La santé mentale en Centrafrique : un système au bord de l’effondrement

La santé mentale en Centrafrique : un système au bord de l’effondrement

 

Entrée principale de l’hôpital de l’Amitié à Bangui, avec des patients et des visiteurs devant le bâtiment.
Hôpital de l’Amitié de Bangui. CopyrightCNC

 

Bangui, CNC. Le centre psychiatrique de Bangui, unique structure publique dédiée à la santé mentale en Centrafrique, se trouve dans un état de délabrement avancé. Un récent reportage de la radio Ndékè Luka, diffusé à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale le 10 octobre, dévoile une situation alarmante qui met en péril la santé de milliers de Centrafricains.

 

Un établissement de la santé mentale en Centrafrique vétuste et sous-dimensionné.

 

Le centre psychiatrique, censé répondre aux besoins de tout un pays, se résume à quatre très petits bâtiments en ruine. Avec une capacité d’accueil ridiculement faible de 36 lits – 16 pour les femmes et 20 pour les hommes ,  l’établissement tente de prendre en charge plus de 800 patients cette année. Cette situation dramatique expose les limites patentes du système de santé centrafricain.

 

Dorothée, mère d’une patiente, raconte : « Ma fille était en formation militaire. Sur les champs de tirs, les tirs d’une arme lui ont causé des troubles mentaux. On ne savait pas. Ce n’est qu’après qu’elle a déclenché la maladie » . Ce témoignage souligne l’urgence d’une prise en charge adéquate, actuellement impossible dans ces conditions déplorables.

 

La santé mentale en Centrafrique : un personnel médical en sous-effectif critique.

 

Plus alarmant encore, ce centre national ne dispose que de deux personnels de santé qualifiés. Cette pénurie extrême de professionnels de la santé mentale en Centrafrique  compromet gravement la qualité des soins prodigués aux patients. Comment deux personnes peuvent-elles gérer efficacement des centaines de patients atteints de troubles mentaux graves ? Cette situation met en danger non seulement les patients, mais aussi le personnel submergé par la charge de travail.

 

La prolifération des stupéfiants : un fléau grandissant pour la santé mentale en Centrafrique.

 

Nathalie Agnès-Wakanda, majeure du centre, pointe un problème majeur : « La majorité de nos patients sont hospitalisés pour des problèmes de consommation de substances, de drogue » . La propagation de drogues bon marché, notamment l’alcool frelaté dit « de Wagner », vendu à seulement 100 FCFA, détruit la santé mentale des Centrafricains, particulièrement les jeunes.

 

Un patient, Innocent, témoigne : « J’ai consommé des stupéfiants parce que je faisais des durs travaux. Mais je demande à mes frères de ne pas en prendre. Qu’ils préservent leur santé, pour ne pas qu’ils tombent dans le même état que moi » . Ce cri d’alarme met en évidence l’urgence d’une politique de prévention, actuellement inexistante.

 

L’inaction coupable des autorités pour la santé mentale en Centrafrique.

 

Devant cette catastrophe sanitaire, le gouvernement brille par son absence. Aucun plan d’action concret n’est mis en place pour améliorer les infrastructures, former du personnel qualifié ou lutter contre la prolifération des drogues. Cette négligence condamne des milliers de Centrafricains à une détérioration inexorable de leur santé mentale.

 

Les conséquences économiques et sociales de cette crise sont considérables. Les familles, livrées à elles-mêmes, doivent assumer seules la charge de leurs proches malades. Pauline, qui accompagne son fils malade, explique : « Il était parti se faire soigner Ben Baiki chez sa belle famille. D’après ce qu’il nous a rapporté, il est tombé dans cet état après que le guérisseur lui a donné une décoction » . Cette situation pousse de nombreuses familles à se tourner vers des pratiques alternatives, parfois dangereuses, faute de soins appropriés.

 

L’absence de politiques de santé publique efficaces aggrave le problème. Aucune campagne de sensibilisation n’est menée pour informer la population des risques liés à la consommation de stupéfiants. Les jeunes, particulièrement vulnérables, se retrouvent exposés sans protection à ces substances nocives.

 

La situation du centre psychiatrique de Bangui reflète un problème plus large de négligence du système de santé centrafricain. Les infrastructures médicales, déjà insuffisantes avant la crise, se sont encore détériorées. Le manque de personnel qualifié et de médicaments essentiels compromet la qualité des soins dans tous les domaines médicaux.

 

L’impact sur la société centrafricaine est profond. Les troubles mentaux non traités contribuent à l’instabilité sociale, augmentent les risques de violence et freinent le développement économique du pays. La productivité nationale est affectée par l’incapacité de nombreux citoyens à travailler en raison de problèmes de santé mentale non pris en charge.

 

En 2024, la République centrafricaine semble abandonner sa population à un destin tragique, faute de volonté politique et d’investissements dans la santé mentale. Pendant ce temps, les trafiquants de drogue comme Wagner continuent d’empoisonner la jeunesse du pays, avec la complicité tacite de certains dirigeants. Cette situation intolérable pose la question de la responsabilité de l’État dans la protection de ses citoyens.

 

Il est urgent que les autorités centrafricaines prennent conscience de l’ampleur du problème de la santé mentale en Centrafrique  et agissent rapidement. Des investissements massifs dans les infrastructures de santé mentale, la formation de personnel qualifié et la mise en place de programmes de prévention sont indispensables. La communauté internationale doit également jouer son rôle en apportant un soutien financier et technique pour aider le pays à surmonter cette crise.

 

La santé mentale des Centrafricains ne peut plus être ignorée. Elle constitue un enjeu crucial pour l’avenir du pays, sa stabilité et son développement. Il est temps que les autorités assument leurs responsabilités et mettent en place une politique de santé mentale digne de ce nom. L’avenir de la nation en dépend.

 

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