RCA: « J’ai la capacité de réconcilier chrétiens et musulmans », dixit M. Djotodia dans Matin Libre

Publié par: Corbeau News Centrafrique.

Michel Djotodia

L’ex-président centrafricain Michel  Am-Nondokro Djotodia, président du Front populaire pour la renaissance de Centrafrique (l’ex-Coalition Séléka) est enfin sorti de son silence. L’homme d’Etat qui, après sa démission « hautement patriotique » s’est installé  en  terre  libre africaine du Bénin le 10 janvier 2014, s’est ouvert à votre Quotidien « Matin Libre ».
Dimanche 31 août 2014 par un temps ensoleillé de fin de matinée, l’équipe de reportage de  « Matin Libre » conduite  par le patron du Quotidien  entre dans la résidence de l’ex-président centrafricain. Un immeuble modeste de couleur blanche situé dans une banlieue de la ville d’Abomey-Calavi, à 25 km de Cotonou. Les militaires qui assuraient la sécurité des lieux, kalachnikovs au point, le regard scrutateur  nous facilitent le protocole mais avec beaucoup de prudence.  Visiblement, nous étions attendus. Dans la cour, quelques animaux (cabris, oies, tortue…) vivent libres de leurs mouvements comme dans le jardin d’Eden. Quelques minutes dans la salle d’attente située au rez-de-chaussée, le temps de nous annoncer au maître des lieux et nous sommes reçus.

L’ex-homme fort de Centrafrique, tout de blanc vêtu et assis dans un fauteuil, nous accueille dans un appartement qui lui sert de bureau. Seule la photo officielle de prise de pouvoir, accrochée au mur derrière un grand bureau, rappelle au visiteur qu’il est en face d’un homme qui a déjà exercé le pouvoir suprême d’Etat. Simplicité oblige. Il serre la main à tout le monde. Affable, modeste et très humble, il nous invite à nous servir à volonté café et boissons.
Visiblement serein, et très confiant en son avenir politique, le numéro un de l’ex-Coalition Séléka s’ouvre simplement à votre Quotidien.  Le retour de la paix en Centrafrique est le sujet principal qui préoccupe  Michel Djotodia. C’est pourquoi il a sacrifié son  pouvoir en démissionnant.  Et pour parvenir à la paix en République centrafricaine, il propose deux solutions : le retour au pouvoir de l’ex-Séléka à travers sa personne et la partition du pays, par exemple le fédéralisme. Il explique d’ailleurs que la Séléka, mieux organisée aujourd’hui  contrôle plus de 60% du territoire. Sans en vouloir à la présidente de la Transition Mme Catherine Samba Panza, Michel Djotodia s’est démarqué du gouvernement actuel. Il a martelé que sa Coalition n’a mandaté personne pour y entrer. D’ailleurs, par un communiqué de presse (voir page 3), il informe l’opinion nationale et internationale que tous les membres de l’ex-Séléka qui participent au présent gouvernement de Centrafrique sont considérés comme des traitres et par conséquent  exclus définitivement de la Coalition. Mais avant tout propos, il a salué l’hospitalité légendaire du peuple béninois dont il en est l’un des citoyens  (par alliance, Ndlr) et s’est dit très satisfait des mesures prises par le président Yayi Boni pour assurer sa sécurité et le protéger. Lisez plutôt.

Excellence, Monsieur le président, depuis votre démission « hautement  patriotique »  le 10 janvier 2014, vous êtes venu vous installer au Bénin. Dites-nous Excellence quelle est la situation de votre séjour au Bénin?

Le gouvernement du président Yayi Boni  me protège en me mettant dans les conditions qu’il faut, en assurant ma sécurité,  en me donnant les possibilités de circuler librement. D’ailleurs je suis Béninois à part entière. Je suis de nationalité béninoise. Et en cela, l’honneur qu’il  (le président Yayi Boni, Ndlr) m’a fait, m’oblige de lui présenter toute ma gratitude. Je présente mes remerciements non seulement au Chef de l’Etat mais aussi au peuple béninois pour son hospitalité légendaire et cette attention particulière qu’ils ont pour ma personne. Je ne peux que remercier tous mes frères béninois, le Chef de l’Etat et ceux qui m’entourent. Je suis bien au Bénin. Je me porte bien. Je ne suis pas dérangé. Je ne suis pas inquiété.

Nous avons appris qu’une délégation envoyée par la présidente Catherine Samba-Panza est allée vous voir récemment. M. le président que peut-on retenir de cette rencontre?

Mme la présidente m’a envoyé une délégation pour m’adresser sa reconnaissance et ses remerciements pour les liens qu’il y a entre elle et moi parce que je n’ai rien contre Mme Samba-Panza. Elle m’a succédé et nous gardons de très bons rapports. Et à l’occasion, j’ai dit à la délégation que je suis pour la paix. Je milite pour la paix. D’ailleurs l’exemple frappant c’est qu’en échange de la paix,  j’ai donné le pouvoir que j’ai. Et c’est un signal très fort. J’ai démissionné parce qu’il était question de ramener la paix chez moi et c’est ce que j’ai fait. Je leur ai donc dit que je suis toujours pour la paix et j’œuvrerai pour la paix. Mais d’aucuns disent que j’ai été pour quelque chose dans la mise en place du dernier gouvernement. C’est faux. Je n’ai jamais présenté  de liste. D’ailleurs dans les différents communiqués qui ont été publiés par le Bureau politique, il a été dit que la Séléka ne propose pas de premier ministre, même pas de ministre. Donc je n’ai proposé personne. En présence du ministre des Affaires étrangères du Bénin et beaucoup d’autres gens, j’ai été clair : j’ai dit que je suis pour la paix. Je milite pour la paix.

Excellence M. le président, quelles sont les propositions de votre groupe pour la sortie de crise en Centrafrique?

Nous avions fait des propositions. Nous avions d’ailleurs demandé à ceux qui doivent prendre part au forum de paix organisé à Brazzaville par mon grand-frère Denis Sassou N’Guesso, président de la République du Congo  que pour que la paix revienne il faut qu’il y ait équité.  Pour que la paix revienne, il serait souhaitable de remettre encore le pouvoir à l’ex-Séléka. Quitte à l’ex-Séléka de diriger. Il faut bien permettre,  une fois en passant, aux musulmans de diriger. Après cinquante (50) ans de gouvernance par les chrétiens, un musulman vient au pouvoir, et on en fait un tapage de telle manière que ça a entrainé le chaos. Pour qu’il y ait équité, il faut qu’on redonne ce pouvoir-là à l’ex-Séléka.  Qu’on donne l’opportunité à l’ex-Séléka de gérer la transition. Et c’est après la transition que nous pouvons organiser une conférence nationale. Les fils et filles  de Centrafrique  pourront s’asseoir, essayer de discuter et signer un accord politique pouvant lancer complètement le pays vers une vie démocratique. Il y avait deux propositions et c’était la première. La seconde proposition,  c’est qu’il y ait partition.  Il y a plusieurs manières de séparer les gens à savoir le fédéralisme et autres. Tout dépendra de la manière dont on va s’entendre.  Mais qu’il y ait partition et qu’on sépare les gens définitivement pour qu’il y ait la paix. Si on ne prend pas en compte l’une des solutions proposées, je crois qu’il n’y aura pas la paix parce que nous, je vais parler de moi, j’ai la capacité de réconcilier chrétiens et musulmans. J’ai la capacité de le faire. Mais pourquoi on ne veut pas me donner l’opportunité de le faire. Il faut qu’on me donne l’occasion de réconcilier musulmans et chrétiens. Et pour que je fasse cela, il faut que j’aie le pouvoir parce que sans le pouvoir je ne peux pas le faire. Pour rassurer par exemple tous les réfugiés musulmans qui sont à l’extérieur, soit au Gabon, au Congo, au Cameroun et ailleurs, il faut qu’ils se rassurent que c’est moi qui suis le président de la République parce qu’ils savent que je suis un rassembleur. Si je suis là, cela va rassurer les gens, et ils vont revenir en masse. Mais lorsque ce ne serait pas moi et que ce seraient les mêmes bêtises qui se feraient, personne ne viendra et ce serait l’éternelle répétition. Il n’y aura pas la paix. Il n’y aura jamais de paix. Ce sera toujours les attaques et la guerre. Et la situation sera difficile à gérer.

Tout récemment, votre coalition, la Séléka, a fait un congrès. Alors comment la Séléka est-elle gérée?

Au moment où je vous parle, la Séléka est mieux organisée qu’avant. Il y a la branche politique que je dirige et la branche militaire que dirige le Général Joseph  Zoundeiko. Mais il y a une parfaite coordination entre les deux branches. Et c’est la branche politique qui contrôle la branche militaire. Nous sommes donc bien organisés. Il y a des commandants de zone par préfecture. Nous occupons 60% du territoire centrafricain. Nous contrôlons la situation si bien qu’il ne peut même pas avoir de conflit entre musulmans et chrétiens. Dans la partie occupée par la Séléka, il y a la paix. Et la Séléka est composée de chrétiens et de musulmans. A un moment donné, le nombre des chrétiens dépassait le nombre des musulmans. 60% des ex-Sélékas étaient des chrétiens. Là où il y a d’affrontements, c’est la partie contrôlée par le gouvernement. C’est là où il y a du désordre. Les gens s’entretuent là-bas. Mais nous veillons aussi qu’il n’y ait pas impunité.

Monsieur le président,  vous voudriez bien conclure cet entretien

De toutes les manières, je ne peux que souhaiter la paix pour mon pays et pour toute l’Afrique.

Propos recueillis par : Maximin TCHIBOZO Chérif RIWANOU pour Matin Libre Cotonou