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MIEUX VAUT VIVRE DES SUITES D’UNE OPÉRATION ÉLECTORALE DOULOUREUSE QUE MOURIR DES VIOLS RÉPÉTÉS D’UNE TRANSITION ATTEINTE ET INCURABLE !

Les plumes de RCA  /  Corbeau News

Catherine Samba-Panza et Alexandre Nguendet

Pourquoi faudrait-il encore se préparer à accorder autant de temps aux acteurs actuels de la transition en cours dans notre pays la RCA, pour les aider à prolonger la souffrance de nombreux Centrafricains, las et désespérés ?

Aussi, je commencerais volontiers la présente réflexion, par où je veux aboutir, à savoir que : la transition centrafricaine est un monstre hybride qui subsiste sur des sables mouvants de ses propres inconséquences. Cette transition est le prototype même de la mascarade politique permanente dans sa sublime expression, un cataplasme inefficace mais toléré de tous. Cette transition va très mal, elle est malade, donc il faut la soigner. Le seul remède aujourd’hui, c’est d’en sortir et d’en sortir le plus rapidement possible. Quant aux moyens d’y parvenir favorablement et sans grands risques, seule l’organisation des élections – même dans les conditions minimales mais acceptables -, reste souhaitable. Ces élections sont nécessaires, elles sont possibles, donc il faut les organiser dans les délais prévus.

Ainsi donc, ami lecteur et cher lectrice, vous savez d’entrée de jeu, de quoi j’ai envie de vous entretenir et où je souhaite vous emmener. Pour le démocrate que je suis, cela a le mérite d’être clair. Par conséquent, vous avez le libre choix vous aussi, soit de passer dès à présent à autre chose, soit de me suivre dans mes « délires » et analyses, au risque d’y laisser vos convictions et d’en sortir avec des idées troubles. Qu’à cela ne tienne, dont acte !

Tout d’abord et à titre de nécessaire rappel, l’on se souviendra des assisses de janvier 2013 à Libreville au Gabon, au cours desquelles furent négociés et signés, les documents de l’acte fondateur solennel, par lequel la mise en place de la transition a été consacrée. A cette époque, le ras le bol des Centrafricains en était au point où, même pactiser avec Lucifer en personne pour faire tomber Bozizé, ne demandait ni un minimum de réflexion, ni la moindre prudence politiquePourtant, tous les doutes étaient déjà permis quant à la suite du processus enclenché.
Aussi, en considérant a posteriori les conditions et les circonstances de sa conception et de son accouchement, c’est-à-dire l’environnement trouble et malsain, dans lequel ces fameux accords de Libreville, étaient appelés à s’exécuter, il ne fallait être ni prêtre ou devin, pour présager des empoignades pourtant prévisibles à l’époque, entre des protagonistes difficilement réconciliables.
Au final et presque tout naturellement, le monstre à la « tête monumentale et aux jambes squelettiques » de Libreville, s’était aussitôt révélé incapable de tenir debout, et donc de marcher et d’avancer convenablement comme on l’avait imaginé.
C’est ainsi que juste quelques semaines après sa mise au monde, les « chirurgiens-dentistes » de la Séléka, durent arracher à la pince du coup d’état, l’excroissance dentaire Bozizé, habitué naguère aux tergiversations et mensonges politiques.
Mais une fois installé en mars 2013 dans le fauteuil présidentiel tant convoité, Djotodja ne fit pas mieux, si ce n’est qu’emporter neuf mois plus tard, Nicolas Tiangaye, son Premier Ministre de l’époque, dans sa chute vertigineuse du 10 janvier 2014, laquelle fut masquée en démission. Par ailleurs, il convient de retenir entre autres que la cohabitation entre les deux personnalités démissionnaires, assise sur  les accords de Libreville, ne fut pas l’une des meilleures.

Quoiqu’il en soit, le CNT après moult arrangements, bricolages, magouilles, façons et contrefaçons, dû créer les conditions de désignation du nouveau chef de l’exécutif de la transition. A la proclamation de l’épreuve finale de passage, Samba-Panza s’affirmera. Presque neuf mois après, les Centrafricains ne sont pas loin du regret. Et ce n’est là qu’un doux euphémisme.

Ceci étant, il est facile de noter que depuis ses débuts jusqu’au stade actuel de son évolution, la transition centrafricaine a du plomb dans les ailes. Elle peine vraiment à décoller, et pour autant elle fait peiner  les Centrafricains.

MAIS QUELLES EN SONT  LES RAISONS ?

LA SUPERBE TROUVAILLE DE LIBREVILLE : LE CONSENSUS

Le 11 janvier 2013 à Libreville au Gabon, quatre textes importants avaient en effet vu le jour, à savoir   :

  1. L’Accord de cessez- le feu
  2. L’Accord politique de Libreville sur la résolution des conflits en RCA
  3. La Déclaration des parties aux négociations de Libreville sur la RCA
  4. Le communiqué final du 2ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats d’Afrique centrale sur la situation sécuritaire en RCA

C’est donc l’ensemble de tous ces textes qui allaient permettre au CNT d’élaborer la Charte Constitutionnelle de la Transition promulguée à Bangui, le 18 Juillet 2013 par Michel Djotodia Am-Nondroko.

Connaissez-vous le maître- mot, ou mieux, le mot fétiche de cette charte de la transition ? Le CONSENSUS. Tenez et lisez, si le cœur vous en dit, l’intégralité des articles ci-dessous de la charte constitutionnelle, dont j’ai retenu juste certaines parties :

  • Art. 32 : Les Décrets sont pris en Conseil des Ministres par consensus
  • Art.53 : …les décisions sont prises au sein du Conseil National de Transition par consensus. Après l’épuisement des voies visant à réaliser le consensus, les décisions sont prises…
  • Art. 55 : Le Conseil National de Transition chargé notamment de :..Adopter en l’état le projet de loi portant sur le code électoral (convenu par consensus le 21 septembre 2012);
  • Art. 103 : …Les institutions de la transition s’engagent à privilégier le dialogue et le consensus comme mode de fonctionnement normal et de règlement des conflits.

A moi maintenant de vous poser la question suivante ami lecteur ou chère lectrice, observateurs attentifs de la vie politique centrafricaine : après 9 mois de transition Djotodia et 9 mois de transition Samba-Panza, la transition consensuelle en RCA, où en est-elle ?

Du reste, il faudrait en réalité tout un ouvrage pour développer et débattre des concepts approximatifs et flous de « démocratie consensuelle », mère adoptive de la « transition consensuelle » et d’autres têtards du même genre.

En Afrique, l’un des grands théoriciens, défenseurs et expérimentateurs de cette démocratie consensuelle fut en effet l’ex-Président Malien Amadou Toumani TouréATT -, que les Centrafricains ont presque tous à un moment exalté, pour son implication dans la résolution de la crise du milieu des années 90 en RCA. Voici ce qu’il disait :

« … Le consensus politique ne signifie pas unanimisme encore moins monolithisme. Le consensus implique la notion de compromis plutôt qu’une opinion adoptée à l’unanimité ; il ne signifie pas forcément que tout le monde est satisfait du résultat, mais suggère plutôt que tout le monde juge le résultat acceptable et que la majorité soit satisfaite… Le consensus politique au Mali, est nous semble-t-il, une tentative avancée, dans la construction de ce nouveau système politique en devenir en Afrique : les larges coalitions gouvernementales. L’expérience malienne a regroupé l’essentiel des forces politiques autour de la vision d’un président de la république qui n’a pas de parti politique. »

Chacun pourra penser ce qu’il veut de de cette démocratie consensuelle ainsi theorisée. Pour ma part, ce concept, pas plus que celui de la « transition consensuelle » est un leurre et j’en veux pour preuve. Je vivais à l’époque encore à Bamako au Mali, quand en ce jour du 22 mars 2012, en plein midi, Amadou Toumani Touré, le Président de la démocratie consensuelle, dû quitter précipitamment son Palais de Koulouba, acculé par les soudards en colère du capitaine Sanogo.

Je dis et je soutiens que la transition consensuelle en RCA est un leurre ; et plus tôt on en sortira, plus tôt l’on pourra faire à nouveau des grands pas vers la vraie démocratie intégrale.
Ma conviction et mon argumentation se fondent sur trois constats:

1-  L’attitude et le comportement des présidents de transition et de leur entourage.

A vrai dire qu’il s’agisse de Djotodia ou de Samba-Panza, de quels avantages comparatifs peuvent-ils se prévaloir, eux qui ne sont que des « Présidents de la transition »? Par quoi se distinguent-ils et en quoi ont-ils fait mieux pour la RCA que leurs piètres prédécesseurs de « Présidents  pleins » ? J’allais dire qu’ils sont tous les mêmes. Mais je retiendrais, compte tenu du temps et de l’espace de leur avènement, que les présidents de transition se sont révélés même pire que les « Présidents  pleins », en termes de : népo-tribalo-régionalisme exacerbé, mauvaise gouvernance, arrogance, corruption, détournement, clientélisme, incompétence, triomphe de l’impunité…

Alors, s’il vous plaît ami lecteur et chère lectrice, pourquoi craindre d’avoir en place un « président plein » qui saura mettre de l’eau dans son vin, au lieu de subir les affres d’une transition vorace qui, pressée par le temps, le saura toujours plus ?

Si j’avais à choisir ma mort, je préfère mourir lentement, emporté par des petits coups assénés par un régime « normal », qui peut avoir l’illusion d’avoir tout son temps devant lui ; au lieu de crever de violents coups de marteaux répétés, d’une transition qui par essence doit tout faire rapidement, y compris la pleine satisfaction de ses vices. Dans la première hypothèse, cela me donne au moins l’illusion de la vie malgré tout. Dans la seconde, cela donne l’impression de la mort avant la mort.

2-  L’autocensure, l’auto-musèlement, l’auto-bâillonnement contre-productif de toutes les voix discordantes et des partis politiques

Observez comme elle est morne la vie politique en Centrafrique ! Remarquez la chape de plomb du politiquement correct et du conformisme ! Alors que le propre des partis politiques qui ne sont pas au pouvoir c’est de dénoncer, de s’opposer, d’animer la sphère socio-politique, il est décevant de constater cette extraordinaire absence des uns et des autres à un moment où les populations ont le plus besoin de leurs apports et de leur présence constante. Et pour cause ! Chacun craint de briser le consensus, de paraître comme l’empêcheur de « transiter » en paix, l’ennemi des marchands d’illusions qui gèrent la transition, l’iconoclaste qui renverse tout sur son passage et s’érige contre le viol collectif organisé par la classe politique !
Remarquez que les rares moments où la vie politique s’est vraiment animée ces derniers temps et tenue en haleine les Centrafricains, furent ceux-ci : le massacre de Fatima, le forum de Brazza, et « l’élection » de Kamoun.
Au demeurant, que les salaires ne soient pas versés ne dérangent personne ; on peut continuer à tuer à Bambari ou ailleurs, cela n’est que normal ; dame Ngakola compagne du Premier ministre Kamoun peut continuer de gouverner à la douane ; Achaffi et sa bande du Km5 peut toujours imposer leur loi ; Samba-Panza peut prolonger la transition et demeurer au pouvoir. Tout ça n’est que normal !

Mais alors, puisque tout cela est acceptable, pourquoi parler de transition au lieu de normaliser l’anormal et consacrer une fois pour toute Samba-Panza Présidente de la RCA au lieu de Présidente de la transition ?

Pour ma part je dis, arrêtons cette mascarade de transition qui ne favorise pas l’exercice de la démocratie véritable et allons aux élections. De toutes les façons, comment concevoir qu’un régime anti-démocratique à tout point de vue (ni la moindre élection, ni exercice politique) puisse préparer à entrer dans une démocratie ? Non, allons aux élections car en fait, et c’est là ma troisième conviction :

3-  La véritable transition

Pour la plupart des pays du pré-carré français, la démocratie est entrée par la porte année 1990 dénommée « Conférence de La Baule ». S’ensuivirent les conférences nationales souveraines et leurs différentes déclinaisons, qui sonnèrent ainsi le glas des « présidences à vie » en introduisant les consultations électorales et donc la possibilité d’alternance.
De 1993 – passage de pouvoir de Kolingba à Patassé – à ce jour, la RCA n’a plus connu ni d’alternance présidentielle démocratique, ni de véritables élections législatives ou municipales.
Que personne ne s’y trompe, je persiste à croire et à dire, que la transition vers la démocratie, ne s’amorcera qu’avec l’installation du prochain régime issu des urnes. Car il faudra à celui-là, faire l’expérience des règles du jeu démocratique et apprendre à transmettre le pouvoir sans rechigner. Quand la RCA aura ainsi franchi ce cap et réussi encore au moins deux autres « examens de passage », alors et alors seulement, nous pourrions débuter de commencer à espérer.
Mais à entendre la Présidente de la transition, sommes-nous vraiment près du compte ? Rien n’est moins sûr.

DES RAISONS INVOQUÉES PAR SAMBA-PANZA POUR JUSTIFIER LA PROROGATION DE LA DURÉE DE LA TRANSITION.

C’est à travers ses récentes réponses aux journalistes de la Voix de l’Amérique et de RFI qu’apparait l’esquisse des raisons que la Présidente de la transition semble vouloir soutenir pour demander le report des élections et donc la prorogation de la transition. Je tenterai de trouver aux questions qu’elle se pose à elle-même, les réponses que je me donne à moi-même. La Présidente parlait ainsi :

« J’examine une situation, je me pose des questions :

CSP : Comment organiser des élections alors que la moitié de la population est dans des camps de déplacés ?

GJK : Depuis 9 mois que vous êtes au pouvoir qu’avez-vous fait et combien de déplacés sont-ils effectivement rentrés ? En prenant par exemple les cas du Rwanda, du Burundi et plus loin géographiquement celui du Mali, avait-on attendu que tous les réfugiés rentrent pour organiser des élections dans ces pays ? Des déplacés de la vie il en a toujours eu, des déplacés de la vie il en aura toujours. Personnellement, j’estime que ce n’est pas le retour des déplacés qui permettront les élections, mais plutôt, ce sont les élections qui pourront rassurer et permette le retour du maximum des déplacés et exilés.

CSP : Comment organiser des élections alors que l’Etat est en total délabrement ?

GJK : Dans l’histoire récente de la RCA, peut-on situer une période où l’Etat n’a jamais été en délabrement ? Allons aux élections, desquelles sortiront un pouvoir légitime, qui devra rompre avec le mode de gouvernance actuelle et instaurer tous les leviers d’une bonne gouvernance. A partir de là seulement, nous pourrons alors rassurer nos partenaires au développement et commencer à redonner à l’état centrafricain un nouveau visage.

CSP : Comment organiser des élections alors que la moitié du pays n’est pas fréquentable à cause des présences des groupes armés ?

GJK : La moitié du pays a toujours vécu ici. Les zones que vous visez ont toujours été des zones de non droit et les gouvernements successifs n’ont jamais gouverné qu’à Bangui et ces environs. Seul un régime acceptable issue des élections sera plus légitime pour régler ces questions. D’ailleurs, depuis que la Séléka a occupé des zones entières de la RCA qu’avez-vous fait ? Devrions-nous attendre que ces zones soient libérées pour aller aux élections ou aller aux élections pour trouver les moyens de libérer ces zones ?

CSP : Et puis, comment organiser des élections alors que les moyens financiers annoncés ne sont pas encore décaissés ?

GJK : C’est grave ce que vous dites Madame la Présidente ! Qui peut encore vous faire confiance pour gérer son argent. ? D’ailleurs n’avez-vous pas vous même dit « je ne céderai pas au dictat de la communauté internationale ». Je vous soutiens Madame la Présidente, surtout ne céder pas ! Permettez simplement que je vous rappelle ce dicton turc que je vous citais le 03 mars 2014 :« Ne frappe surtout pas à la porte d’un autre, si tu ne veux pas qu’on frappe à la tienne ».

CSP : Comment organiser des élections quand la moitié du pays est encore dans l’insécurité ?

GJK : Très sérieusement pensez-vous que l’insécurité puisse justifier que les élections ne se déroulent pas comme prévues ? L’insécurité nous connaît et nous connaissons l’insécurité. Plus sérieusement, la MINUSCA est là pour quoi ? Pour une fois que les urnes seront sécurisées, ne tergiversons point. Ce sont les élections qui créeront les conditions pour parfaire le minimum de sécurité actuelle et non – dans l’absolu – la sécurité qui créera les conditions pour les élections. Croyons-y et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

CSP : Quand l’état civil est totalement détruit et n’est pas encore reconstitué ?

CJK : Alors là, je pose avant tout une simple question : Quand pensez-vous reconstituer l’état civil pour que nous allions aux élections ? Il s’agit là des questions techniques et je puis vous certifier que des données recueillies par la dernière CENI sont toujours bien conservées. Faisons preuve de bonne foi.

CSP : Quand l’administration n’est pas encore redéployée sur le terrain ?

GJK : Alors à qui la faute ? Certainement pas aux fonctionnaires qui attendent leurs salaires. Il existe bien des moyens de motiver ces fonctionnaires à regagner leur poste. Ce qui est sûr une fois de plus, si nous devons attendre le redéploiement total de l’administration dans toutes les zones avant d’organiser les élections, autant mieux dire que nous pouvons attendre encore au moins cinq ans.

CSP : Il s’agit là de questions importantes que l’ANE, aidée par la communauté internationale, devra se poser. Maintenant, il appartient à l’Autorité nationale des élections de revoir la question et puis de se prononcer sur un nouveau chronogramme.

GJK : La communauté internationale est prête pour le 15 février 2015. Et vous ? Il n’y a pas de chronogramme à revoir, mais des volontés à manifester.

En conclusion, seules les élections pourront permettre de sortir de l’impasse actuelle de la transition qui s’enlise. Plus vite nous nous y engagerons, plus vite et à l’aide de la communauté internationale, nous trouverons des solutions aux problèmes de la RCA.
Voilà pourquoi je dis : MIEUX VAUT VIVRE DES SUITES D’UNE OPÉRATION ÉLECTORALE DOULOUREUSE QUE MOURIR DES VIOLS RÉPÉTÉS D’UNE TRANSITION ATTEINTE ET INCURABLE !

 

Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

 

NDLR: très très bonne réflexion.

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