Ouadda : nouvelle vague de désertion, deux caporaux-chefs des FACA fuient vers Bria

Rédigé le 20 octobre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
La désertion continue dans les rangs des Forces Armées Centrafricaines stationnées à Ouadda-Maïkaga. Vendredi soir 18 octobre 2025, deux caporaux-chefs de la garnison ont déserté et ont quitté la ville en direction de Bria. Cette nouvelle défection porte à au moins seize le nombre de soldats qui ont abandonné leur poste dans cette localité depuis le début de l’année 2025.
Ouadda-Maïkaga, sous-préfecture de la Haute-Kotto, située à 204 kilomètres de Bria, est devenue un véritable cauchemar pour les soldats FACA qui y sont déployés. Les conditions de vie y sont tellement insupportables que les militaires préfèrent risquer les sanctions pour désertion plutôt que de rester dans cette garnison abandonnée par la hiérarchie.
Cette nouvelle vague de désertion intervient quelques jours seulement après la quatrième vague enregistrée en avril 2025, lorsque deux soldats, dont un caporal, avaient également quitté leur poste. Avant cela, dix soldats étaient partis en groupe vers Bria, suivis de deux autres, puis d’un troisième. Et maintenant, ce sont deux caporaux-chefs qui ont décidé de fuir.
Le fait que ce soient des caporaux-chefs qui désertent cette fois-ci est particulièrement significatif. Les caporaux-chefs ne sont pas de simples soldats. Ce sont des sous-officiers qui ont de l’ancienneté, de l’expérience, et qui occupent des positions de responsabilité dans la hiérarchie militaire. Si même ces cadres intermédiaires désertent, cela montre que la situation à Ouadda est vraiment catastrophique.
Les raisons de ces désertions à répétition sont bien connues. Les soldats stationnés à Ouadda vivent dans des conditions de précarité extrême. Leurs soldes, bien qu’officiellement versées sur des comptes bancaires, restent inaccessibles sur le terrain faute d’infrastructures bancaires fonctionnelles. Les primes globales d’alimentation (PGA), censées couvrir leurs besoins de base comme la nourriture, le savon ou l’entretien, ne sont plus distribuées depuis des mois, voire des années pour certains.
Les uniformes sont déchirés. Les chaussures sont usées. Les soldats n’ont pas de moyens pour se laver ou se nourrir dignement. Ils vivent dans un dénuement total, abandonnés par leur hiérarchie qui ne leur fournit aucun soutien logistique.
À cette misère matérielle s’ajoute l’insécurité permanente. Ouadda-Maïkaga est encerclée par des groupes rebelles. Les soldats, mal équipés et sous-alimentés, se sentent abandonnés face à cette menace constante. Ils sont censés défendre la ville contre les rebelles, mais ils n’ont ni les armes, ni les munitions, ni la nourriture, ni le moral pour le faire.
Parfois, la municipalité ou les Casques bleus de la MINUSCA leur fournissent de la nourriture. Mais ces rations, souvent inadaptées à leurs habitudes alimentaires, ne comblent pas leurs attentes. Les soldats ont besoin d’une alimentation qui leur donne l’énergie nécessaire pour accomplir leurs missions. Mais ce qu’on leur donne ne correspond pas à ce qu’ils ont l’habitude de manger.
Pour survivre, les soldats ont instauré des barrières autour de la ville où ils prélèvent des taxes sur les passants, les éleveurs et les commerçants. Ces “formalités” incluent des taxes douanières, phytosanitaires ou de passage. C’est du racket pur et simple, mais pour les soldats, c’est le seul moyen de gagner un peu d’argent pour manger.
Pourtant, même cet argent du racket ne semble pas améliorer leur quotidien. Beaucoup de soldats soupçonnent que ces fonds, au lieu de bénéficier à tous les militaires du détachement, restent bloqués entre les mains de leur capitaine, le responsable du détachement militaire dans la ville. Aucune transparence n’est apportée sur la gestion de cet argent. Le capitaine collecte les recettes des barrières, mais les soldats ordinaires ne voient pas la couleur de cet argent.
Cette situation crée des tensions au sein même du détachement. Les soldats se sentent exploités non seulement par la hiérarchie nationale qui les abandonne à Ouadda sans soutien, mais aussi par leur propre chef local qui détourne l’argent du racket.
Dans ces conditions, la désertion devient une option rationnelle. Les soldats se disent qu’ils ont plus de chances de survie en désertant qu’en restant à Ouadda. Certains ont même déclaré : “Vaut mieux être en prison que dans cette jungle”, en référence aux conditions extrêmes qu’ils endurent.
À Bangui, l’état-major des FACA semble complètement déconnecté de ces réalités. Les discours officiels vantent une “montée en puissance” de l’armée, avec des formations dispensées par les mercenaires russes, des cérémonies de remise de diplômes, des annonces de recrutement de nouveaux bataillons. Mais sur le terrain, à Ouadda et dans d’autres garnisons isolées, les soldats vivent dans la misère et désertent en masse.
Les jeunes recrues qui arrivent dans l’armée, souvent issues de milieux modestes et habituées à vivre avec peu, se retrouvent confrontées à une misère qu’elles jugent insupportable. Elles pensaient que l’armée leur offrirait au moins un salaire régulier, des repas quotidiens, un uniforme correct. Mais elles découvrent une réalité bien différente : pas de salaire accessible, pas de nourriture, pas d’équipement, et un danger permanent.
Le départ de deux caporaux-chefs ce vendredi soir montre que même les militaires qui ont choisi de rester jusqu’à présent, qui ont essayé de tenir malgré les difficultés, finissent par craquer. Ces deux caporaux-chefs ont probablement passé plusieurs mois, peut-être plusieurs années, à Ouadda. Ils ont vu leurs camarades déserter vague après vague. Ils ont essayé de tenir. Mais finalement, ils ont décidé qu’ils ne pouvaient plus supporter ces conditions et ils sont partis.
Par Moïse Banafio
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