Interview exclusive de Tébéngaï Stéphane, habitant de Yaloké, sur l’exploitation minière illégale à Gaga

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Interview exclusive de Tébéngaï Stéphane, habitant de Yaloké, sur l’exploitation minière illégale à Gaga

 

Interview exclusive de Tébéngaï Stéphane, habitant de Yaloké, sur l’exploitation minière illégale à Gaga
Monsieur stephane Tébéngaï , habitant de Yaloké

 

Rédigé le 09 septembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

Dans une interview exclusive à la rédaction du CNC, Tébéngaï Stéphane, surnommé Kirikou et habitant à Yaloké, dénonce une situation qu’il juge profondément injuste. Au cœur du conflit : un terrain minier dans le village de Gaga, près de Zawa, où des femmes exploitantes artisanales se retrouvent privées de leurs droits par l’intervention de soldats FACA au profit d’exploitants chinois.

 

Selon son témoignage, un accord initial avait pourtant été conclu devant témoins, répartissant les zones d’exploitation entre les Chinois et sa famille. Mais la découverte récente de graviers miniers aurait changé la donne, entraînant l’intervention militaire et la confiscation des outils de travail des exploitants.

À travers ce récit, Stéphane soulève des questions importantes sur la souveraineté, l’équité dans l’exploitation des ressources naturelles et le rôle des forces de sécurité centrafricaines dans ce type de conflits.

À lire : l’intégralité de l’interview ici.

 

Corbeau News Centrafrique (CNC) : Bonjour monsieur Stéphane, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

 

Tébéngaï Stéphane : Bonjour, je m’appelle Tébéngaï Stéphane, mais beaucoup me connaissent sous le surnom de Kirikou. Je vis à Yaloké, à environ 225 km de Bangui, sur la route de Bossemptélé.

 

CNC : Vous avez publié le 3 septembre 2025 une déclaration sur WhatsApp à propos d’un terrain situé à Gaga. Pouvez-vous expliquer ?

 

Stéphane : Oui. Ce terrain est un héritage de ma famille, il y avait même des habitations dessus. En 2022, des Chinois sont arrivés pour l’exploiter. Un accord a été conclu en public, en présence du chef du village de Gaga, du président de la jeunesse, du chef de quartier, d’un géologue du ministère des Mines, de militaires FACA et bien sûr des représentants chinois. Tout était clair : les Chinois prenaient la première couche du site, que nous appelons le premier plateau, mais les deuxième et troisième restaient réservés à ma famille et aux femmes du village.

 

CNC : Comment cet accord s’est-il déroulé concrètement ?

 

Stéphane : Le géologue avait expliqué que le site comportait trois plateaux superposés. Les femmes ont dit : “Nous sommes prêtes à céder le premier plateau puisque nous n’avons ni armes ni moyens, mais laissez-nous les deux autres pour survivre.” Les Chinois ont accepté, le chef du village a validé, le président de la jeunesse a confirmé, et les FACA étaient là pour témoigner. Tout le monde a vu et entendu que le premier plateau était vendu, pas le reste.

 

CNC : Que s’est-il passé après cet accord ?

 

Stéphane : Pendant trois ans, de 2022 à 2025, les Chinois ont exploité le premier plateau. Puis, après avoir fini, ils sont partis. Ma famille et d’autres femmes du village ont alors repris le terrain pour exploiter artisanalement le deuxième plateau, comme cela avait été convenu devant les témoins.

 

CNC : Pouvez-vous raconter en détail ce qui s’est passé le 2 septembre dernier ?

 

Stéphane : Le 2 septembre, vers 16 heures, les femmes ont découvert du gravier sur le deuxième plateau. Elles ont commencé à casser les pierres. Mais dans la nuit, vers 22 heures, un soldat FACA est arrivé. Il a exigé 50 000 francs CFA, en disant que si nous ne payions pas, il rappellerait les Chinois pour reprendre l’exploitation.

 

CNC : Quelle a été la réaction des femmes ?

 

Stéphane : Elles ont répondu qu’elles n’avaient pas cette somme. Elles n’avaient que 25 000 francs CFA et ont dit : “Cet argent, c’est tout ce que nous avons. Ce terrain n’est pas volé, il est à nous. L’accord concernait le premier plateau, pas celui-ci”. Le soldat a refusé. Il a appelé son chef, et un véhicule est venu. Ils ont embarqué les femmes, y compris ma mère, ainsi que mes frères. Même des vieilles dames ont été arrêtées.

 

CNC : Ont-ils été libérés ensuite ?

 

Stéphane : Oui, grâce à des interventions, ma mère et mes frères ont été relâchés, mais nos outils sont restés confisqués à la base des soldats. C’est un abus total.

 

CNC : Que s’est-il passé le lendemain, le 3 septembre ?

 

Stéphane : Le site avait été totalement bouclé par les FACA. Les familles n’avaient plus le droit d’y entrer. Par contre, les militaires ont laissé passer de gros camions pour ramasser les graviers, au profit des Chinois. Moi, je suis allé voir les autorités locales et les Chinois pour rappeler l’accord. Mais le représentant chinois m’a insulté devant tout le monde. Il a dit que le permis lui appartenait et qu’il n’avait rien à expliquer. Les militaires étaient là, armés, mais au lieu de protéger les Centrafricains, ils protégeaient les étrangers.

 

CNC : Vous confirmez que l’accord de 2022 séparait bien les droits d’exploitation selon les plateaux ?

 

Stéphane : Exactement. C’est ce que le géologue avait expliqué, validé par le chef du village, le président de la jeunesse et les autorités. Les Chinois ont fini leur travail sur le premier plateau, c’est terminé. Les autres couches appartiennent aux familles. Mais aujourd’hui, on veut nous les arracher de force, avec l’appui des armes de nos propres soldats.

 

CNC : Que craignez-vous si vous protestez contre cette situation ?

 

Stéphane : On dira que nous sommes des rebelles. On dira que nous troublons l’ordre public. Pourtant, nous voulons juste travailler sur nos terres. C’est nous qui avons voté pour ce gouvernement. C’est nous qui avons payé, avec nos impôts, les armes et les équipements militaires. Mais ces armes sont utilisées aujourd’hui contre nous, pour protéger des étrangers.

 

CNC : Quel message adressez-vous aux autorités et à la population ?

 

Stéphane : Je pose une question simple : est-ce qu’un Centrafricain peut aller en Chine prendre un terrain de force, dire “c’est mon permis, c’est mon terrain”, et exploiter sans rendre de comptes ? Est-ce même possible dans un pays voisin ? Non. Mais chez nous, tout est permis aux étrangers. Nous avons élu un président, nous lui avons confié la gestion du pays. Nous avons accepté des sacrifices pour financer l’armée et ses équipements. Mais aujourd’hui, cette armée préfère protéger des intérêts étrangers que ses propres citoyens. Et nous, quand nous parlons, on nous traite de voyous ou de rebelles. C’est incompréhensible et inacceptable.

 

CNC : Merci monsieur Stéphane pour ce témoignage.

 

Stéphane : C’est moi qui vous remercie de m’avoir donné la parole.

 

Propos recueillis par Anselme Mbata

 

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