’en est-il des chefs des groupes armés et leurs complices nommés ministres mais pourtant auteurs de multiples crimes avérés, des ministres membres du gouvernement ou conseillers à la primature et à la présidence de la République, des hauts cadres de l’administration qui sont activement et notoirement reconnus comme auteurs de graves crimes à caractère politique, humain, économique, financier et de droit commun? La liste de ceux-ci est particulièrement longue. Nous ne citerons que quelques uns.

 

2-ETUDES DE CAS

 

  • Le groupe armé UPC d’Ali Darass

Le mercenaire peul nigérien Ali Darass Mahamat qui, de son vrai vivant, a décimé des populations entières, avec ses hommes massacrant à volonté des Centrafricains vivant dans les régions du Centre, du Centre-Est et du Sud-Est, qui a fait de Bambari et Gbokolobo son palais royal et son « Guantanamo », avec un plaisir particulier pour le sang du clergé et des fidèles catholiques:

-à Bambari dans la Ouaka en 2018, l’Abbé Firmin Gbagoua, vicaire général du diocèse de Bambari,  l’Abbé Joseph Désiré Angbabata, curé de la paroisse de Seko à Bambari (Ouaka), ont été abattus froidement par les hommes de l’UPC sur ordre d’Ali Darass ;

-à Alindao dans la Basse-Kotto en novembre 2028, Ali Darassa avait personnellement coordonné une expédition punitive contre le clergé et les déplacés qui ont trouvé refuge sur le site des déplacés. C’était un véritable massacre qui a coûté la vie à plus de cent (100) personnes dont l’Abbé Blaise Prosper Mada, vicaire général du diocèse d’Alindao, et l’Abbé Célestin Ngoumbango, curé de la paroisse de Mingala ;

-des carnages et exécutions systématiques et sommaires ont été régulièrement organisés à Mingala, Mobaye, Zangba, Kembé (assassinat du professeur Emmanuel Batonga et de l’infirmier Sagbéndo) et Satema ;

-les préfectures du Mbomou (Bangassou, Bakouma, Ouango et Rafai) et du Haut Mbomou (Obo, Mboki, Zémio, Djemah et Bambouti), demeurent sinistrées à cause des exactions des éléments d’Ali Darass. Malgré ces crimes avérés, ce dernier été nommé ministre conseiller à la primature en mars 2019. Pourquoi la justice n’avait pas demandé la levée de l’immunité ministérielle d’Ali Darass après les carnages qu’il avait organisés à Mobaye, Mingala, Ippy, Obo et Bambouti, en 2019 et 2020?

 

  • Le groupe armé 3R d’Abass Sidiki

Non moindres sont les crimes régulièrement perpétrés par le mercenaire peul camerounais Abass Sidiki, chef du groupe armé 3R, dans les villes et localités du triangle Nana-Mambéré_Ouham-Pendé_ Mambéré-Kadéi, après la signature de l’accord de paix de Khartoum-Bangui en février 2019 et sa nomination comme ministre conseiller du Premier ministre en matière de sécurité en mars 2019. Il a même tué des soldats onusiens et des FACA à Koui, Bésson, Bouar et Nyem Yélowa, alors qu’il était proche collaborateur du Premier ministre et « partenaire du gouvernement » (sic). Si ce n’est une prime au crime, pourquoi la justice n’avait pas demandé la levée de l’immunité ministérielle d’Abass Sidiki après le carnage qu’il avait organisé à Paoua, Lémouna, Bohong et Bocaranga en mai 2019?

 

  • Le groupe armé MPC de Mahamat Alkatim

Le mercenaire salamath tchadien Mahamat Alkatim, chef du groupe armé MPC basé à Kaga-Bandoro avec juridiction sur la Nana-Gribizi et une partie de l’Ouham, organisait régulièrement des campagnes meurtrières contre les habitants de Kaga-Bandoro, Nanga-Boguila, Nana-Bakassa, Markounda, Batangafo, Kabo et Mbrés, sans s’inquiéter. Il avait même assassiné des Casques bleus de la Minusca. Quand bien même signataire de l’accord de Khartoum/Bangui en février 2019 et nommé ministre conseiller à la Primature en mars 2019, il est reconnu comme auteur et cerveau de plusieurs crimes et exactions sur les populations vivant dans les zones qu’il contrôle.  Si ce n’est une autre prime au crime, pourquoi la justice n’a jamais demandé la levée de l’immunité ministérielle de Mahamat Alkatim après ces carnages récurrents à Batangafo, Kabo et Kaga-Bandoro alors qu’il exerçait officiellement la fonction de ministre conseiller du Premier ministre?

Ces questionnements ne signifient aucunement que nous cherchons à disculper les 4 députés dont on a demandé la levée de l’immunité parlementaire, ni prendre fait et cause pour le criminel-né François Bozizé et ses acolytes, loin s’en faut. Notre souci c’est d’éviter qu’il y ait comme une situation de deux poids deux mesures dans la gestion des dossiers judiciaires sensibles. On aurait souhaité que la rapidité avec laquelle la justice a enrôlé le dossier d’un Martin Ziguélé par exemple, président du parti MLPC, qui est pourtant resté dans l’accord politique-électoral qui le lie à Touadéra de février 2016 jusqu’à l’approche des élections de 2020, ait été la même avec les dossiers Sidiki, Darass et Alkhatim qui ont fait plus de 8 ans de crime. Loin de nous l’idée de faire l’avocat du diable, il ne faudrait pas qu’on nous donne l’impression qu’il s’agit d’un règlement de compte politique!

 

3-QUID DES PRÉDATEURS NON ARMÉS?

Cela dit et au risque de nous répéter, la justice ne doit pas passer sous silence les crimes économiques et financiers commis par des ministres, des membres du cabinet présidentiel, de la primature et de l’Assemblée nationale, des chefs des Institutions de la République, des DG, directeurs et chefs de service des entreprises et offices publics.

 

♦️Cas d’Ange Maxime Kazagui, ministre de la Communication et des médias, visé par plusieurs rapports de l’Inspection générale d’Etat dans les affaires scandaleuses de détournements des matériels et de fonds. Récemment, il a rapiné la somme des cinq (5) millions de FCFA destinés aux médias privés pour la couverture de la cérémonie d’investiture du 30 mars 2021. Il était incapable de justifier la disparition de ce montant au chef de l’Etat qui lui avait adressé une demande d’explication à propos, par correspondance datée dont notre rédaction a pu obtenir copie. Et ne parlons pas de l’usage qu’il fait des recettes des communiqués et publicités radiodiffusés, des redevances de fréquence des radios et télé privées nationales, des stations des médias étrangers et internationaux (Radio Chine internationale, RFI, Voice of America, BBC, Deutsch Well, Radio HIT), ainsi que des chaînes de distribution comme Startimes, Canal+, etc., qui lui sont régulièrement versées. Pourquoi ni la justice ni le gouvernement n’ont jamais demandé la levée de l’immunité ministérielle de Kazagui pour qu’il réponde de ses actes délictueux, à la limite criminels?

 

♦️Cas de Dr Pierre Somsè, ministre de la Santé et de la population, sur qui pèsent la présomption de culpabilité dans la gestion des fonds et matériels de Covid-19. La grève des médecins et du personnel de la santé pour réclamer ce qui leur était refusé au départ, en dit long sur la moralité de gestion de la Covid-19 qui est devenue un véritable business, un fonds de commerce couvert par une omerta digne de la mafia et des républiques bananières et dictatoriales. Au ministère de la Santé et de la population, le personnel soignant s’oblige à se mettre en grève pour recevoir la prime Covid-19. Malheureusement, le personnel de santé des services militaires est privé de cette prime, comme s’il ne faisait pas partie du personnel de la santé exposé à la maladie. Au vu de tout ce qui précède, qu’attend-t-on pour mettre en examen le ministre Somsè?

 

♦️Cas de la Présidence de la République, avec l’extraordinaire détournement, par des membres du cabinet présidentiel, de la somme de 134 millions de FCFA décaissée par le Trésor public pour l’achat du carburant dans les chars blindés russes arrivés en décembre 2020. On a remarqué que beaucoup de chars étaient tombés en panne sèche à quelques minutes seulement de leur arrivée, et ce sont les Russes qui s’étaient débrouillés pour acheter du carburant avec leur propre argent, alors que l’Etat centrafricain a débloqué de l’argent à cet effet. Pourquoi les auteurs présumés de ce détournement ne se sont jamais inquiétés jusqu’à ce jour?

 

♦️Cas du ministère de la Défense nationale où plus d’un (1) milliard de FCFA a été siphonné par des officiers et sous-officiers gestionnaires bien connus, fait documenté et vérifié par la Haute autorité chargée de bonne gouvernance qui a a produit son rapport accablant, mais sans qu’il y ait une poursuite judicaire à ce jour. Et pourtant le parquet général de Bangui a été régulièrement saisi de ce dossier par la HABG depuis 2019 ! Où est la justice ?

 

♦️Et autres: La même institution a épinglé dans ses rapports les ministres Amit Idriss des Eaux et forêts, Virginie Baikoua de l’Action humanitaire et de la réconciliation nationale, l’ancien ministre des Transports Théodore Jousso, et autres.

De plus, l’Inspection générale d’Etat a produit des rapports pointus visant des DG et cadres des entreprises et offices publics comme l’ENERCA, la SOCASP, l’ASRP, l’ONM, le FER (Fonds d’entretien routier) et la Mairie de Bangui avec l’inénarrable Emile Raymond Gros Nakombo, tous des véritables prisonniers en sursis.

 

♦️Cas de l’Assemblée nationale: De nombreux cas de détournements à l’Assemblée nationale sont régulièrement signalés, et les audits de la Cour des comptes en font état, mais les auteurs et les complices ne sont jamais inquiétés jusqu’à ce jour. Il y a aussi l’affaire des quarante (40) millions de FCFA d’un opérateur économique chinois rançonnés principalement par l’honorable Jean Michel Mandaba, député du Bamingui et président de la Commission parlementaire Ressources et productions, avec la complicité de plusieurs députés et d’autres qui auraient plongé la main dedans, comme le président de l’Assemblée nationale Laurent Ngon-Baba, selon quelques indiscrétions et mauvaises langues parlementaires. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire bien documenté sur le sujet, demeure tiroirisé. Mandaba ne sera jamais traduit devant la Haute cour de justice tant que Ngon-Baba et Mathurin Dimbelet-Nakoe resteront tout puissants au sein du bureau de l’actuelle Assemblée nationale.

 

♦️Cas Mapenzi: D’importantes sommes d’argent ont été décaissées depuis plus de 3 ans à l’honorable Jean Symphorien Mapenzi, chef d’une entreprise privée, député de Bimbo 2 et 1er vice-président de l’Assemblée nationale, pour réhabilitation et amélioration de l’état de service de la route Bossemptélé-Bozoum. Les fonds dont le montant avoisinerait un (1) milliard de FCFA ont été décaissés depuis au moins trois ans, mais rien n’a été fait conformément aux termes du contrat. Et la justice dort !

 

♦️Cas de la Caisse principale du Trésor public: 150 millions de Francs CFA mystérieusement disparus dans le bureau de la caissière principale (CP) du Trésor public, à l’indifférence générale. La CP Mme Fiolenga, présumée nièce de l’ancien Premier ministre et actuel patron du MCU, Simplice-Mathieu Sarandji, se moque de tout le monde là-bas et de toute la République.

 

♦️Cas du TGIB : Et que dit-on des 130 millions de FCFA et des lingots d’or volés dans le bureau du greffier en chef du tribunal de grande instance de Bangui? Rien. Même pour ce qui s’est produit das la propre maison de dame Justice !!! C’est scandaleux.

 

♦️Cas des congélateurs volés au grand Marché municipal d Bimbo: L’affaire du vol des congélateurs du marché de Bimbo, payés par l’Union européenne et effectivement livrés, n’avait pas duré 6 mois. Et depuis 2 ans, aucune sanction judiciaire ni administrative n’est prise à l’encontre des présumé auteurs et leurs complices. La liste est non-exhaustive, en tout cas, et il ne doit pas y avoir de demi mesure qui mettrait à l’abri d’autres catégories de délinquants et criminels.

 

♦️Cas de la préfète de la Mambéré-Kadéi: Il s’agit de Mme Philomène Dounda, alors préfète de la Mambéré Kadéi, qui avait fortement détourné les biens publics mais son beau-frère Martin Ziguélé lui a trouvé un terrain fertile dans la Basse-Kotto pour suffisamment voler sans bruit.

On se pose la question: pourquoi les parquets territorialement compétents ne s’autosaisissent-ils pas mais attendent seulement des injonctions de là-haut pour gesticuler? A ce niveau, l’on pourrait rapidement interpréter que la justice se met au service des dirigeants politiques pour s’en prendre aux opposants, alors que les juges ne doivent se soumettre qu’à l’autorité de la loi, afin d’éviter le déni de justice, l’iniquité, le parjure et la forfaiture.

On s’attend à ce que le slogan « l’impunité zéro sera la colonne vertébrale de mon second mandat » soit traduit dans les faits, car on s’aperçoit que les prédateurs, les prévaricateurs et les concussionnaires proches du président de la République font leur queue à l’Assemblée nationale pour se réfugier sous le manteau de l’immunité parlementaire.

De grâce, Mesdames et Messieurs les Juges, dites-nous d’abord qui a tué Me Ignace Bandassa, Me Ngoungaye Wanfio Nganatoua, Modeste Martineau Bria, les abbés Jean-Claude Kilamongue, Paul Emile Nzalé, Albert Toungoumalé-Baba et ceux de Bambari et Alindao, les habitants de Paoua, Lemouna, Bohong et autres morts avant le retour de Bozizé en RCA, et demandez la levée de l’immunité parlementaire des députés-assassins ou escrocs, selon, Chance Léonard Ngbakongo de Gadzi, Florent Kéma de Nana-Bakassa 2, Jean-Michel Mandaba de Bamingui et ses complices, afin que nous croyions au caractère indépendant, équitable et loyal de la justice! Pas de justice à plusieurs vitesses.

Affaire à suivre.

 

Par : Damoclès Diriwo

Source: MEDIAS+ du lundi 12 avril 2021

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