RCA: Catherine Samba-Panza au journal le monde, « Le peuple centrafricain n’est pas oublié »

Publié le 30 septembre 2014 , 3:26
Mis à jour le: 30 septembre 2014 3:26 pm

LE MONDE | Corbeau News Centrafrique:

Samba-Panza aux nations Unies

Lors de sa première visite au siège des Nations unies, à New York, à l’occasion de l’assemblée générale de l’organisation, du 24 au 30 septembre, la présidente de transition centrafricaine, Catherine Samba-Panza, s’est assuré le soutien de la communauté internationale.

Que ramenez-vous à Bangui de cette « première » ?

C’était symboliquement important. Bien qu’étant présidente de transition, j’ai été autorisée à m’adresser au monde. Cela signifie que, quelque part, il y a une légitimité, et cette reconnaissance est, pour moi, une grande fierté. Le peuple centrafricain n’est pas oublié.

La mission de l’ONU, la Minusca, est la 11e mission de paix déployée en Centrafrique : en quoi sera-t-elle différente ?

Nous espérons qu’elle sera plus efficace. Jusqu’ici, les opérations de paix étaient sous-dimensionnées. Celle-ci, à terme, comprendra 12 000 hommes. J’ai insisté pour que les effectifs ne soient pas constitués uniquement de militaires. Nous avons un problème d’ordre public, il est important d’avoir un personnel de police et de gendarmerie pour encadrer nos forces de défense et de sécurité.

Vous avez appelé l’ONU à lever l’embargo sur les armes qui frappe votre pays, est-ce prudent ?

La question qui sous-tend cette idée, c’est celle des forces armées centrafricaines. Je suis une présidente qui n’a pas d’armée dans son pays. Nos 7 000 militaires sont sous-équipés, sans caserne et sans armes. Si je veux les réhabiliter, il leur faut de l’armement. Nous avons entamé des négociations avec la commission des sanctions de l’ONU. Un premier allégement se profile en faveur des gendarmes et policiers. Mais souvent ils sont redéployés en province sans armes, et ne peuvent faire face aux problèmes de sécurité.

Le patron de l’ONU, Ban Ki-moon, le dit lui-même, le retour à la paix passe par la fin de l’impunité…

Je suis profondément pour la justice. Mais elle ne peut être mise en oeuvre sans système judiciaire. Nos prisons ont été pillées, les tribunaux détruits, les juges et magistrats craignent pour leur vie car ils ont vu des collègues se faire tuer. Si nous voulons mener à bien la réconciliation nationale, il faut que justice soit faite.

Du fait de la défaillance de l’Etat, nous avons demandé à l’ONU de prendre des mesures d’urgence. Elles se mettent en place. A Bangui d’abord, et nous espérons ensuite en province, grâce au déploiement de la Minusca. La cellule spéciale d’enquête et d’instruction a commencé ses travaux. De son côté, la Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur les crimes graves perpétrés depuis août 2012. Mais la création d’une cour criminelle spéciale en Centrafrique serait le meilleur moyen de lutter contre l’impunité

Comment comptez-vous stopper l’impunité tout en favorisant un gouvernement inclusif, y compris avec des entités responsables d’exactions ?

Nous lançons un appel à tous les Centrafricains pour favoriser la réconciliation nationale. La plupart ont été impliqués dans les crises, par leur appartenance aux groupes armés, à des groupes politiques ou simplement en tant que citoyens. Même s’ils sont responsables de groupes armés et ont commis des exactions, ils peuvent contribuer à la paix, notamment en appelant à déposer les armes. Dans un deuxième temps, la justice fera son travail. Si la personne n’a rien fait, pas de problème ; si elle a les mains tachées de sang, elle sera rattrapée par la justice.

La Centrafrique vit sous perfusion internationale : avez-vous un plan de sortie de crise ?

Nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’apport financier extérieur, nous devons mobiliser nos ressources internes propres. Mais comment les mobiliser quand la moitié du pays, où demeurent les ressources naturelles, est contrôlée par les groupes armés ? J’attends beaucoup de la Minusca à ce sujet.

Une fois que ses troupes auront sécurisé ces zones minières, nous pourrons y envoyer des services fiscaux et douaniers pour lever l’impôt et collecter les taxes.

Des pays voisins déplorent l’absence d’avancée depuis la signature de l’accord de fin des hostilités à Brazzaville, en juillet. Quelle est votre réponse ?

Je me suis fortement engagée. Les partis politiques, la société civile, les forces vives de la nation ne voulaient pas aller à Brazzaville, c’est moi qui les ai convaincus de nous retrouver sur un terrain neutre pour conclure la fin des hostilités. A peine rentrée, j’ai commencé à mettre en œuvre cet accord. N’eût été l’épisode de la nomination du gouvernement, nous aurions déjà bien avancé !

Par: Alexandra Geneste 

(New York, Nations unies, correspondante)
Journaliste au Monde

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