La contrebande pétrolière en Centrafrique : pour le GTSC, l’État légalise l’illégal

La contrebande pétrolière en Centrafrique : pour le GTSC, l’État légalise l’illégal

Le ministre en charge du développement de l’énergie et des ressources hydrauliques, Arthur Bertrand Piri ngaba
Le ministre en charge du développement de l’énergie et des ressources hydrauliques, Arthur Bertrand Piri. CopyrightDR

 

 

Bangui, CNC. Dans son rapport choc “La mafia dans le secteur pétrolier en République Centrafricaine”, publié en septembre 2024, Paul-Crescent BENINGA du Groupe de Travail de la Société Civile sur la Crise Centrafricaine (GTSC) lève le voile sur un scandale d’État : la légalisation de fait de la contrebande pétrolière. Cette enquête de 24 semaines révèle comment les autorités centrafricaines, sous couvert de lutter contre les importations frauduleuses, ont mis en place un système qui encourage et profite de cette même contrebande, au mépris de la loi et de la sécurité des citoyens.

 

Un “Arrêté du FMI” détourné de son objectif au profit d’un vaste réseau de contrebande pétrolière en Centrafrique.

 

Au cœur de ce système pervers se trouve l’Arrêté n°035/MFB/DIRCAB.24 du 14 juin 2024, surnommé “l’Arrêté du FMI”. Officiellement destiné à fixer “les modalités de liquidation des droits et taxes sur les produits pétroliers pour les importateurs non autorisés à la SOCASP”, ce texte a été interprété de manière abusive comme une autorisation à régulariser a posteriori les importations illégales de carburant.

 

BENINGA note avec consternation : “L’Arrêté du FMI a été compris comme un cadre réglementaire qui vient légaliser les actes d’importation frauduleuse des produits pétroliers“. Cette interprétation fallacieuse a ouvert la porte à une explosion de la contrebande pétrolière en Centrafrique, avec la bénédiction tacite des autorités.

 

Le Comité de Contrôle : complice ou incompétent ?

 

Le rapport pointe du doigt le rôle ambigu du Comité de Contrôle et de Lutte Contre les Importations Frauduleuses des Produits Pétroliers. Censé combattre la contrebande, cet organisme semble au contraire la faciliter à travers sa politique de “main levée” sur les produits saisis.

 

BENINGA cite plusieurs cas édifiants :

 

“En juillet 2024, le Chef de Service du Comité de Contrôle a demandé la main levée sur les quatre fûts appartenant à madame KOYAZO Ruth stockés au dépôt de Kolongo pour destination de la ville de Kaga Bandoro”.

 

“Le 12 août 2024, une autre décision de main levée a été ordonnée sur 180 bidons de 25 litres de gasoil frauduleusement importés”.

 

Ces décisions de main levée sont justifiées par le paiement de “pénalités” au Comité de Contrôle. Or, comme le souligne BENINGA : “Toute décision de main levée est soumise préalablement aux paiements des frais de pénalités qui seront versés dans les caisses du Comité de Contrôle et non du Trésor public”.

Le déchargement des fûts de carburant de monsieur Piri au km5
Le déchargement des fûts de carburant de monsieur Piri au km5, le 6 février 2023. Copyright2023

 

Cette pratique soulève de graves questions sur l’intégrité du Comité. S’agit-il d’incompétence ou de complicité active dans un système de racket institutionnalisé ?

 

La contrebande pétrolière en Centrafrique , un danger pour la sécurité publique.

 

Au-delà de l’aspect financier, cette politique de la main levée fait peser un risque majeur sur la sécurité des citoyens centrafricains. BENINGA alerte : “Cette politique de main levée fait l’impasse sur l’origine des produits saisis qui se retrouvent sur le marché. Il est difficile de savoir si les carburants importés sont de bonne ou mauvaise qualité”.

 

Les conséquences de cette négligence criminelle ne se sont pas fait attendre. Le rapport rappelle qu’en 2022, “au plus fort de la pénurie, on a noté de nombreux cas d’incendie partis d’entrepôts de carburant dans les quartiers de Bangui, notamment, dans le quartier Km5”. Ces drames humains sont le résultat direct de la prolifération d’entrepôts clandestins, alimentés par la contrebande que l’État prétend combattre tout en la tolérant.

Étale de vente de carburant de contrebande aux abords d'une rue de la capitale Bangui en RCA
Étale de vente de carburant de contrebande aux abords d’une rue de la capitale Bangui en RCA

 

La contrebande pétrolière en Centrafrique , un système qui s’auto-entretient.

 

L’enquête de BENINGA dévoile aux yeux du monde un système pervers qui s’auto-entretient. D’un côté, le monopole accordé illégalement à Neptune Oil SA (voir article précédent) crée des pénuries et maintient les prix à un niveau artificiellement élevé. De l’autre, cette situation encourage la contrebande, que l’État “combat” en prélevant sa part du gâteau via les “pénalités” du Comité de Contrôle.

 

“Tout porte donc à croire que le rôle du Comité de Contrôle et de lutte contre les importations frauduleuses des produits pétroliers n’est pas de lutter contre la contrebande desdits produits mais plutôt de laisser entrer les produits pétroliers, de les saisir ensuite pour se faire de l’argent auprès des contrevenants”, conclut BENINGA.

 

Cette analyse est corroborée par les chiffres. Malgré l’existence du Comité de Contrôle et les saisies régulières, “les produits stockés dans ces entrepôts non homologués proviennent en grande partie de la contrebande des importateurs non autorisés et continuent d’inonder le marché jusqu’à nos jours”.

 

Un échec des recommandations du FMI.

 

Le rapport souligne que cette contrebande pétrolière en Centrafrique perdure malgré les recommandations du Fonds Monétaire International (FMI). En avril 2024, le FMI a déployé une Mission d’Assistance Technique qui a formulé des recommandations assorties d’échéanciers pour réformer le secteur pétrolier centrafricain.

 

Parmi ces recommandations figuraient notamment :

– La libéralisation des importations de Jet ;

– La mise en conformité de la convention de Neptune Oil SA avec le cadre légal en vigueur ;

– La modification des décrets 18.295 et 12.019 pour passer à une évaluation a priori et unique des importations.

 

Or, BENINGA constate avec amertume que “près de la moitié des recommandations du FMI n’ont pas été mises en œuvre par le Ministère du Développement de l’Energie et des Ressources Hydrauliques”. Cette inaction témoigne d’un manque de volonté politique pour assainir le secteur.

 

Un appel à l’action urgente.

 

Face à ce constat accablant, Paul-Crescent BENINGA et le GTSC appellent à une action urgente et déterminée pour mettre fin à ce système mafieux. Leurs recommandations incluent :

 

  1. La révision immédiate de “l’Arrêté du FMI” pour clarifier son interprétation et empêcher la régularisation des importations frauduleuses.

 

  1. Une enquête indépendante sur les activités du Comité de Contrôle et de Lutte Contre les Importations Frauduleuses des Produits Pétroliers, avec des sanctions exemplaires pour les responsables de malversations.

 

  1. La mise en place d’un véritable système de contrôle de la qualité des carburants importés, pour protéger la sécurité des consommateurs.

 

  1. L’application stricte des recommandations du FMI pour réformer en profondeur le secteur pétrolier.

 

  1. La création d’un consortium d’organisations de la société civile pour lutter contre la contrebande dans le secteur pétrolier en RCA.

 

BENINGA conclut son rapport par un avertissement solennel : “Les données présentées dans ce rapport ne sont que la partie visible de l’iceberg car nos enquêtes ont révélé la nécessité de poursuivre les recherches dont les résultats seront analysés et publiés au début de l’année 2025”.

 

Il est grand temps que le gouvernement centrafricain prenne la mesure du désastre de cette contrebande pétrolière en Centrafrique  et agisse de manière décisive pour y mettre un terme. L’avenir économique du pays et la sécurité de ses citoyens en dépendent.

 

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