Le Mali et la Centrafrique nous ont rappelé combien la France était une puissance africaine. On s’en souvient peu mais au début des interventions françaises au Mali, de multiples manifestations de soutien aux militaires français furent organisées par les Maliens de France. Même le pouvoir français fut gêné de ces gestes de soutien tant une part de l’élite française ne voit pas que l’Afrique n’est pas uniquement une image d’un passé douloureux mais un élément décisif de notre avenir.
Après les drames et les incompréhensions nés autant de la colonisation que de la décolonisation, l’Afrique comme la France ont commencé à s’éloigner. Cet éloignement a nui à l’Afrique en proie à des déstabilisations externes ou internes. Il est grand temps de terminer ces temps de lamentations intéressées et larmes paternalistes en face d’une Afrique de deux milliards d’hommes en 2050 qui sera aux portes des pays européens.
C’est le temps d’un nouveau pacte franco-africain, comment rester loin d’un continent en pleine évolution, où un africain sur 2 à moins de 25 ans, où les menaces et les opportunités sont colossales. Il ne faut pas voir l’Afrique comme un tout économique, ni s’illusionner sur l’Afrique comme à la suite de Goldman Sachs, on s’est illusionné sur les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) au sens où ce sont de grandes puissances mais en même temps des pays en développement avec les problèmes affairant. Une fois cette précaution prise, comment ne pas voir qu’il y a des opportunités en Afrique dans lesquelles le savoir-faire français pourrait s’illustrer. Par exemple un continent qui s’urbanise à une vitesse vertigineuse voir dangereuse, pourrait avoir besoin de notre soutien pour un développement urbain harmonieux et écologique.A défaut, comment ne pas voir que l’Afrique pourrait être déstabilisée par une vague d’Etat faillis, de trafics disséminés dans la gigantesque mer de sable grande comme toute l’Europe occidentale qu’est le Sahel.
Mais comment faire alors que face à l’hispanophonie et surtout face à l’anglophonie, la francophonie n’est jamais arrivée à s’imposer sur le terrain économique. Leurs histoires ne sont pourtant pas moins mouvementées que les nôtres et les traces des mésententes passées reviennent à intervalles réguliers, de la question indienne en Amérique Latine à l’image de Mittal vengeant l’industrie indienne du Manchester du XIX siècle. Pourquoi ont-ils réussi là où nous avons échoué ? La réponse tient en un mot : stratégie.
Tant que nous gratterons des plaies qui ne demandent qu’à se refermer, nous ne serons pas dans le sens de l’Histoire. Le temps de la multipolarité arrive et nous devons aider l’Afrique à y prendre toute sa place. D’abord en relayant et en permettant à la voix de l’Afrique d’être entendue dans les grandes institutions du multilatéralisme diplomatique et économique. Pour que l’Afrique soit entendue, elle devra être forte et pour cela il faut aider les pays africains d’Afrique francophone à être pleinement souverain et entre autre de pouvoir enfin accéder à la souveraineté monétaire par la dissolution concertée et préparée de la zone CFA.
Ensuite en aidant l’Afrique à tirer les bénéfices de son rattrapages économiques sans tombés dans les travers du développement. Les structures d’Etats viables et stratèges, sont nécessaires pour un continent doté de tant de ressources qui attirent tant de convoitises. C’est sur ses bases qu’un partenariat d’égal à égal peut avoir lieu.
Enfin, en pensant la francophonie comme un outil de notre puissance partagée, elle représente en effet 12% de la population mondiale pour 10% de la richesse globale. Elle nous aidera à sortir des plaies de l’histoire, car seule la moitié de la population francophone mondiale est liée par le passé de la colonisation. Sortons des images d’Epinal entre anciennes colonies et anciennes métropoles, la francophonie va du grand nord canadien, jusqu’au nord de l’Inde, du Sahel à la Corée, de la Roumanie au Pacifique. Dans cet ensemble rénové, nous pourrons nous intégrer à un grand dessein autour de la seule langue avec la langue anglaise sur laquelle le soleil ne se couche jamais. Il faut penser cette nouvelle stratégie par la langue en un temps où toutes les grandes puissances tentent de protéger et de propager la leur. Il faut que le français devienne la langue des affaires en Afrique et qu’il garde son rang de langue scientifique comme elle se répand en Asie comme la langue de l’art de vivre (Japon et Corée).
Pour cela il faut développer, outre, les rapports économiques, l’apprentissage du français économique et de la géoéconomie francophone via les organes de formations des élites des deux côtés à travers des échanges d’étudiants et des projets concrets.
A cette fin, il faut garder l’un des grands avantages du français, le respect des différences par la défense des autres langues. N’oublions pas que là où la francophonie recule, les langues vernaculaires reculent toutes. Par exemple, le retrait de la francophonie au Maghreb va de pair avec la diffusion d’un affaiblissement des langues arabes et berbères. Mais pour que le français conserve cette particularité d’ouverture encore faudrait-il que la France conserve sa place d’équilibre.
Pour que la francophonie réussisse, « il n’est que d’accorder nos différences pour en faire une symbiose. C’est ainsi que la langue française sera acceptée comme notre langue de communication mais aussi d’épanouissement international au sein de laquelle chacune de nos cultures se reconnaîtra en naissant à l’universel » comme l’écrivait le grand francophone que fut le Président Senghor.
Morad El Hattab, Conseiller expert en ingénierie financière et en investissements stratégiques.
Par: AGORA VOX